La priorité du prochain gouvernement

Peu importe qui dirigera la prochaine coalition, il est temps de trouver une solution à la crise du logement

Natanya, sur la côte méditerranéenne (photo credit: DR)
Natanya, sur la côte méditerranéenne
(photo credit: DR)
Il a déboulé sur la scène politique israélienne fin février, en pleine campagne, comme un pavé lancé dans la mare. Le rapport du contrôleur de l’Etat sur la situation de l’immobilier, auquel personne ne veut se frotter. Mais il va bien falloir que quelqu’un s’attaque enfin au dossier.
Les révélations du contrôleur de l’Etat n’ont surpris personne. De 2008 à 2013, les prix de vente des appartements ont augmenté de 55 % ; les loyers de 30 %. La part qu’ils représentent dans le salaire mensuel est passée de 29 % à 38 %. Le nombre de salaires requis pour accéder à la propriété est passé de 103 à 137, contre une moyenne de 60 pour les autres pays de l’OCDE.
D’après une enquête de terrain dans certaines villes, menée par le site d’informations Ynet, le prix des appartements a parfois augmenté de 220 % en six ans. « Même à Holon, ville satellite de Tel-Aviv, le prix de certains appartements a plus que doublé ces dernières années », écrit le journaliste, pour passer de 731 000 à 1 470 000 shekels aujourd’hui.
Ces dernières semaines, la presse dans son ensemble s’est penchée sur la question du logement. Le journaliste Or Kashti du Haaretz a écrit avec une pointe de cynisme : « Peut-être que si les ministres et les membres du gouvernement responsables de cet échec étaient eux-mêmes confrontés à des problèmes similaires, ils auraient davantage agi et moins parlé. Mais ils n’ont pas de souci à se faire. » Admettons que ces accusations ne soient pas totalement fausses, elles ne concernent que le sommet de la pyramide. Aujourd’hui, même la classe moyenne aisée est submergée par le prix élevé d’un appartement modeste dans un quartier normal.
Mais il fallait s’y attendre, la publication du rapport de Yossef Shapira a été détournée à des fins politiques. Les partis en lice se sont renvoyé la balle de la responsabilité, avec en point de mire pour la plupart, le Premier ministre Benjamin Netanyahou. La députée travailliste Stav Shapir – que la révolte des tentes de 2011 a propulsée directement du boulevard Rothschild à la Knesset – a affirmé : « Le mouvement, qui a commencé il y a plus de trois ans, n’a jamais pris fin ». Shaï Cohen, résident de Guivatayim, a bien tenté de raviver la flamme : une centaine de manifestants ont à nouveau planté leurs toiles en plein Tel-Aviv, mais cette fois, la foule n’a pas suivi. La révolte de 2011 est bel et bien finie. 400 000 personnes étaient alors descendues dans la rue, et tout ce qu’elles ont obtenu, ce sont deux jeunes élus à la Knesset, qui peuvent eux, désormais, se payer un appartement.
Petit cours d’algèbre
Mais les millions d’Israéliens qui ont du mal à envisager leur avenir dans ce pays n’ont constaté aucun changement. Le calcul est simple. Le revenu moyen d’une famille israélienne est de 14 000 shekels par mois. Les dépenses moyennes d’un foyer atteignent 5 600 shekels pour leur logement seulement, ce qui laisse donc à peu près 8 400 shekels pour régler les factures, les frais de nourriture, de voiture, de scolarité, etc. En fin de mois, un foyer parvient peut-être à mettre 1 000 shekels de côté ; 2 000 s’il se serre la ceinture.
Disons que cette même famille envisage d’acheter un appartement modeste, à distance correcte du lieu de travail des deux conjoints. Un million de shekels sera le prix minimum d’un tel logement. Sachant que pour obtenir un crédit, il faut un apport qui représente 30 % de la somme, comment vont-ils obtenir les 300 000 shekels nécessaires ?
Et l’équation se complique. Le prix des appartements augmente de 10 % à 20 % par an, alors que les salaires eux progressent de 1 % à 5 % à peine. Même si notre couple économise 24 000 shekels par an, au bout de 15 ans, il pourra enfin accéder à la propriété ; mais l’appartement de ses rêves flirtera alors avec les 2,5 millions de shekels, inaccessible avec un apport de 400 000 shekels.
Avouons-le. Il est tout simplement impossible aujourd’hui pour un Israélien de la classe moyenne, diplômé, qui a sacrifié trois années de sa vie à servir son pays, d’accéder à la propriété. Et aucune des solutions avancées par les politiciens de tous bords au cours de cette campagne ne semble satisfaisante. Ni les « logements abordables », ni les constructions au-delà de la Ligne verte.
Comment en est-on arrivé là ? Il suffit de rouler sur les routes du pays pour le comprendre. Jetez un œil à toutes ces tours de Petah Tikva où les habitants sont entassés. Puis regardez tous ces kibboutzim en perdition, étalés sur des centaines de milliers de dounams, qui auraient pu être ouverts au développement au lieu de sombrer dans la faillite.
Regardez le Néguev, toutes ces collectivités rurales tournées autour d’une seule métropole géante, Beersheba ; 50 000 Bédouins qui construisent 40 villages illégaux sur 800 000 dounams. Une image qui illustre, on ne peut mieux, les erreurs commises en matière de logement. Ces terrains auraient pu être vendus depuis longtemps pour faire du Néguev une région dynamique, pôle d’attraction pour une population plus aisée. Aux Etats-Unis, les gens ont fui la côte Est pour s’installer en Arizona. Les Etats arabes du Golfe ont réussi à transformer leur désert en un marché immobilier dynamique. Les exemples ne manquent pas.
Nous sommes en 2015, et Israël est resté bloqué quelque part dans les années 1980. Il est temps pour le nouveau gouvernement de mettre en œuvre des réformes d’envergure.
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