A qui appartient vraiment Jérusalem ?

Israël a beau prétendre que Jérusalem est une ville unifiée et que ses services municipaux desservent quartiers juifs et arabes de la même façon, cela n’est pas tout à fait exact.

Un drapeau israélien flotte sur une maison juive de Silwan, quartier majoritairement arabe des environs de la Vieille Ville. A l’arrière-plan, le mont du Temple avec le dôme du Rocher (photo credit: REUTERS)
Un drapeau israélien flotte sur une maison juive de Silwan, quartier majoritairement arabe des environs de la Vieille Ville. A l’arrière-plan, le mont du Temple avec le dôme du Rocher
(photo credit: REUTERS)
Beaucoup d’encre a coulé pour décrire l’incapacité d’Israël à rétablir le calme dans la bande de Gaza et parvenir à un accord politique ou militaire, visant à normaliser la vie quotidienne des Gazaouis. Mais très peu a été écrit sur Jérusalem.
La capitale a été réunifiée en 1967 et demeure depuis sous entière souveraineté israélienne. La loi israélienne y règne et la police arpente ses rues.
Mais Israël contrôle-t-il vraiment l’ensemble de Jérusalem ? Depuis plus de deux ans, les actes terroristes sont en augmentation marquée à Jérusalem-Est. Des dizaines de cocktails Molotov sont lancés contre des Juifs, le tramway est constamment lapidé et des centaines de jeunes arabes jettent des pierres sur les voitures, les fils téléphoniques et les poteaux électriques. Les agressions à l’arme blanche se multiplient, au couteau et à la hache. Des terroristes ont écrasé des civils avec des bulldozers et des voitures, comme par deux fois ces dernières semaines. L’incident le plus récent a été la tentative d’assassinat de Yehouda Glick. Le Shin Bet (Agence israélienne de sécurité) a heureusement réussi à identifier un certain nombre de suspects locaux avant ou juste après ces attaques. La rapidité avec laquelle il a pu découvrir l’identité des terroristes est pour le moins impressionnante.
La fièvre monte
A Jérusalem-Est, le nombre d’incidents violents a monté en flèche. Cela rappelle de façon inquiétante le contexte de l’an 2000, juste avant le déclenchement de la deuxième Intifada. L’évolution de la situation sécuritaire est extrêmement similaire.
Un certain nombre de facteurs ont conduit à l’exacerbation des tensions qui existaient aussi en 1999.
Le premier facteur est l’agitation civile. Vivre dans une zone où les infrastructures tombent en ruine et contempler l’échec des négociations politiques entre Israël et les Palestiniens contribue à instaurer un sentiment de frustration qui conduit à la violence.
Le deuxième facteur est l’absence de stratégie. Tout comme l’inefficacité dont il a fait preuve lors de l’opération Bordure protectrice cet été, le gouvernement n’a pas réussi à mettre en œuvre un plan stratégique adapté à Jérusalem-Est. La municipalité, quant à elle, est uniquement occupée à jouer les pompiers.
Le troisième facteur est la dissuasion. En l’absence d’une stratégie à long terme et d’une législation appropriée pour soutenir nos forces de sécurité, nous nous trouvons dans la situation absurde où les policiers passent une bonne partie de leur temps à courir après les jeunes lanceurs de pierres, les arrêter et les placer ensuite en détention. La police n’a pas le pouvoir d’agir plus avant. Elle n’a pas le droit d’ouvrir le feu ou de répondre de manière plus musclée, même face à une extrême violence. L’armée israélienne n’intervient pas en cas d’émeute, même dans un effort de dissuasion.
Le Shin Bet a arrêté et interrogé des dizaines de jeunes arabes à Jérusalem-Est, au cours des deux dernières années, et empêché de nombreux attentats planifiés par le Hamas, le Djihad islamique et le Front démocratique pour la libération de la Palestine. Parce que le gouvernement n’a pas de plan d’action global, la situation sur le terrain demeure très problématique.
Suspendu à un fil
Le quatrième facteur est l’Autorité palestinienne. Comme juste avant la deuxième Intifada, le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, manque à la fois de qualités de leader et de la détermination nécessaire pour parvenir à un accord avec Israël. Abbas multiplie en outre les déclarations incendiaires qui ne manquent pas d’alimenter les troubles et l’agitation dans les zones résidentielles, ainsi que sur le mont du Temple. Un moyen pour lui de faire pression sur le gouvernement.
Le cinquième facteur est constitué par les organisations de droite. Les militants juifs de droite profitent du vide laissé par l’absence de législation municipale imposée par le gouvernement. Ils acquièrent des biens immobiliers et emménagent dans les quartiers arabes, créant ainsi des enclaves juives dans des zones arabes déjà en proie à de violents conflits.
Les quartiers d’A-Tour, Isawiya, Ras el-Amoud et Silwan fonctionnent en quasi-autonomie depuis des années. La police y pénètre rarement. La municipalité n’aménage aucune infrastructure et n’effectue aucune réparation dans ces quartiers. Les égouts se déversent dans les rues. La seule activité qui s’y déroule aujourd’hui est l’achat d’appartements par des groupes de droite.
Les habitants de ces quartiers densément peuplés sont pour la plupart partisans de l’Autorité palestinienne, du Hamas et du Djihad islamique. Ils se considèrent comme Palestiniens et non pas comme Israéliens. La plupart de leurs interactions au plan municipal se font avec l’Autorité palestinienne et non avec Israël.
Israël a beau prétendre que Jérusalem est une ville unifiée et que sa municipalité dessert aussi bien les quartiers juifs que les quartiers arabes, cela est loin d’être le cas sur le terrain, depuis de nombreuses années. La seule activité gouvernementale sur place est la collecte de renseignement pour contrecarrer la violence. En l’absence de toute tentative d’amélioration des infrastructures et d’augmentation du niveau de vie à Jérusalem-Est, l’éclatement de la prochaine Intifada est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes. 
L’auteur est un ancien général de brigade et chef de division au sein du Shin Bet.
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