La médecine à Jérusalem

L’épopée médicale hiérosolomytaine est intimement liée aux questions de religion, de foi et de miracles. Visite guidée.

Salle pédiatrique de Shaaré Tzedek (photo credit: MUSÉE DE LA TOUR DE DAVID)
Salle pédiatrique de Shaaré Tzedek
(photo credit: MUSÉE DE LA TOUR DE DAVID)
Le site archéologique enchanteur de la Tour de David abrite le musée historique de Jérusalem et propose une exposition consacrée à l’aspect médical de la ville trois fois sainte. La commissaire de l’exposition, Dr Nirit Shalev-Khalif, a réussi le tour de force de rassembler archives, livres, photos, préparations pharmaceutiques, instruments médicaux. Les institutions religieuses de toutes obédiences ont participé au projet, les hôpitaux ont ouvert leurs archives et des particuliers ont confié des objets inédits.
Avec une esthétique particulièrement soignée, les sinuosités du parcours, inspirées du serpent d’airain biblique, symbole de la guérison – présent sur le caducée médical – entraînent le visiteur vers des époques où l’accès à des soins de qualité pour tous était une utopie. Celui-ci peut examiner la capitale en consultant des sortes de dossiers de patients hospitalisés avec explications en hébreu, arabe et anglais sur des fiches plastifiées.
Au cours de l’histoire, Jérusalem a dû faire face à de nombreux fléaux : guerres, tremblements de terre, maladies (peste, choléra, typhus, lèpre, tuberculose, trachome, malaria…) ; et ce, avec une pénurie d’eau quasi constante.
De surcroît, à l’époque du Temple, la Ville sainte est confrontée à des afflux considérables de voyageurs lors des fêtes de pèlerinage, avec les risques épidémiques afférents. La planification urbaine de l’époque tente de s’accommoder de ces pics saisonniers en prévoyant d’immenses réservoirs d’eau et en cantonnant les activités polluantes à certaines zones.
Les trois religions monothéistes présentes à Jérusalem se sont emparées de la vie, de la mort et de la maladie, avec une bonne dose de superstition. La guérison, ainsi vue par le prisme religieux, acquiert alors un statut de miracle. Au point de rencontre entre souffrants emplis d’espoir et religieux venus avec réponses et solutions, s’écrit une histoire unique au monde dont voici quelques exemples.
Une petite pharmacie devenue Teva
Le Dr Shalev-Khalif a notamment déniché un manuscrit fascinant ayant appartenu aux Meyouhas, famille rabbinique établie dans la Ville sainte depuis l’expulsion des Juifs d’Espagne. Cet ouvrage, rédigé au XIXe siècle, dans une belle écriture hébraïque séfarade, contient des remèdes contre diverses maladies et… contre les démons. Les Meyouhas demeuraient à Silwan jusqu’à la guerre d’Indépendance. A leur départ, le livre y est resté, conservé par leurs voisins qui l’ont restitué après la guerre des Six Jours. Celui-ci fournit de précieuses informations sur la médecine et la morbidité de l’époque.
Un autre document apporte un éclairage sur le développement de la Ville sainte : la famille Parnas, en charge des enterrements séfarades au mont des Oliviers, tient le registre d’inhumations pendant l’épidémie de choléra de 1865 qui emporte 10 % de la population. Mise en quarantaine et prières collectives sont inefficaces. L’épidémie, aggravée par les conditions sanitaires désastreuses, aura pour effet l’acceptation par les Juifs de s’établir hors des murailles ottomanes dans le nouveau quartier financé par Sir Moses Montefiore.
Le regard est attiré par une photo de 1909 : dans le cimetière du mont des Oliviers est célébré un « mariage noir » qui unit deux orphelins sous un dais nuptial noir ; selon une croyance ashkénaze, ce type de célébration est censée stopper une épidémie. Une coupure du journal Hatzvi de Ben Yehouda relate ces cérémonies avec cynisme et humour.
Avant l’ère des antibiotiques, nombre de remèdes ont fleuri à Jérusalem. Certains basés sur des plantes mentionnées dans la Bible et le Talmud. D’autres amenés d’Europe par les Croisés. Les moines franciscains ouvrent au XVIIe siècle la première pharmacie de la ville ; puis le père di Cuna concocte un baume à base d’herbes locales censé guérir la peste bubonique. Le visiteur s’attardera sur la reconstitution de la phytopharmacie de Titus Tobler (XIXe siècle), médecin suisse passionné par le Proche-Orient.
L’origine du groupe pharmaceutique Teva nous est dévoilée : une petite pharmacie fondée en 1901 par Haïm Solomon, également leader communautaire dans les années 1920-50.
Médecine œcuménique
Le regard s’attarde sur une photo de la salle pédiatrique de l’hôpital Shaaré Tzedek, fondé en 1902 par des donateurs juifs orthodoxes allemands : les enfants jouent avec des peluches. Leur origine : le Dr Wallach estime qu’il faut des jouets pour le bien-être des petits, mais le budget fait défaut. Il fait alors appel à Margarete Steiff, fondatrice d’une fabrique allemande de nounours qui généreusement en offre un stock.
L’exposition montre aussi comment la foi et l’activité missionnaire aux XIXe et XXe siècles ont conduit à la création d’hôpitaux dans rehov Haneviim. Ainsi, la Société londonienne pour la diffusion du christianisme chez les Juifs y ouvre un centre de soins. Les leaders juifs orthodoxes réagissent en menaçant de herem (exclusion) les Juifs qui s’y feraient soigner. Grâce à la compétition entre institutions charitables, les hôpitaux prolifèrent dans ce quartier. Rothschild y ouvre le premier hôpital juif en dehors de la Vieille Ville. Actuellement, sur le site de l’ancien hôpital pédiatrique Marienstift, l’organisation chrétienne Shevet Achim reçoit, en provenance de pays arabes, des enfants qui subissent des opérations cardiaques en Israël. Ils sont hébergés dans le bâtiment historique avec leurs mères avant la chirurgie ainsi que pendant la convalescence.
Comme l’explique Eilat Lieber, directrice du musée, la médecine hiérosolomytaine est arrivée à une situation pacifiée où médecins et infirmiers de différentes confessions travaillent aujourd’hui côte à côte à traiter les patients de tous horizons. 
http://www.towerofdavid.org.il
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