La révolution, au goutte-à-goutte

La micro-irrigation aide à lutter contre la faim dans le monde. A l’origine de cette invention, Rafi Mehoudar et le kibboutz Hatzerim. L’histoire d’une réussite

Rafi Mehoudar (photo credit: DR)
Rafi Mehoudar
(photo credit: DR)
Quand les fondateurs de la toute nouvelle société Netafim contactent Rafi Mehoudar en 1972, ce dernier n’imagine pas qu’il va bientôt mettre au point une des technologies d’irrigation les plus largement utilisées au monde. « Je ne connais rien à l’agriculture, je ne sais même pas ce qu’est un kibboutz et encore moins un goutteur », leur répond-il.
A l’époque, le jeune ingénieur travaille sur un régulateur de pression pour les gicleurs. Le fondateur de Netafim s’adresse à lui pour qu’il améliore la technologie de l’irrigation au goutte-à-goutte, initialement conçue par Simha Blass, son inventeur. Un partenariat se met rapidement en place et Mehoudar s’attelle au développement de nombreux types de technologies de goutteurs, en collaboration avec l’équipe scientifique de Netafim.
C’est pour son travail novateur dans le secteur de l’irrigation que Rafi Mehoudar, aujourd’hui âgé de 70 ans, a été sélectionné pour allumer un flambeau lors de la cérémonie de la Fête de l’Indépendance. « Je suis très heureux que le gouvernement ait décidé de récompenser cette année des innovateurs », confie-t-il. « C’est très encourageant pour les prochaines générations. »
Une goutte d’audace
Au kibboutz Hatzerim, berceau de Netafim, la décision de développer la technologie d’irrigation au goutte-à-goutte est née d’une nécessité. « Nous venions de subir une crise très difficile », explique Ouri Werber, cofondateur de Netafim et résident de Hatzerim, aujourd’hui âgé de 84 ans. « La crise du sel », c’est le nom qu’on lui avait donné. A l’époque, on avait découvert de nombreuses couches de sel dans nos terres agricoles. Aussi le produit de nos cultures était-il minime. Nous en sommes donc arrivés à la conclusion qu’il nous fallait développer l’industrie. »
Après avoir entendu parler du travail initial de Blass sur la micro-irrigation, Werber rencontre l’inventeur en 1964. En août 1965, un accord est signé entre ce dernier et le kibboutz Hatzerim. Netafim voit le jour en janvier 1966. « C’était la première usine au monde d’irrigation au goutte-à-goutte », explique Werber.
Avec l’invention de Blass, l’entreprise connaît ses premières réussites, mais c’est seulement lorsque Netafim recrute Mehoudar et son savoir-faire qu’elle accède à la célébrité. « Les premiers goutteurs représentaient une innovation importante, mais leurs performances n’étaient pas suffisantes. Rafi nous a fourni des goutteurs de qualité vraiment supérieure », précise Werber.
A l’époque, l’entreprise avait besoin d’améliorer les mécanismes d’irrigation au goutte-à-goutte pour qu’ils résistent aux changements de pression et de température », se souvient Mehoudar. « Ils m’ont expliqué le principe et très vite m’ont soumis leur liste de desiderata, et je me suis mis au travail. »
Si Mehoudar conserve son laboratoire de recherche et de développement indépendant, Netafim possède les droits exclusifs sur la fabrication et la vente des systèmes qu’il met au point. A ce jour, le kibboutz dispose de 55 brevets différents pour les goutteurs. Et l’aventure n’est pas finie. Rafi Mehoudar travaille encore aujourd’hui à de nouveaux développements et collecte des idées pour l’avenir, toujours en relation étroite avec Netafim. Il insiste : il est encore nécessaire d’améliorer les modèles bas de gamme et de rendre le système moins cher et plus accessible. « Une fois moins cher, le marché potentiel est beaucoup plus large », explique-t-il.
Produire plus en dépensant moins
Au début, Netafim a dû s’opposer à la résistance des agriculteurs, qui refusaient de renoncer aux méthodes traditionnelles pour adopter de nouvelles technologies. « Nous avons avancé tout doucement », explique Ran Maidan, PDG de Netafim depuis février 2014. « Et aujourd’hui, nous sommes la première entreprise israélienne en matière de représentation dans le plus grand nombre de pays. » En effet, Netafim est distribué dans 110 pays, avec un total de 28 filiales et 16 usines de fabrication – 3 en Israël et 13 à l’étranger.
« Dès le début, j’espérais que l’usine serait un succès, mais à l’échelle israélienne », avoue Werber. Il n’avait jamais rêvé d’une présence mondiale.
La clé du succès : les agriculteurs qui utilisent cette technologie peuvent atteindre en moyenne un rendement de 50 % supérieur pour un coût diminué de moitié. « Nous nous attaquons à ce qu’il y a de plus important au monde : la pénurie alimentaire », souligne Maidan. « Nous permettons de produire en dépensant moins. Je pense que la force de Netafim est son parcours, elle est passée d’une petite usine de kibboutz au numéro 1 de l’irrigation dans le monde. »
Alors que la compagnie fête ses 50 ans d’activité, ses objectifs pour les 50 prochaines années seront de maintenir sa position de leader dans la recherche et le développement, mais aussi de renforcer sa présence dans les marchés émergents comme la Chine, l’Inde et l’Afrique. Car si Netafim est déjà installé dans ces régions, sa position reste faible compte tenu du potentiel.
Mais notre principal objectif, insiste Maidan, est de « continuer à apporter la meilleure solution » aux agriculteurs, pour leur permettre de « produire plus en dépensant moins ». « C’est notre principale motivation. Nous sommes au début du voyage, et le potentiel pour l’avenir est énorme. »
Werber renchérit : « Notre vision – et nous ne sommes pas loin de la voir se concrétiser – est tout simplement de convertir la majorité de l’agriculture mondiale à la micro-irrigation. Quand j’arrive dans un village en Inde, en Afrique du Sud ou en Colombie, et que je vois ces pauvres agriculteurs, et comment leur qualité de vie s’est améliorée, comment leurs cultures poussent grâce à l’irrigation au goutte-à-goutte – c’est la concrétisation d’un rêve. »
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