La campagne sale

Le couple Netanyahou a-t-il détourné des fonds publics ? Itzhak Herzog a-t-il enfreint la loi du financement des partis politiques ? Quand la campagne électorale dérape…

Combien boivent les Netanyahou? Le Camp sioniste accuse le Premier ministre et son épouse de consommer l'équivalent en alcool d'un salaire minimum, soit environ 4300 shekels par mois (photo credit: RONEN ZVULUN / REUTERS)
Combien boivent les Netanyahou? Le Camp sioniste accuse le Premier ministre et son épouse de consommer l'équivalent en alcool d'un salaire minimum, soit environ 4300 shekels par mois
(photo credit: RONEN ZVULUN / REUTERS)
Le Likoud et le Camp sioniste sont au coude à coude dans les sondages. Pour se démarquer, quelle est la meilleure stratégie ? Ouvrir un débat constructif sur les questions politiques, socio-économiques ou diplomatiques ? Pour cela, il faudrait d’abord avoir une plateforme électorale claire. Alors que reste-t-il ? Les accusations mutuelles. Le Camp sioniste accuse le couple Netanyahou d’avoir détourné l’argent public. Le Likoud accuse le Camp sioniste d’avoir reçu des financements illégaux. Le but, porter un coup fatal à leur adversaire respectif. A moins que l’un et l’autre ne s’entraînent mutuellement dans leur chute…
La semaine dernière, un photomontage de Sara Netanyahou portant des sacs pleins de bouteilles vides avait fait rire les internautes. Le « Bottlegate », le scandale des bouteilles, paraissait être une accusation de plus dans une campagne électorale faite de coups bas. Mais l’affaire pourrait bien prendre un nouveau tournant si une enquête criminelle était ouverte contre le Premier ministre pour détournements de fonds publics. Le conseiller juridique du gouvernement Yehouda Weinstein a, en effet, demandé au contrôleur de l’Etat, Yossef Shapira, de lui transférer tous les éléments en sa possession sur cette affaire, avant de décider s’il y a de quoi ouvrir ou non une enquête criminelle.
Sara Netanyahou est soupçonnée d’avoir empoché pendant plusieurs années de l’argent versé pour le retour en magasin de bouteilles consignées, alors que celles-ci avaient été achetées pour le compte du bureau du Premier ministre et que l’argent des bouteilles aurait donc dû revenir dans les caisses de l’Etat. Selon les données du contrôleur de l’Etat, le couple Netanyahou aurait reversé il y a deux ans 4 000 shekels dans les caisses publiques, soit 1 000 shekels par an. L’affaire semblait résolue.
Sauf que d’anciens employés de la résidence du Premier ministre ont affirmé ces derniers jours que les sommes en question étaient beaucoup plus importantes, parlant d’achats d’alcool à hauteur de 100 000 shekels pour la seule année 2009-2010. Le bureau du Premier ministre avait d’abord démenti, indiquant une consommation moyenne d’une bouteille par jour. Mais il est finalement revenu sur ces chiffres, avouant que les dépenses en boisson s’élevaient à 90 000 shekels.
D’après plusieurs médias israéliens, cette affaire ne pourrait être que la partie émergée d’une plus vaste controverse sur la gestion des dépenses du couple Netanyahou. Selon Haaretz et Yédiot Aharonot – deux quotidiens hostiles au Premier ministre – le contrôleur de l’Etat chargé de superviser les comptes publics aurait refusé, à la demande de l’avocat du chef du gouvernement, de publier un rapport sur leurs dépenses avant les élections. Une décision que le conseiller juridique du gouvernement ne soutient pas. Jugeant que ces allégations méritent d’être approfondies et qu’une enquête criminelle pourrait même être ouverte, Weinstein a exigé que les éléments lui soient immédiatement transférés.
Face à ces accusations, Benjamin Netanyahou crie au complot électoral. Dans un long message sur Facebook, le Premier ministre a accusé les médias de se livrer « à des attaques calomnieuses contre moi et mon épouse en vue de faire tomber le Likoud et de favoriser l’arrivée au pouvoir de la gauche » aux législatives du 17 mars.
Le Likoud contre-attaque
Les vice-ministres Tzipi Hotoveli et Ophir Akunis, les députés Miri Reguev et Yariv Levin ainsi que le conseiller juridique du Likoud David Shimron ont tenu une conférence de presse dimanche 1er février. Ils ont accusé le chef du parti travailliste Itzhak Herzog d’avoir violé la loi qui interdit d’accepter des fonds de citoyens et d’organisations étrangers pour le financement de sa campagne. Les membres du Likoud ont présenté des preuves qui relieraient le Camp sioniste au V15 (Victory 2015), une organisation à but non lucratif qui œuvre à faire tomber le gouvernement actuel et partiellement financée par S. Daniel Abraham et Daniel Lubetzky, deux citoyens non israéliens.
Le V15 aurait également reçu des fonds de l’organisation One Voice, elle-même financée par des organisations, gouvernements et citoyens étrangers. Les membres du Likoud ont en outre révélé que Yoel Hasson et Danny Attar, candidats du Camp sioniste, ainsi que les anciens députés travaillistes Ephraim Sneh, Colette Avital et le rabbin Michael Melchior ont siégé au comité consultatif de One Voice.
La loi qui régule le financement des partis stipule que ces derniers ne peuvent recevoir de dons provenant d’organisations ou de citoyens étrangers, dans le but de prévenir toute ingérence extérieure dans la politique israélienne. La loi a été clarifiée par l’ancien chef du Comité central des élections, le juge Eliezer Goldberg en 1999, après un scandale similaire à l’époque où Ehoud Barak était candidat travailliste aux élections. A l’époque, Itzhak Herzog était le bras droit d’Ehoud Barak et avait revendiqué le droit au silence lors de l’enquête.
« Ce scandale est pire que le précédent, car cette fois personne ne pourra dire qu’il ne savait pas », accuse Yariv Levin. Le Likoud a donc demandé au Comité central des élections d’émettre une injonction temporaire contre V15, précisant cependant que la requête a été remplie avant le scandale des bouteilles. « Le scandale des bouteilles a été publié dans le but de détourner l’attention du public du scandale des organisations à but non lucratif, et pas l’inverse », a précisé David Shimron.
Selon les accusations portées par le Likoud, le département d’Etat américain aurait versé à One Voice une subvention de plusieurs millions de shekels. Une somme que l’organisation devait partager avec V15 dans le but de recruter des activistes dont la mission est de convaincre les Israéliens de ne pas voter pour Netanyahou. Mais Itamar Weizman, un des fondateurs de V15, a affirmé que son organisation n’avait reçu aucun financement de groupes européens ou étrangers. Selon lui, One Voice aurait bénéficié d’une bourse du département d’Etat américain il y a deux ans pour soutenir les efforts de paix de Netanyahou avec les Palestiniens, mais depuis, rien ne peut relier l’organisation à l’administration Obama.
Quant à la récente visite en Israël de celui qui a dirigé la campagne de Barack Obama sur le terrain, Jeremy Bird, Weizman affirme que sa compagnie conseille One Voice depuis deux ans, sans aucun lien avec la Maison-Blanche. Affaire à suivre… 
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