Messa, table cosmopolite

« Le meilleur restaurant de Tel-Aviv » participe lui aussi à la semaine de la gastronomie. L’occasion de rendre visite au chef Aviv Moshé

Aviv Moshe, aux  fourneaux de Mess (photo credit: DR)
Aviv Moshe, aux fourneaux de Mess
(photo credit: DR)

Messa fête ses 10 ans cette année. Un exploit dans cette jungle telavivienne que l’on appelle l’industrie de la restauration, où les établissements se font et se défont tous les 4 ou 5 ans. Mieux : selon le célèbre critique gastronomique français Gilles Pudlowski, le lieu « s’affirme, sans mal, en tête de la ville », là où « toutes les autres grandes tables frisent ici ou là avec l’amateurisme ».
Souvent qualifiée de « capitale culinaire du Proche-Orient », comparée même à Londres et à New York pour sa vie nocturne, les concurrents de taille ne manquent pas à Tel-Aviv, cette ville où la cuisine méditerranéenne moderne, occidentale et moderne à la fois, semble parfois s’interchanger de table en table. C’est d’ailleurs Israël dans son ensemble qui s’emballe plus que jamais pour la haute cuisine ces dernières décennies. Les jeunes chefs sont les nouveaux dieux de la culture urbaine et les émissions culinaires de télé-réalité, toujours plus exigeantes, n’en finissent plus de se disputer l’antenne. Connaître la gloire derrière les fourneaux est aujourd’hui aussi honorable que chanter devant un jury télévisé, voire peut-être plus, car cette nouvelle denrée n’a pas encore eu le temps de se brader.
Qu’est-ce qui fait donc la différence chez Messa ? Difficile à dire tant les lieux, très cosmopolites, récusent les catégories trop tranchées. D’abord, le nom. « Messa », qui signifie « table » en latin renvoie donc l’imaginaire aux splendeurs romaines, de l’autre côté de la Méditerranée. Ici, point d’orgie, mais du marbre à foison dans la déco signée Stark qui a d’ailleurs rapporté au restaurant le titre de l’un des 50 plus beaux établissements du monde (décerné par le magazine américain Wall Paper).
Les amateurs de chic en ont donc pour leur compte. Le service aussi, particulièrement soigné et pointu. Une cave impressionnante ; un sommelier enthousiaste ; un personnel qui a le sentiment d’être « une grande famille » (« dix couples qui se sont formés depuis que le restaurant existe ! »). Mais surtout, Aviv Moshé. Ce chef de 39 ans ne se livre pas facilement et semble avoir tout dit. La passion et une vraie générosité suintent cependant derrière le personnage de telavivien branché.
L’homme aime vraiment ce qu’il fait, s’inquiète de nous faire goûter avant que cela refroidisse, préfère qu’on mange plutôt de que parler. Autodidacte. Né dans une famille d’origine kurde, « tous derrière les fourneaux », il passera d’abord du temps sur les terrains de foot avant de se retrouver en cuisine, en passant par la case traiteur. C’est là que sa créativité culinaire, qu’il évoque comme un musicien ses chansons – « Ça vient » – se révèle. « Il y a le riz aux raisins secs que l’on sert dans tous les mariages. J’ai commencé à y ajouter des herbes. De là, tout est parti ». Il fait ses armes auprès de Shalom Kadoche au Sheraton Plaza de Jérusalem avant de voler de ses propres ailes.
Aujourd’hui, le voilà au sommet avec toute la panoplie du chef à la mode, émission culinaire et chronique hebdomadaire en sus. Avec, pourtant, une attention au détail et une certaine forme d’humilité qui semblent intactes. Pour preuve, ce qu’il souhaitera observer auprès du chef Stéphane Froidevaux, en résidence chez lui du 9 au 12 février dans le cadre de la semaine de la gastronomie française (voir ci-contre). « J’aimerais étudier sa manière de diriger la cuisine, son fonctionnement dans le quotidien ».
M. S.