Un lion dans l’arène

Après cinq ans de travail aux côtés du maire actuel, Moshé Lion se déclare fin prêt à prendre la relève

P13 JFR 370 (photo credit: Marc Israel Sellem)
P13 JFR 370
(photo credit: Marc Israel Sellem)

Cela va fairedeux mois que Moshé Lion a fait irruption dans l’arène électorale, en tant quecandidat à la mairie de Jérusalem. Sa candidature a immédiatement réveillé lacampagne, jusque-là plutôt somnolente, du maire Nir Barkat, alors uniquecandidat.

Lion, qui a généralement le sourire aux lèvres, n’est pas complètement étrangerà la ville. Président de l’Autorité de développement de Jérusalem jusqu’à sadémission en juillet, il est plutôt familier avec les besoins de la capitale. Ace titre, il a travaillé avec Nir Barkat au cours des cinq dernières années –sans aucune tension perceptible entre eux. En tant que président de cetteimportante institution, Lion a pris part à certains de ses plus grands projets.
Lors d’une visite dans les locaux du Jerusalem Post, il a présenté sa vision etrépondu à nos questions.
Jérusalem, ville propre Pour Lion, être maire de Jérusalem signifie : «améliorer significativement la qualité de vie de ses habitants, et en élever leniveau jusqu’à se hisser au niveau actuel de certaines des plus grandes villesdu pays ».
Selon lui, il n’y a aucune raison pour que ses objectifs ne soient pas atteintsau cours de son mandat : le logement à coût abordable, l’emploi, l’éducation etla propreté de la ville. Il s’est engagé à éliminer le travail des enseignantstemporaires (on en compte environ 2 000 actuellement) et à embaucher à la placedes instructeurs à long terme. Il promet d’amener des millions de touristesdans la capitale, mais pas avant de s’être assuré que les rues soient propres.Il envisage en conséquence d’augmenter les effectifs d’agents d’entretien de lamunicipalité.
En outre, il souhaite réduire les frais de scolarité et augmenterconsidérablement le nombre d’élèves qui obtiennent des certificats de find’études. Actuellement, Jérusalem est classée 135 sur 150 parmi les villes dupays pour le nombre d’étudiants qui parviennent à décrocher ce diplôme.Cependant, ce classement ne reflète pas complètement la réalité. Il est en faitlégèrement plus élevé puisque les ultraorthodoxes ne passent pas les examens debagrout (équivalent du bac), mais sont néanmoins pris en compte dansl’équation.
Pour finir, Lion critique les dépenses pour certains « événementsspectaculaires », en opposition avec un budget municipal plus strict, basé surun meilleur ordre de priorités.
« Le maire actuel a réduit une allocation destinée à prévenir le décrochage desélèves du secondaire, de 2 millions à 100 000 shekels. Pourquoi ? »,demande-t-il. Et d’ajouter que « 1,5 million de shekels ont été dépensés pourla cérémonie d’allumage du flambeau des Maccabiades, au lieu des 2 millionsnécessaires pour lutter contre le décrochage scolaire. C’est absurde. Cela nedevrait pas se produire. »  Moshé Lion, vous avez déménagé de Givatayim, la ville dans laquelle vousavez grandi et vécu toute votre vie. N’est-ce pas un obstacle pour devenirmaire de Jérusalem ?

Le fait que jevienne d’une autre ville présente au contraire plusieurs avantages. Ceux quivivent ici se sont peut-être habitués au faible niveau de propreté qui règne àJérusalem, mais cela peut et doit être différent. Je sais, en effet, que telest le cas ailleurs. La situation actuelle est insupportable. Pour nous-mêmes,mais également si nous voulons attirer les touristes ici, nous avons fortementbesoin d’une ville propre. Nous devons augmenter le nombre d’agents d’entretienet de nettoyage, balayer la ville chaque jour voire, si nécessaire, plusieursfois par jour. Il n’y a aucune raison pour que cette ville ne soit pas la pluspropre.

Quoi d’autre ?

La question destransports publics mérite également toute notre attention. Idem pour lelogement – seuls les riches ou les étrangers peuvent se permettre d’acheter unemaison ici. Il faut faire baisser les prix. Nous devons également réduire letemps nécessaire à l’obtention de permis de construire.

Au-delà du faitque vous habitez cette ville seulement depuis quelques semaines, les habitantsde Jérusalem ne vous connaissent pas. Vous n’avez pas étudié ici, votre famillen’a pas vécu dans un de ses quartiers. Parlez-nous un peu de vous.
La première chose que je peux vous dire sur moi-même : comme vous pouvez levoir, c’est que j’aime bien manger. C’est l’un de mes passe-temps favori. Jefais beaucoup de sport, malheureusement beaucoup moins ces derniers temps –mais je prévois de m’y remettre bientôt. Je marche, je cours, je fais du vélo,en particulier sur l’itinéraire cyclable que nous avons construit avecl’Autorité de développement de Jérusalem dans les parcs urbains autour de laville. Je suis un homme sain, marié, père de quatre enfants, grand-père detrois petits-enfants et bientôt un quatrième. Je suis passionné de randonnée,je pars au moins une fois par an avec des amis.
Où êtes-vous né ?

Je suis né dansle quartier de Ramat Israël à Tel-Aviv. Plus tard ma famille a déménagé àGivatayim. J’ai fait mon service militaire dans le chœur du rabbinat. Lamusique tient une place importante dans ma vie.

Vous êtes aussi hazan, n’est-ce pas ?

Oui, j’ai officiécomme chantre dans plusieurs communautés juives à l’étranger, à l’occasion desgrandes fêtes. Je l’ai fait aussi quand j’étais directeur général du bureau duPremier ministre – tout le monde le savait à l’époque. J’adore la musiqueliturgique – tant séfarade qu’ashkénaze.

Quelle est la chose la plus folle que vous ayez jamais faite ?

Les treks. J’aiaussi sauté à l’élastique une fois. Et j’ai aussi fait de la descente en rappelau Guatemala. J’aime l’Inde, le trekking en Inde, j’en ai fait beaucoup. J’yvais presque chaque année.

Comment avez-vous décidéd’entrer dans la course pour la mairie de Jérusalem ?

Cela a été toutun processus, d’abord intérieur. J’ai beaucoup réfléchi à ce que celasignifierait pour moi, pour ma famille… Après tout, je possède un cabinetd’audit prospère, je suis un self-made man, j’ai investi énormément d’effortspour créer ce que j’ai aujourd’hui. Cela a donc été d’abord un processus deréflexion intime, puis, au fur et à mesure, j’ai pris conseil auprès de ma familleet de mes amis.

Pourquoi avez-vouspris une telle décision ?

C’était il y aenviron trois mois. J’ai senti que j’avais abouti à une conclusion claire, quecela était envisageable. Dans le même temps, plusieurs personnes m’ont approchéà ce sujet – des gens très divers, issus de milieux différents, pas seulementdes ultraorthodoxes ou des membres du Likoud. Lentement, cela a commencé àprendre forme dans mon esprit. Ensuite, j’ai dû convaincre ma famille, ce quin’était absolument pas évident, et également mes associés. Une fois tout celaaccompli, je me suis senti fin prêt.

Vous avez déclaré àplusieurs reprises que pour réussir en tant que maire de Jérusalem, il faut «savoir » comment parler aux ministres, comment utiliser le « langage adéquat »avec les responsables gouvernementaux. Voulez-vous dire par là que lesinstances gouvernementales sont généralement peu favorables aux habitants ? Queseuls ceux qui savent comment s’adresser à elles peuvent obtenir ce que lescitoyens sont en droit d’attendre ? C’est une déclaration assez problématique.
Ce n’est absolument pas ce que j’ai voulu dire. Je ne pense pas qu’il failleêtre « copain » avec les fonctionnaires du gouvernement. Mais il faut savoirparler leur langage.
Qu’entendez-vouspar « leur langage » ?

Il est tout àfait légitime, pour un maire, de réclamer l’aide du gouvernement. Cela se passedans d’autres villes, et cela doit être également le cas pour Jérusalem. Biensûr, avant de s’adresser au gouvernement, il faut d’abord organiser et prioriserson budget. Il faut préparer tous les projets et programmes à l’avance, afin deparvenir à un budget équilibré, éviter le gaspillage et penser d’abord auxbesoins des habitants. Et c’est seulement quand tout cela a été accompli, etquand on tient compte du fait que la ville englobe de fort nombreusesexemptions fiscales, que l’on peut faire appel au gouvernement. Pour cela, onn’a pas besoin d’être « l’ami » de quelqu’un haut placé. Il suffit simplementde préparer des projets qui tiennent la route et de les présenter augouvernement pour obtenir son soutien. C’est tout.

Le maire actuel ademandé au gouvernement une indemnisation pour toutes ces exemptions, qui sontgérées par l’Etat, et il a essuyé un refus retentissant.
C’est exact. J’espère que vous ne pensiez pas que je parlais « d’indemnisations». C’est exactement ce que je veux dire quand je parle du langage adéquat qu’unmaire doit savoir utiliser. On ne réclame pas une indemnisation. Cela nefonctionne pas comme cela. C’est simple. Si le gouvernement accorde uneindemnisation à Jérusalem, il devra agir de même avec toutes les villes. C’estexactement le genre de demande que quelqu’un comme moi, qui sait commentfonctionne le gouvernement, ne fera jamais.
Alors, que faut-il faire?

Il faut soumettredes projets détaillés. C’est ce que j’ai fait quand j’étais président del’Autorité de développement de Jérusalem. J’ai présenté le plan Marom – qui arapporté 300 millions de shekels à la ville. C’est ainsi que cela fonctionne.Au bout du compte, cela ne représente pas des sommes extraordinaires aux yeuxdu gouvernement. Mais en tant que maire, on soumet des projets, on ne demandepas d’indemnisation pour une disposition gouvernementale.

Que pensez-vous deprojets comme Formule Un qui attirent l’attention sur la ville de façonpositive ?

Je voudraissouligner que, même si je crois que ce projet est porteur de bonnes intentions,je sais aussi que Jérusalem ne sera jamais Tel-Aviv. Cette ville est unique,spéciale, multiculturelle, avec toutes ses nuances, ses différents habitants.Transformer Jérusalem en Tel-Aviv ne fait pas partie de mon agenda. Celui quivoudrait vivre à Jérusalem comme à Tel-Aviv n’a qu’à déménager à Tel-Aviv. Jesuis tout à fait déterminé à préserver le caractère unique de Jérusalem et à nepas le modifier.

A ce sujet, il faut examiner de près le budget de la culture. Tous cesfestivals et manifestations culturelles ne signifient pas que la question de laculture est gérée de manière adéquate. On ne peut que constater, au bout ducompte, que les institutions culturelles se trouvent dans d’énormes difficultésfinancières, depuis que le soutien de la municipalité leur fait défaut.
Pourquoi, malgré votreproximité avec ce gouvernement, le Premier ministre a-t-il eu du mal à appuyervotre candidature ?

C’est unequestion, il me semble, qu’il faut poser au Premier ministre, pas à moi. Cecidit, j’ai obtenu le soutien de la plupart des ministres, et même de plus haut.

Vous avez déclarérécemment que le maire de Jérusalem ne devrait pas intervenir sur les questionspolitiques, mais plutôt se concentrer sur les questions internes à la ville.Cependant, vous n’ignorez pas que tout ce qui se passe à Jérusalem estpolitique, ou a des répercussions politiques et internationales. En quoiserez-vous capable de faire face à de telles responsabilités ?

J’ai énormémentd’expérience en la matière, en fait plus qu’aucun autre candidat en lice. Troisans en tant que directeur général du bureau du Premier ministre – croyez-moi,c’est une expérience avec laquelle personne ne peut rivaliser.

Depuis le début de votrecampagne, vous vous plaisez à répéter aux habitants de Jérusalem que vouspossédez toutes les compétences et connaissances nécessaires pour occuper leposte…

Parce que c’estla vérité. Je possède vraiment toute l’expérience et toutes les connaissancesrequises. C’est exact.

Pour autant, comme vousle savez, quelqu’un a déclaré la même chose il y a dix ans, et de nouveau il ya cinq ans, et il a été élu. Qu’est-ce qui vous fait penser ou devraitpersuader les habitants de Jérusalem que vous êtes un meilleur candidat ?

Ce que j’ai àoffrir, c’est que je suis un homme du peuple. Vérifiez vous-même. Que vousinterrogiez des personnes ordinaires ou des fonctionnaires de haut rang, très,très peu de gens vous diront du mal de moi. Je comprends les gens, je m’entendsbien avec tout le monde et j’aide aussi ceux qui en ont besoin. Je crois que cesont les qualités nécessaires pour faire un bon maire, pour travailler avec lesautres. Un maire doit comprendre qu’il ne possède pas toute la sagesse ettoutes les compétences. Il a besoin de s’associer à d’autres, et d’écouter tousceux autour de lui, avant de prendre une décision.

Passons à vos relationsavec le secteur ultraorthodoxe. Il y a peu, l’adjoint au maire Itzhak Pindrus(chef de la liste JUT Judaïsme unifié de la Torah au conseil municipal) aconfié que l’important pour lui est de trouver un candidat à la mairie capablede répondre aux besoins de la communauté qu’il représente, et servir celle-cidu mieux possible. Quelle assurance pouvez-vous leur donner ? Que pourriez-vousleur accorder, sans trahir le reste des habitants non orthodoxes de Jérusalem ?

Ce quej’accorderai ou n’accorderai pas aux harédim n’a aucune importance. Je pensequ’ils ont obtenu plus qu’ils ne pouvaient espérer au cours du mandat de NirBarkat, plus que jamais auparavant. Mais malgré cela, il semble qu’ils mesoutiennent quand même. Cela prouve que ce qui importe vraiment, c’est lapersonnalité du candidat, la façon dont le maire leur parle, dont il lescomprend.

Que se passera-t-il si vousperdez les élections ? Ce n’est pas du tout une option.
Dites-nous quandmême comment vous réagiriez.
Honnêtement, je vous le dis, je suis venu ici pour vivre à Jérusalem. Et j’aibien l’intention d’y rester après les élections, en tant que maire. Et si cen’est pas en tant que maire, je resterai ici de toute façon, pour représenterceux qui m’ont accordé leur confiance autant que faire se peut.