Une terre ancestrale

Aziz, fils du sheikh d’El-Araqib, milite pour avoir le droit de rester sur sa terre.

P13 JFR 370 (photo credit: Eva Tapiero)
P13 JFR 370
(photo credit: Eva Tapiero)

« Mon rêve est de construire ma maison ici. Le rêve du gouvernementest de confisquer la terre. Ce sont deux rêves très différents. » C’est ainsiqu’Aziz Al-Tory, habitant de l’un des 46 villages bédouins non reconnus parl’Etat d’Israël, résume la situation.
En arrivant à El-Araqib, village natal d’Aziz, on aperçoit depuis la route uncimetière encerclé de terrains sur lesquels de jeunes arbres ont été plantés.C’est là, dans l’enceinte du cimetière qu’Aziz, 40 ans, et sa famille viventmaintenant.
Après les nombreuses destructions des habitations du village, c’est le seulendroit « sûr » pour les habitants qui ont décidé de rester sur leurs terres.Les terrains alentours, qui servaient jadis de terres cultivables, sontmaintenant utilisés par le Fonds national juif (FNJ). Les arbres occupentl’espace et empêchent toute utilisation de la terre par les habitantsd’El-Araqib.
Selon la tradition bédouine, Aziz nous reçoit dans une tente, construite àl’extérieur du cimetière.
Il entame la discussion ainsi : « J’ai vécu toute mon enfance ici, je me souviensde tout ici ». Sa famille a acheté le terrain en 1905 (120 hectares), surlequel le premier puits est construit en 1913 et la première personne enterrée,en 1914. « Il n’y a pas d’écrits bien sûr, ce que je sais, je le tiens desanciens à qui j’ai toujours posé beaucoup de questions », ajoute-t-il.
L’histoire de la famille d’Aziz est simple. En 1948, alors que beaucoup deBédouins partent, notamment en Jordanie, ses ancêtres restent. Son grand-pèren’avait pas de problème à vivre dans un Etat juif, contrairement à d’autresmembres de sa famille qui, selon Aziz, ont choisi de partir pour des raisonsd’ego.
A cette époque, les habitants avaient des habitations en pierres. C’est en 1953que tout change. L’Etat demande à sa famille de quitter le village pour 6 moiset de revenir ensuite. Le délai de 6 mois est prolongé de quelques mois par lesautorités et « lorsque ma famille est revenue, l’Etat n’a pas voulu nous rendrela terre et on nous a dit que l’on pouvait s’y installer à condition de louerle terrain ». Ils ont refusé de louer un terrain qui leur appartenait et, leursmaisons ayant été détruites, ils en ont reconstruit de nouvelles.
Rien sauf… des produits chimiques 
Les années Peres ont ensuite ont redonnél’espoir aux habitants et les incessants we will do this, we will do that (nousferons ceci, nous ferons cela) de l’Etat. Mais rien n’est jamais venu sauf despulvérisations de produits chimiques sur les cultures. Elles ont commencé en1999 et il y en a eu 5 en tout. En plus des cultures détruites, les animaux ontaussi souffert, 200 moutons ont notamment péri. Une plainte ayant été déposée,un juge a tranché et a ordonné l’arrêt des pulvérisations. « Ils ont changé deméthode, maintenant ils plantent des arbres » commente Aziz avec ironie.
Aujourd’hui, Aziz n’est plus en droit de réclamer le terrain. Mais il est sûrqu’un jour tout changera.
Pour une meilleure défense de ces droits, il y a trois ans, il a décidéd’apprendre à parler anglais. Il n’arrêtera pas son combat parce que « c’est uncombat juste, un combat pacifique… On a besoin de la vérité, seulement de cela.» Dans la famille d’Aziz, comme les terrains, le conflit se passe de générationen génération. « Je dis à mon fils, mon grand-père est mort en 1979, en attentede voir ses droits reconnus, après mon père s’est battu, puis moi-même, ensuitece sera à toi de te battre pour tes droits […] Nous pouvons vivre ensemble avecle peuple juif, mais en ayant les mêmes droits. »