La vallée du Jourdain, bouclier d’Israël

Tout futur accord devra assurer une présence israélienne sur le front est, plus vital que jamais face à l’instabilité régionale

P11 JFR 370 (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
P11 JFR 370
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)

L’annonce imminente du plan Kerry devrait enfin lever le voile sur la « feuille de route » du secrétaire d’Etat américain. L’un des points de friction, régulièrement discuté dans les médias ces derniers mois, porte sur le sort réservé à la vallée du Jourdain, indispensable à la sécurité de l’Etat hébreu. Cette zone lui permet en effet d’assurer sa défense sur le front est et constitue la frontière la plus proche du centre névralgique du pays, le triangle Jérusalem – Tel-Aviv – Haïfa, où réside 70 % de la population, et sur lequel s’étendent 80 % des infrastructures économiques du pays.

Certains experts affirment qu’Israël n’a plus besoin de la vallée du Jourdain comme bouclier contre de potentielles agressions sur son flanc est. Ils font valoir que la disparition du régime de Saddam Hussein en Irak, l’affaiblissement de la Syrie déchirée par la guerre civile et la formidable stabilité de la Jordanie au regard des crises qui secouent le monde arabe rendent toute menace sur ce front moins probable. Une analyse de courte vue, motivée par le désir de convaincre l’opinion publique israélienne que la vallée du Jourdain n’est plus militairement indispensable, mais qui ne tient pas compte de l’immense potentiel de bouleversements politiques que réserve le Proche-Orient. Ce qu’on qualifie encore de « printemps arabe » en est l’exemple le plus probant. Dans ce contexte, la déstabilisation de la Jordanie hachémite et de l’Arabie Saoudite sous les assauts du djihadiste radical qui sévit en Syrie ne sont pas des scénarios farfelus et le front est pourrait de nouveau se trouver menacé. De plus, le retrait américain d’Irak et d’Afghanistan a été interprété comme une victoire par les forces radicales de la région et représente un encouragement au djihad. La nouvelle indépendance énergétique américaine pourrait d’ailleurs achever de convaincre Washington que son ingérence au Proche-Orient est devenue obsolète. Israël ne peut donc plus compter sur les Etats-Unis pour soutenir les courants arabes modérés. Sous la présidence de Barack Obama, la Maison-Blanche a d’ailleurs soutenu les Frères musulmans en Egypte, et pourrait faire la même erreur stratégique en Jordanie.

E1, zone indispensable

Ceux qui se positionnent en faveur de l’abandon de la vallée du Jourdain aux Palestiniens, déniant son importance stratégique, comptent sur les technologies militaires de pointe actuelles, qui permettent des frappes chirurgicales à distance. Mais ces stratèges de chambre méconnaissent l’histoire de la stratégie militaire : elle démontre qu’un équilibre entre mesures offensives et défensives a fait ses preuves au cours des siècles. Croire que la technologie à elle seule, qui certes réduit temporairement les dangers sur le terrain, restera d’une efficacité incontestable en toutes circonstances, constitue une erreur stratégique dangereuse.

Promouvoir la sécurité de cette frontière en la faisant dépendre uniquement des capacités des technologiques actuelles, et d’un contexte politique volatile, témoigne d’une ignorance abyssale en matière de stratégie militaire.
Par conséquent, si Israël veut conserver une frontière défendable le long de la vallée du Jourdain, il doit aussi pouvoir garantir la défense de la route qui mène de la côte à la vallée, et ce via une Jérusalem indivisible et un axe qui passe nécessairement par l’implantation de Maalé Adoumim en Cisjordanie, situé à 15 kilomètres du Jourdain. Autour de cet axe routier ouest-est se concentre une population à majorité juive ; et c’est le seul axe routier par lequel Israël pourrait acheminer des troupes de la côte vers la vallée du Jourdain en cas d’urgence.
Maalé Adoumim est la clef de voûte d’une ligne de défense efficace et viable le long de la vallée du Jourdain. Construire un couloir d’implantations juives qui s’étendraient de Jérusalem à Maalé Adoumim (ce qui représente 5 km de terres dans la région E1) assurera la sécurité de la route conduisant à la vallée du Jourdain et empêchera la division de la capitale de l’Etat hébreu. L’importance de Jérusalem pour les Juifs n’est pas seulement historique et religieuse, elle est aussi sécuritaire et stratégique. Il est très important de conserver le contrôle sur la seule autoroute qui va de la Méditerranée au Jourdain, le long de laquelle les Juifs peuvent transiter avec peu d’interférences avec les zones à forte densité de population arabe.
Les Palestiniens, eux, projettent de peupler la zone E1 afin de créer une continuité de peuplement entre la Samarie et Jérusalem-Est, ce qui favoriserait les arguments en faveur de la division de la ville. Une évolution dans ce sens contribuerait également à isoler Maalé Adoumim et saper les prérogatives israéliennes sur la vallée du Jourdain. L’implantation des Juifs dans la zone E1 est impérative et indispensable pour préserver l’unification de Jérusalem, et consolider une frontière israélienne défendable le long de la vallée du Jourdain.
Les Etats-Unis semblent vouloir comprendre l’impératif stratégique israélien de conserver la vallée du Jourdain, mais s’opposent à ce que l’implantation de Maalé Adoumim soit reliée à Jérusalem, au motif qu’ils ne considèrent pas cela comme une composante essentielle de la défense de sa frontière orientale. Pourtant, nous devons nous rappeler que les Etats-Unis se sont toujours opposés aux efforts de colonisation israélienne depuis 1967, mais leurs objections n’ont pas eu d’impact sur les décisions israéliennes en la matière. De plus il serait possible de persuader les Américains du bien-fondé qu’il y aurait à accepter tacitement le rattachement de Maalé Adoumim à Jérusalem, si Israël faisait valoir clairement ses arguments stratégiques, fondés sur le principe d’un compromis territorial.

Une politique ciblée

La sagesse serait de régler indistinctement le statut de chaque parcelle de la région, ce qui n’est pas facile d’un point de vue stratégique et difficile à défendre sur la scène diplomatique internationale. A défaut il serait bon de se concentrer sur la promotion d’une politique d’implantation qui ciblerait des zones qui pourraient fédérer et générer un consensus, y compris Maalé Adoumim et la vallée du Jourdain, car elle rencontrerait moins d’obstacles auprès les chancelleries étrangères. D’autant plus que parvenir à compromis territorial en Judée-Samarie est également une position à laquelle adhèrent le plus volontiers la plupart des Israéliens.

Le gouvernement doit agir et tabler sur cette convergence de vue. Ce faisant, il démontrera son sérieux dans les négociations et son désir sincère de résoudre le conflit israélo-palestinien. Il doit également convaincre les Israéliens qu’il poursuit activement cet objectif, s’il veut pouvoir compter sur leur soutien, d’autant plus nécessaire en cas de pressions internationales qui pourraient l’acculer à faire des concessions dangereuses, voire aussi à les convaincre le cas échéant, de la nécessité de mener un nouveau conflit armé.
Une politique d’implantations ciblées qui ferait la distinction entre les zones stratégiques importantes et celles qui le sont moins, nécessite un gel progressif des allocations et des permis de construire dans les implantations isolées et devrait être complétée par la suppression des avant-postes illégaux, situés en dehors de ces zones qui entreraient dans le cadre d’un accord.
Construire en zone E1 vers la vallée du Jourdain deviendra ainsi plus facilement défendable que ce soit sur le plan national ou international. Il est impératif de construire des maisons pour les Juifs et de les aider à s’établir sur un axe sécurisé tout le long de la frontière orientale d’Israël. Espérons que Netanyahou va enfin tout mettre en œuvre pour faire aboutir les demandes de construction en zone E1, annoncées à plusieurs reprises puis annulées, et développer la présence israélienne dans la vallée du Jourdain.
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