L’école du vivre ensemble

De plus en plus d’établissements mixtes proposent aux enfants religieux et laïcs d’étudier ensemble. Les adultes de demain seront ouverts au dialogue ou ne seront pas

Professeur de Keshet (photo credit: DR)
Professeur de Keshet
(photo credit: DR)

En franchissant le portail de l’école Keshet, à Jérusalem, ce qui frappe c’est la diversité du monde juif qui est représentée. Ici, les garçons portent ou ne portent pas la kippa, les filles sont habillées en jupes longues et collants ou en pantalons, et 5 des 17 classes de l’école, qui accueille les élèves jusqu’à la Terminale, sont réservées à des enfants aux besoins spécifiques.

Bizarrement, aucune de ces différences ne semble poser problème à qui que ce soit…
Au cours de l’année scolaire 2012-13, 1 169 711 jeunes Israéliens étaient inscrits dans le système éducatif juif du pays ; 668 692 d’entre eux étudiaient dans des établissements laïcs, 212 379 dans des écoles d’Etat religieuses.
Selon le Bureau central des statistiques, 42 % des Juifs israéliens se définissaient comme laïcs en 2010, 12 % comme religieux et 13 % comme appartenant au courant « national religieux ». Ainsi, la répartition des élèves entre secteurs religieux et laïc semble représentative de la démographie générale du pays.
Toutefois, un examen plus attentif fait apparaître que 200 000 élèves ne sont peut-être pas à leur place dans ces cases trop rigides intitulées « écoles laïques » ou « écoles religieuses ». Et que dire des 25 % qui se définissent comme « traditionalistes » ? Dans un pays où les tensions se cristallisent souvent entre « les laïcs » et « les religieux », des écoles comme Keshet s’efforcent de démontrer que ces groupes ont davantage en commun qu’ils ne le croient. Pour Talia Koren, directrice adjointe de l’administration pédagogique au ministère de l’Education, reconnaître ces points communs est un bon début pour la société israélienne. « Nous voyons des Israéliens de tous horizons vivre ensemble dans la compréhension et le respect mutuels », affirme-t-elle. « Le ministère de l’Education a un très fort désir de faire quelque chose pour ces gens-là. »
Un seul impératif : se réconcilier
Tzav Piousse est une association qui cherche à pousser les choses dans ce sens. Fondée en 1996 à la suite de l’assassinat du Premier ministre Itzhak Rabin, elle entendait alors lutter contre les tensions grandissantes qui opposaient les religieux aux laïcs du pays. Son nom, qui signifie « ordre de conciliation », est un jeu de mots sur l’expression « tzav guiousse », la convocation envoyée par Tsahal aux jeunes de 18 ans ou encore aux réservistes en cas de guerre imminente. Il vise à souligner que l’unité parmi les Juifs est aussi cruciale que la protection de la sécurité nationale.
Le changement, estime Tsav Piousse, doit commencer avec ce qui constitue l’avenir du pays : ses enfants. C’est donc dans le système éducatif public qu’il faut casser la ségrégation religieuse. Ainsi, l’association aide-elle les communautés qui le souhaitent à ouvrir des écoles prônant la diversité. Son objectif ? Transformer peu à peu le tissu social en repérant les similarités entre les différentes catégories de population.
Selon Aliza Gershon, sa directrice depuis 6 ans, l’association a reçu l’an dernier 180 demandes de parents ou d’éducateurs désireux de créer ce type d’école dans leur communauté. Elle a aidé à la création de 46 écoles, qui accueillent aujourd’hui 7 200 élèves à travers le pays.
Un chiffre qui peut paraître modeste, mais qui n’empêche pas l’adjointe au maire de Jérusalem Rachel Azaria de voir ces écoles « interculturelles » comme l’avenir du pays en matière   d’éducation. Pour elle, beaucoup d’Israéliens ne se considèrent pas comme strictement « laïcs » ou « religieux », et de telles classifications ne font que poser des problèmes dès l’instant où leur enfant entre en CP.
« Le système éducatif israélien ne propose pas à ces parents-là d’établissements pour leurs enfants », déplore-t-elle. « Voilà pourquoi nous voyons s’ouvrir de plus en plus d’écoles religieuses interculturelles qui s’adressent à une large population. »
Théoriquement, l’idée est belle et beaucoup de parents, religieux et laïcs, aspirent à élargir l’esprit de leurs enfants en les mêlant à d’autres enfants de traditions et d’origines différentes. Toutefois, des questions se posent au niveau pratique : comment faire fonctionner tout ça ? Sachant que le développement de l’enfant dépend principalement de son environnement immédiat, quelles seront les conséquences d’une telle immersion au niveau personnel ? Au niveau religieux ? Comment réagissent les enfants confrontés si jeunes à la pression de leurs pairs ? Pour répondre à ces questions, trois lycéens de Keshet ont accepté de partager leur expérience de membres de cette communauté mixte.
Shabbat pluriel
 
Noam, élève de Terminale, fréquente l’école depuis la maternelle. « Pour moi, cette structure nous donne la possibilité de nous exprimer et d’être écoutés. C’est un outil pour toute la vie, puisqu’elle nous apprend à respecter et à accepter des gens différents de nous. Je crois aussi qu’elle nous donne confiance en nous et nous conforte dans nos choix respectifs. »
Yuvi, élève de Première, renchérit : « Il y a très peu de conflits entre les laïcs et les religieux. Nous sommes capables d’apprendre des autres… et aussi de transmettre aux autres. »
La façon d’aborder le Shabbat offre un bon exemple de ce que dit Yuvi : « Il y a des élèves qui ne sortent pas le Shabbat, alors leurs amis laïcs remettent leurs projets à un autre jour de la semaine pour qu’ils puissent venir. Et si on se voit le Shabbat, le laïc demandera au religieux s’il est d’accord avant de prendre une photo, par exemple. Les gens sont souples. »
Koren, du ministère de l’Education, utilise elle aussi l’exemple du Shabbat à l’appui de son argumentation : « Je peux être assise en classe à côté d’une camarade dont les parents prennent la voiture le Shabbat, tandis que chez moi, c’est impossible. Et alors ? », illustre-t-elle. « Quand il y a de la compréhension et du respect mutuel, quel que soit le milieu d’où l’on vient, on peut parler. En prônant ce mode de dialogue différent, on aide la population israélienne à se développer de façon harmonieuse. »
Linoï, élève de Terminale, explique que se trouver dans un environnement interculturel lui a offert l’opportunité de découvrir des mondes différents du sien. « Nous, on apprend de quelle façon ils respectent le Shabbat et, eux, ils apprennent ce que nous, nous faisons. C’est une façon d’avoir le choix, cela permet de décider ce que l’on veut pour soi. »
Quand on parle d’identité religieuse, « ce que l’on veut » est important, et le choix en question peut être effrayant. Yuvi est lui-même en plein questionnement.
« On n’arrête pas de réévaluer les choses, de rencontrer de nouveaux mondes », affirme-t-il. « Moi, j’ai une mère religieuse et un père laïc, et je sais qu’il faudra que je choisisse entre ces deux visions de la vie à un moment ou à un autre. Fréquenter cette école me donne la possibilité de goûter à différentes façons d’envisager le judaïsme. »
Mais les parents ont-ils nécessairement envie de voir leurs enfants « goûter » ainsi à divers modes de vie ? Shimon Avichzer, directeur de Keshet depuis six ans, apporte sa réponse à cette question : « Tout parent a envie que son enfant évolue de telle ou telle façon », explique-t-il, « et le choix de l’école dans laquelle il place son enfant entre dans cette équation. Mais quand on regarde les anciens élèves, on s’aperçoit que rares sont ceux qui ont fait des choix religieux très différents de leurs parents. La majorité d’entre eux continuent à s’identifier à l’identité religieuse qu’ils ont connue dans leur famille. »
Pour les enfants ayant un parent laïc et l’autre religieux, des écoles comme Keshet fournissent un modèle qui installe les enfants dans un cadre confortable et familier qui leur permet, comme le dit Yuvi, de comprendre qui ils sont et quel individu ils veulent devenir.
Selon Gershon, de Tzav Piousse, c’est l’un des intérêts de l’école interculturelle. « On peut très facilement considérer le point de vue des autres, puisqu’en fait, ce sont nos amis. Cela permet de se construire une identité personnelle et nationale d’une façon unique. »
Azaria estime que ce changement sera crucial pour l’identité nationale du pays. « Nous sommes actuellement une société multiculturelle, mais chaque culture existe souvent à l’intérieur de ses propres limites », affirme-t-elle. « On reste entre soi. Ce qu’il faut atteindre, c’est un esprit de solidarité entre les communautés, afin de trouver un terrain commun que nous partagerions en tant que peuple. » C’est précisément le principe fondateur du parti Yeroushalmim, que dirige la même Rachel Azaria.
Vice-principal de Keshet et professeur de Terminale, Amiad Melzer souligne que tous les changements que font les élèves dans leur pratique religieuse relèvent d’une réflexion profonde et progressive. L’implication des parents est encouragée à toutes les étapes du processus. « Les parents », ajoute-t-il, « comprennent que nous travaillons activement à renforcer l’identité de leurs enfants. »
Réfléchir chaque matin à son identité
Autre élément de cet interculturalisme religieux, la façon dont l’école traite la rébellion.
« Les adolescents ont parfois envie de se rebeller, mais ici, tout est très ouvert », explique Melzer. Si, dans d’autres écoles, on ne leur permet pas de décider tout à coup de ne plus accomplir certaines pratiques religieuses, ici, on les y autorise, et cela ouvre la porte au dialogue. »
« En décidant de ne pas prier, on ne va pas à l’encontre de l’éthique de l’école, ce qui donne aux enfants des opportunités uniques de s’exprimer », renchérit Avichzer. « Et quand un élève prend ce type de décision, ce n’est donc jamais sans en avoir discuté au préalable, et avec l’équipe éducative, et avec les parents. C’est une façon de déceler des problèmes sous-jacents qui seraient peut-être passés inaperçus autrement. »
Melzer cite l’exemple de Nathan, élève de Première, issu d’une famille religieuse, qui a cessé de porter la kippa un beau matin. Au bout de quelques jours, un professeur l’a interrogé et, au terme d’une longue conversation, Nathan lui a expliqué qu’après avoir appris les atrocités subies par les enfants pendant la Shoah, il n’avait plus envie de prier et préférait retirer sa kippa. L’enfant a ensuite eu droit à des séances particulières de réflexion avec un professeur de philosophie spécialisé dans le domaine de la religion et la Shoah.
Pour des raisons idéologiques, Keshet ne propose pas de voyage en Pologne à ses lycéens, contrairement à beaucoup d’autres écoles. Au lieu de cela, les enfants partent ensemble quatre jours à l’intérieur d’Israël pour mener une réflexion approfondie sur les événements de la Seconde Guerre mondiale. Durant ce séjour, Nathan a fait un exposé sur le sujet qui l’avait tant troublé. Il est aujourd’hui élève de yeshiva à Maalé Guilboa.
« Cela ne serait pas arrivé dans une autre école », souligne Melzer. Offrir à Nathan la possibilité de ne plus porter de kippa a permis d’ouvrir le dialogue avec lui et de lui faire avoir une vraie discussion. Dans un autre contexte, l’école n’aurait peut-être jamais su que Nathan se débattait avec ce genre de problématique.
« Chaque matin, les élèves ont le choix entre prier ou participer à un groupe de discussion », explique Avichzer. « Chaque matin, ils réfléchissent donc à leur propre identité. »
Ce qui ne signifie pas que les enfants peuvent opter de façon arbitraire pour la tefila (prière) un jour et pour le débat le lendemain. « Là encore, c’est l’occasion de discuter », explique Melzer. « Nous demandons à l’enfant qui souhaite passer de l’un à l’autre quelles sont ses motivations et il nous explique. »
Soucieux de renforcer l’identité de ses élèves, l’équipe éducative de Keshet estime qu’il est également important que les enfants suivent certains cours avec des enfants qui leur ressemblent. Voilà pourquoi le programme intitulé Beit Midrash, en Cinquième et en Quatrième, prévoit des classes séparées : religieux d’un côté, laïcs de l’autre, chacun de ces groupes étant lui-même séparé entre filles et garçons. Car si la plupart des enseignements se font dans des classes interculturelles, explique Melzer, « il est également important de renforcer son propre monde ».
Cette année, ajoute Avichzer, l’école a même séparé filles et garçons pour l’enseignement des maths.
Au lycée, le programme de Beit Midrash, surtout consacré à la loi et à la philosophie juives, s’adresse de nouveau à des classes interculturelles. Il est enseigné par deux professeurs, l’un religieux et l’autre, laïc. Cela permet d’établir un dialogue entre les deux mondes, puisque les professeurs ont des opinions opposées et que les élèves n’hésitent pas à poser leurs questions.
« C’est une façon d’identifier les similarités et les différences », affirme Avichzer.
De même, chaque classe du lycée a deux professeurs principaux, l’un religieux et l’autre laïc.
Il s’agit là d’une expérience exceptionnelle pour les professeurs comme pour les élèves. Enseigner dans une école comme Keshet ne peut qu’ouvrir l’esprit, estime Melzer. « Nous avons des enseignants laïcs qui n’avaient jamais eu de contacts quotidiens avec la synagogue, et des professeurs religieux qui se faisaient toutes sortes d’idées sur ce que signifiait être laïc. Cela change la vision que l’on a des choses… »
70 % des parents souhaiteraient inscrire leurs enfants dans une école mixte
Depuis cinq ans, Assaf Hirschfeld est consultant pour les nouvelles écoles de Tzav Piousse. Il a demandé au principal d’un de ces nouveaux établissements interculturels d’écrire quelque chose sur son expérience. « C’était un jeune religieux », raconte-t-il, « et j’ai été impressionné et surpris par son ouverture d’esprit ! Dans son texte, il explique qu’il avait jusqu’à présent des idées préconçues sur les laïcs, et que ces idées se sont révélées infondées. »
Hirschfeld s’est engagé dans Tzav Piousse il y a huit ans, quand il a mené un projet d’ouverture d’école interculturelle dans sa propre communauté de Mazkeret Batya. Il affirme que les parents de cette école commencent à voir de leurs propres yeux les effets et la réussite de l’interculturalisme. Dans une étude récente menée par l’association, 70 % des parents israéliens se déclareraient prêts à envoyer leurs enfants dans l’un de ces établissements mixtes.
« Il est évident que les opinions ont évolué », ajoute Avichzer. « Comme l’école élémentaire a été une réussite, les parents, religieux ou non, ont pu constater que cela fonctionnait et que l’identité de leurs enfants en sortait renforcée. Maintenant que nous avons passé la première période de mise en route, des gens qui n’envisageaient pas une seconde de mettre leurs enfants dans une école comme la nôtre en font la demande. Le monde commence à s’élargir un peu. »
Les écoles religieuses interculturelles vont se multiplier en Israël, prédit-il, ce que confirme Hirschfeld avec véhémence. Le ministre de l’Education Shaï Piron a d’ailleurs décidé de les placer au cœur de sa réforme. Lui-même se définit comme religieux, mais vient d’un milieu laïc. Au cours de sa carrière, il s’est impliqué dans de nombreux projets visant à encourager les interactions entre communautés religieuses et laïques. Tzav Piousse joue désormais une part active dans l’action du ministère de l’Education, estime Hirschfeld, puisqu’elle fournit le cadre concret nécessaire pour mettre en branle les projets qui ont reçu l’approbation du ministère.
Depuis 2010, une loi prévoit que toute école déjà existante peut devenir interculturelle. En revanche, il est interdit de créer directement une école de ce type. Gershon espère que cette dernière législation sera bientôt modifiée. Cependant, ajoute-t-elle, de nombreuses associations de parents d’élèves souhaitent actuellement transformer les écoles existantes selon le modèle mixte, et il y a déjà du pain sur la planche avec ces projets-là.
« Nous sommes là pour fournir à tout parent intéressé les moyens d’agir, de l’obtention des subventions au programme pédagogique », explique-t-elle.
A en croire Hirschfeld, 50 écoles maternelles, primaires et secondaires devraient devenir interculturelles grâce à l’aide de Tzav Piousse au cours des trois prochaines années. Et il ne doute pas que cela aura un impact profond sur la société israélienne.
Dans un discours prononcé à Mazkeret Batya, Piron s’est félicité de voir ce nouveau type d’établissements donner naissance à des communautés qui ne craignent pas de se rencontrer, qui n’ont pas peur de l’autre. « On ne peut pas enseigner si l’on a peur, et la peur joue un trop grand rôle dans les interactions entre individus et entre communautés en Israël », a-t-il déclaré. « Les écoles interculturelles font reculer ces peurs en créant des interactions pleines de sens. »
Une renaissance juive dans l’univers laïc
Quand on leur demande s’il leur est arrivé de vouloir changer d’école, Yuvi, Noam et Linoï répondent que Keshet est sans conteste « leur » école.
« Même si j’y suis depuis la maternelle, j’ai eu plusieurs fois la possibilité de changer », explique Noam. « Mes parents m’ont toujours donné le choix. Mais j’ai vraiment trouvé ma place ici, cette école est ma deuxième maison, et je ne suis pas sûre que j’aurais eu la même impression ailleurs. »
Arrivé en classe de Seconde, Yuvi affirme que Keshet lui a ouvert l’esprit d’une façon positive. « Comme le suggère son nom, c’est tout un arc-en-ciel que l’on voit ici, et tout le monde a quelque chose à y gagner. Des gens qui connaissent tout, ça n’existe pas, il reste toujours des choses à apprendre. »
Pour Linoï, rencontrer des gens qui ne viennent pas nécessairement du même milieu que soi correspond au type d’expérience que l’on fait à l’université, à l’armée ou dans le monde du travail. « C’est un mode de vie, un choix, si on veut : accepter les gens qui ne sont pas comme nous. » Et les élèves de Keshet partent avec un avantage sur ce plan, estime-t-elle, « parce qu’on vient d’un lieu où on nous a déjà appris à faire ça ».
« Quand on arrive avec l’esprit ouvert et qu’on s’autorise à changer d’opinion, on devient meilleur », ajoute Yuvi, et Noam l’approuve.
« Moi, je n’ai pas de problème avec mon identité religieuse », dit-elle. « Mais quand on se trouve dans cet environnement, on prend le temps de réfléchir et de chercher à s’améliorer. Si les gens avec qui l’on est sont différents de nous, cela ne veut pas dire qu’ils sont loin de nous. C’est juste que l’on apprend à vivre avec eux. »
Keshet propose par exemple un cours consacré à la justice dans le judaïsme. C’est une option que peuvent choisir les élèves pour l’examen de philosophie juive du bac. Noam, qui l’a prise l’an dernier, y a vu une opportunité de se pencher sur des textes juifs traitant d’une grande variété de sujets. « Les sujets de société abordés sont encore d’actualité pour la plupart, mais nous voyons comment les choses ont évolué. C’est un cours qui parle du monde dans lequel nous vivons et de la façon dont nous envisageons notre pays, notre ville, notre famille… »
Là encore, dit-elle, les différences permettent souvent de souligner les similarités.
Cette idée d’une identité juive partagée de diverses façons est assez répandue dans d’autres parties du monde, affirme Avichzer, mais on ne la ressent pas toujours en Israël.
« Quand des immigrants de France viennent visiter nos écoles avant d’y placer leurs enfants, ils ne comprennent pas cette notion d’éducation “laïque” et d’éducation “religieuse” », explique-t-il. « Tout ce qu’ils recherchent, eux, c’est une école juive. »
Mais la société israélienne est en train d’évoluer elle aussi dans cette direction.
Selon Gil Kraiem, responsable des relations publiques de Tzav Piousse, ces cinq dernières années ont vu une renaissance du judaïsme dans le monde israélien laïc. « De nombreux programmes très sérieux se créent pour enseigner le judaïsme à des Juifs venus d’horizons très variés. »
De même, la musique populaire reflète le flou de la démarcation entre religieux et laïcs. « De plus en plus de chanteurs laïcs chantent des textes religieux », affirme-t-il. « De la même façon, les gens cherchent davantage des écoles moins marquées pour leurs enfants. »
Sur le plan démographique, Avichzer estime que la population réunie à Keshet – forte de quelque 380 élèves – se compose de 30 % de religieux, 30 % de laïcs « purs », le reste se situant entre les deux. Melzer, lui, cite des chiffres un peu différents : 70 % “entre les deux”, contre 15 % qui se positionnent comme laïcs et 15 % qui se disent religieux.
On le voit, Keshet ne fait pas de statistiques quant au positionnement religieux de ses élèves. Certes, les parents doivent fournir cette information lorsqu’ils inscrivent leurs enfants au moment de l’entrée au collège, mais on ne la leur demande plus jamais ensuite. Ce qui reflète bien la vision de l’établissement quant à l’intégration : non que ces différences ne comptent pas, mais chaque élève effectue son itinéraire personnel, dans lequel les définitions rigides ne sont alors plus de mise.
Amram Mitzna, président du comité Education, Culture et Sport à la Knesset, est récemment venu visiter une école de Tzav Piousse. Mais qu’y a-t-il de si intéressant à voir ici ? a demandé un élève. Son professeur lui a répondu que Mitzna avait envie de voir une école où des enfants religieux vont en classe avec des enfants non religieux. « D’accord », a redemandé l’élève. « Mais qu’est-ce qu’il y a de si incroyable là-dedans ? »
Tel est précisément le type de changement que beaucoup espèrent voir se produire dans les mentalités à l’avenir.