Un mariage pas comme les autres

Un jeune homme atteint de trisomie 21 épouse sa soeur adoptive souffrant du même syndrome à Safed.

JFR P21 370 (photo credit: DR)
JFR P21 370
(photo credit: DR)

Il y asix ans, aucun rabbin en Israël n’aurait accepté de marier un couple porteur detrisomie 21. La trisomie 21 était alors considérée comme une maladie mentale,ce qui est une idée fausse. Mais l’amour authentique qui unissait deux jeunestrisomiques a convaincu leurs parents qu’aucun obstacle ne devait venirs’opposer à leur bonheur.
Avichaï et Keren Ben-Barouch, frère et soeur adoptifs, se sont mariés enjuillet dernier à Safed, à la grande joie de leur communauté. Et la cérémonie aété assurée par le grand rabbin de la ville en personne, Shmouel Eliyahou.
« C’était un très beau mariage, en plein air, au Red Khan.
Tous leurs amis et toutes les personnes qui ont participé, de près ou de loin,à leur éducation sont venus et ont dansé, ri et pleuré. Le rabbin Eliyahou lui-mêmenous a avoué qu’à certains moments, il devait fermer les yeux pour ne paslaisser libre cours à son émotion. » Ainsi parle Chaya Ben-Barouch, biologisteet mère de 10 enfants, dont les 5 plus jeunes sont nés avec le syndrome deDown, la trisomie 21. Avichaï, 21 ans, le seul fils biologique de Chayasouffrant de ce mal, était le quatrième de la famille. Keren, aujourd’hui âgéede 20 ans, a été adoptée alors qu’elle n’avait que 9 jours. A l’époque, lesBen-Barouch vivaient en Alaska.
« Les parents de Keren sont venus chez nous à 10 heures du matin et ils sontrepartis à 12 h 30. Je l’ai allaitée en même temps qu’Avichaï », raconte Chaya.Les autres frères et soeurs plus jeunes ont tous été adoptés.
A peine préadolescents, Avichaï et Keren savent déjà qu’ils veulent se marier.Le jour de sa bar-mitsva, qu’il célèbre au Mur Occidental, à Jérusalem, Avichaïprie à voix haute pour que Keren devienne un jour sa femme. Keren, quiconsidère son frère adoptif comme son meilleur ami, est tout à fait favorable àcette idée.
Pour ne jamais les séparer 
Chaya et son mari Israël leur laissent 5 ans pourréfléchir et changer d’avis, mais les deux jeunes ne cessent jamais d’imaginerleur avenir ensemble.
« Quand ils revenaient d’un mariage, ils comparaient leurs impressions etdisaient : “A notre mariage, nous prendrons ce traiteur-là, nous commanderonsles mêmes fleurs…” En voyant qu’ils s’aimaient et se respectaient ainsi, nousavons fini par nous dire : pourquoi pas, après tout ? » Chaya et Israël sebattent quotidiennement pour que leurs enfants aient le droit de mener une vienormale. Dans leur situation, beaucoup finissent par consentir à placer leursenfants trisomiques dans des institutions non mixtes, mais les Ben-Barouch nel’ont jamais voulu. « Nous avons marié Avichaï et Keren pour que personne nepuisse jamais les séparer », se réjouit Chaya.
Au début, les obstacles n’ont pas manqué. « Pour certaines personnes, celaposait un problème qu’Avichaï et Keren aient grandi comme frère et soeur »,explique Chaya. « Mais ils ne sont pas liés par le sang. Il n’y a aucune raisonde leur interdire de se marier. » Il y a aussi les risques que présente, pourune éventuelle progéniture, le fait que les parents soient atteints de trisomie21. Chaya balaye cette objection : « Presque tous les garçons nés avec lesyndrome de Down sont stériles.
Il n’y a, en tout et pour tout, que 3 exemples de pères porteurs de trisomie21. » L’école de Keren, qui n’avait encore jamais accepté d’élèves mariées,s’est fait tirer l’oreille pour permettre à la jeune fille de continuer àétudier. Après consultation du rabbin, l’autorisation de rester lui a étéaccordée. Keren suivra donc ses deux dernières années d’études la têtecouverte, comme elle a commencé à le faire dès son mariage.
Le jeune couple mène une vie quasi-indépendante, aidé par un réseau d’aideinvisible largement créé par les parents.
Il loge dans son propre appartement, juste au-dessous de la famille. Unevoisine vient régulièrement vérifier l’état du foyer, noter les objets àremplacer et rappeler au jeune couple qu’il faut faire le ménage et la lessive.
Un jeune couple très sollicité 
La fonctionnalité d’Avichaï est décrite comme «minimale », tandis que Keren, pour sa part, sait lire et comprend lesmathématiques. Mais Avichaï est sociable et se débrouille bien à l’extérieur,alors que Keren répugne à parler à des étrangers. Leurs compétences secomplètent dans la vie de tous les jours, pour faire les courses, par exemple.On le leur a appris à l’école : Keren dresse la liste et s’occupe de l’argent,Avichaï remplit le caddie et, quand il ne trouve pas les produits nécessaires,demande de l’aide aux employés du supermarché.
Avichaï est en dernière année d’école et travaille à mi-temps dans une usineprotégée. Keren travaille un jour par semaine dans un organisme caritatif.Leurs parents espèrent qu’une fois sa formation scolaire terminée, la jeunefille y sera employée tous les jours.
Chaya continue à apprendre au jeune couple à accomplir les tâches de base de lavie quotidienne, comme lancer une machine à laver ou mettre les vêtements ausèche-linge.
Pour simplifier la cacherout, la cuisine n’est que halavi (ils n’y introduisentpas de viande). C’est Chaya qui s’occupe de leur préparer des repas à emporterpour le midi, mais le soir, quand ils rentrent chez eux, ils sont capables dese préparer des dîners simples.
Dans la communauté de Safed, le couple est très apprécié.
« Ils sont invités à des mariages et à des bar-mitsvot par des gens que nous neconnaissons même pas ! » se félicite Chaya en riant. « Ils sont si sollicitésqu’il faut parfois que je les supplie pour les avoir à notre table de Shabbat !» 
Créer une communauté indépendante 
Les Ben-Barouch ont longtemps rêvé de vivreen communauté. En 1994, année de leur aliya, ils ont posé leur candidature dansplusieurs kibboutzim, mais aucun n’acceptait les enfants trisomiques. « C’estd’autant plus ironique », commente Chaya, « qu’aujourd’hui, certains kibboutzimont créé des foyers communautaires destinés aux personnes handicapées. Celaleur rapporte de l’argent. » Toutefois, le point de vue de la famille a changéavec le temps et l’expérience. « Si mes enfants vivaient dans un foyercommunautaire normal, ils bénéficieraient certes d’un toit, on s’occuperaitbien d’eux, on leur ferait à manger, on les emmènerait en vacances, on lesaccompagnerait chez le médecin… mais ils perdraient leur liberté. Ils seraientcontraints de vivre selon des règles strictes, de dormir et de manger à heuresfixes. » N’empêche que les Ben-Barouch rêvent désormais de créer dans le nordd’Israël un foyer indépendant pour couples mariés trisomiques. Ceux-civivraient en communauté, avec du personnel spécialisé pour s’occuper d’eux.Chaya cherche activement le soutien des services sociaux afin de réaliser cetobjectif. « Je veux qu’ils puissent continuer à vivre heureux le jour où nousne serons plus là. Quand plusieurs enfants trisomiques vivent sous le mêmetoit, qu’ils grandissent ensemble et s’entraident jour après jour, celaressemble à un foyer communautaire. Nous nous sommes rendu compte avecl’expérience à quel point il était important pour eux de savoir que les autressont là, avec eux. » Modeste, Chaya laisse tout le crédit de leur réussite àses enfants eux-mêmes, même si c’est son attitude positive et son dynamisme quileur ont permis d’aller bien au-delà de ce que la société attendait d’eux. Voirdes trisomiques se marier et vivre heureux a en outre le mérite de redonnerespoir à des familles qui s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfantstrisomiques.
Ainsi, le jour du mariage d’Avichaï et Keren, un père est venu trouver Chaya etlui a dit : « Vous m’avez appris à regarder mon enfant différemment : avecfierté. » 
Chaya Ben-Barouch donne des conférences sur les personnes avechandicaps. On peut la contacter à l’adresse e-mail suivante :chaya2426@gmail.com