Le drame aurait-il pu être évité ?

5 millions de litres de pétrole brut ont recouvert les paysages féeriques de la Arava en même temps qu’ils levaient le voile sur un secret bien gardé : l’entreprise Katzaa

Le drame aurait-il pu être évité ? (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Le drame aurait-il pu être évité ?
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
C’est l’une des pires catastrophes écologiques de l’histoire d’Israël. Les 5 millions de litres de pétrole brut qui se sont déversés début décembre dans la région de Beer Ora, à 20 km au Nord d’Eilat, ont causé des dommages inestimables à l’un des écosystèmes les plus fragiles au monde. Même si tout a été mis en œuvre pour limiter les dégâts et empêcher que la marée noire n’atteigne le golfe d’Eilat et ne se déverse dans la mer Rouge, pour la région de la Arava, le mal est fait. Plus de 144 hectares ont été touchés. La faune et la flore endommagées. Les conséquences environnementales sont, à l’heure actuelle, incalculables mais d’ores et déjà dramatiques.
Katzaa (initiales hébraïques de « Ligne du tuyau Eilat Ashkelon ») est une entreprise quasi gouvernementale, responsable de l’oléoduc qui transporte le pétrole de la mer Rouge à la Méditerranée. Elle devait déplacer un tronçon du pipeline, sur une aire où doit être prochainement construit un nouvel aéroport. C’est au cours de cette opération qu’a eu lieu la rupture. Un accident.
Mais les organisations de défense de l’environnement pointent Katzaa du doigt et exigent l’ouverture d’une enquête. Pour eux, cette catastrophe aurait pu être évitée si seulement l’entreprise était soumise à plus de contrôle. Un manque de transparence entoure en effet les opérations de la compagnie, justifiée par la censure militaire pour des raisons sécuritaires.
Car la compagnie a été créée en 1968 d’une association entre l’Etat hébreu et… la société publique iranienne des pétroles, basée à Téhéran. A l’époque, elle appartient à parts égales à Israël et à l’Iran, sous le règne de Mohammad Reza Chah Pahlavi. Le partenariat entre les deux pays cessera après la Révolution islamique, mais un haut niveau de confidentialité a été maintenu autour de Katzaa.
Ces dernières années, le bureau du contrôleur de l’Etat a ouvert plusieurs enquêtes à la suite d’accusations de mauvaise gestion. Selon un rapport de The Marker, les conclusions de ces investigations ont, selon les cas, partiellement ou totalement, confirmé ces allégations. Mais la censure militaire a interdit la publication de ces rapports, toujours dans un souci sécuritaire.
La fuite de pétrole aurait-elle eu lieu si les opérations de Katsaa avaient été plus minutieusement examinées ? Nous ne le saurons jamais, à cause de la censure.
Tirer les leçons de la marée noire
La catastrophe a eu lieu. Le gouvernement israélien devrait en tirer les leçons et saisir l’opportunité de redoubler d’efforts pour remplacer le pétrole par des énergies renouvelables, telles l’énergie solaire ou éolienne. Ce qui vient d’arriver souligne la nature destructrice de notre dépendance à « l’or noir ». Et l’urgence de se tourner vers des sources d’énergie sûres et durables comme le soleil – particulièrement utilisables justement dans la région sèche de la Arava.
Mais le ministre de l’Energie Silvan Shalom s’est exprimé exactement dans le sens inverse. Lors de la Conférence Eilat Eilot sur les énergies renouvelables – l’occasion parfaite, quelques jours après la catastrophe, de lancer une initiative soutenue par l’Etat pour encourager le changement – il a annoncé que le gouvernement allait changer ses méthodes d’acquisition d’énergies renouvelables, poussant les compagnies à la concurrence, au lieu de fournir plus de licences. Pour les entreprises présentes, aucun doute, cette mesure aura pour effet de freiner plutôt que d’encourager l’utilisation de l’énergie solaire.
A ce jour, seulement 1,5 à 2 % des besoins en énergie d’Israël sont comblés par les énergies renouvelables, loin de l’objectif des 10 % fixé pour 2020. A simple titre de comparaison, les Européens, qui ont moins de soleil que nous, ont fixé la barre plus haut : 20 % pour la même année.
Dernier espoir : le Premier ministre Benjamin Netanyahou a nommé un nouveau ministre de l’Environnement, Ofir Akunis, après la démission d’Amir Peretz le mois dernier. Reste à souhaiter qu’il place cette question au cœur de ses préoccupations, d’ici la tenue des nouvelles élections.
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