L’armée se retire...de certaines zones

Dans un effort de contribuer à la nécessité nationale d’offrir un toit pour tous, l’armée a décidé d’évacuer d’immenses terrains militaires du centre du pays

tsahal (photo credit: Porte-parole de Tsahal)
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(photo credit: Porte-parole de Tsahal)

Les manifestations de l’été dernier avaient fait office de caisses derésonance et mis les autorités au pied du mur : Israël souffre d’une pénurie delogements. Une situation qui va en se dégradant. Si le gouvernement sembleavoir compris la nécessité de pallier cette déficience au plus vite, il n’estpas le seul.

Tsahal aussi se dit prête à mettre la main à la pâte. Comment ? En évacuantcertains de ses terrains, jusque-là chasse gardée de l’armée, pour lesconvertir en zones constructibles.

Actuellement, près de 39 % du territoire israélien est occupé par des basesmilitaires. Et 80 % est directement sous contrôle de Tsahal ou sujet à sesrestrictions. Selon l’Autorité israélienne des terres, qui supervisera letransfert de propriété, près de 35 000 demeures pourront être construites surles parcelles libérées dans les cinq années à venir. “Mettre des terrains àdisposition est une excellente idée”, pointe Dorit Shabtay, ingénieure eninformatique de 39 ans qui essaye en vain d’accéder à la propriété dans lesenvirons de Tel-Aviv. “Pour l’heure, acheter n’est pas un projet réaliste, maisje suis sûre que cette initiative aidera des gens comme moi”.

De son côté, le gouverneur de la Banque d’Israël, Stanley Fischer, tente defreiner la hausse des prix en limitant certains prêts-logements. Une formulequi a certes fait ses preuves pour la seconde moitié de 2011, mais les prix ontrecommencé à grimper début 2012. A Tel- Aviv, en particulier, la pénurie delogements pousse en continu les prix de l’immobilier à la hausse : + 6 % depuisle mois de juin dernier, selon le dernier rapport du Bureau des Statistiques.

Aujourd’hui, le coût d’un appartement moyen dans la Ville blanche s’évalue à1,94 million de shekels. Ce n’est pas la première fois que l’armée libère desterrains militaires au bénéfice du secteur privé. Trois immeubles sontaujourd’hui en construction à Tel-Aviv sur un site qui appartenait autrefois àla Kyria, les quartiers généraux de Tsahal. A terme, ces tours Sarona, projetdu groupe Gindi Holdings et dont l’un des toits abritera un héliport,surplomberont non seulement un vaste complexe de loisirs, mais aussi lesquartiers généraux de l’armée. Pour un appartement de 4 pièces, il faudracompter 3,15 millions de shekels. Seul rappel du passé militaire du site : unetour de transmission, jadis employée par le Mossad pour diffuser desinformations secrètes lors de missions d’espionnage.

C’est là par exemple qu’a été échafaudé par les services secrets l’enlèvementdu criminel nazi Adolf Eichmann en Argentine, en vue de son rapatriement enIsraël où il sera jugé et accusé de crime contre l’humanité.

Bien, mais pas assez Le Premier ministre Binyamin Netanyahou a placé lesréformes du marché immobilier en tête de ses priorités économiques. A son actif: l’ouverture au développement privé de plus de 93 % des terrains sous contrôlegouvernemental.

Fischer, qui a baissé le taux d’intérêt de référence par deux fois cette annéeafin de stimuler la croissance, tente également de rendre les acquisitionsmoins risquées, à la fois pour les acheteurs et le système bancaire.

L’année dernière, les crédits immobiliers à taux variables étaient limitésà un tiers de la valeur de l’emprunt total. Ce qui n’a pas empêché un record enjuillet : 4,9 milliards de shekels accordés en prêts immobiliers, selon leBureau des Statistiques.

Mais quelles sont les motivations de Tsahal ? “La pénurie de logement dans lecentre du pays nous pousse à faire passer cette mesure”, explique le général debrigade (réserviste) Hezi Meshita, chargé de relocaliser plus d’une dizaine debases militaires, des zones les plus densément peuplées du pays, vers leNéguev, en six ans.

Une démarche encouragée par le gouvernement. “Des dizaines de milliers denouvelles unités d’habitation dans une région fortement demandée contribuerontlargement à faire baisser les prix”, déclare le ministre du Logement ArielAttias dans un communiqué.

Depuis 2010, le prix des biens résidentiels en Israël a fait un bond de près de21 %. Soit beaucoup plus que l’indice des prix de consommation, qui affiche unehausse de 6,6 % seulement. Ce sont les coûts exorbitants de l’immobilier quiavaient été le point de départ du mouvement social de l’été 2011, partijustement de Tel-Aviv avant de s’étendre à tout le pays.

Mais selon le député Union nationale Ouri Ariel, président de la commissiondu contrôle par l’Etat, l’armée devrait en faire plus. “La quantité de terrainssous contrôle militaire a un impact sur le coût de la vie dans son ensemble”,explique-t-il par téléphone. “ Un plus grand nombre de parcelles doit êtrelibéré”. Et d’ajouter qu’une audience de sa commission se tiendra à ce sujet,prochainement.

Quand l’intelligence laisse la place à la résidence

L’année dernière, le bureau du contrôleur d’Etat avait publié un rapportassez critique quant à la politique de gestion de ses terrains par Tsahal. Leschiffres sont exorbitants : près de 11,2 millions de dounams (4 milliards demètres carrés) sont occupés par des bases militaires, et environ la mêmesurface est réquisitionnée pour des activités de l’armée - lance-missiles,entraînements, etc. Si beaucoup de ces zones se trouvent dans le désert duNéguev, de nombreuses bases, dont une dizaine désormais désaffectées, sontsituées dans la région côtière du centre, où vivent la plupart des Israéliens.

Selon le rapport, l’armée met trop de temps à évacuer ses bases et, danscertains cas, n’a pas procédé correctement aux indispensables assainissementsécologiques. “Les données montrent que pendant des années, la supervision et lecontrôle par les corps civils de la gestion militaire des terrains a été faibleet fondamentalement défaillante”, note le contrôleur.

Au ministère de la Défense, on rétorque que le rapport n’a pas pris en compteles obstacles bureaucratiques affrontés par l’armée pour relocaliser sesinfrastructures.

Tsahal ne peut déplacer ses bases, explique une source haut placée, avant d’enavoir reconstruit de nouvelles. Et il a fallu des années pour obtenir les fondsnécessaires aux travaux dans le Néguev.

A terme, plus de 30 000 soldats seront transférés dans les bases du Sud, et 25milliards de shekels seront investis pour développer les infrastructures. Maisau final, selon les estimations de l’armée, l’opération augmentera le PIB de 6milliards de shekels chaque année. Certains terrains qui seront bientôtproposés au secteur privé sont situés en pôle position dans la régionmétropolitaine de Tel-Aviv : il s’agit de bases des environs de Ramat Gan, l’undes quartiers des affaires les plus prisés du pays, et du QG du Renseignementde l’armée, à l’intersection de Glilot près d’Herzliya, un complexe estimé à 20milliards de shekels selon une étude du ministère de la Défense. Sondéplacement encouragera le développement des zones environnantes, note Meshita.Car, pour des raisons sécuritaires, de nombreuses restrictions - en particulierla hauteur - étaient jusqu’à présent imposées aux bâtiments adjacents à l’infrastructuredu Renseignement.

Nissim Boublil, président de l’Association des entrepreneurs et constructeursd’Israël, se félicite de ces projets. “Le transfert de ces bases militaires vacontribuer sur le long terme à la disponibilité de terrains”, a-t-il déclarépar voie de mail. “Mais pour que le projet réussisse, il faut également que legouvernement développe les transports reliant les régions éloignées et fassesauter les barrières bureaucratiques. Ce faisant, il permettra un développementrapide des régions évacuées au centre du pays.’’