So French So Food : la cuisine française s’invite en Israël

Pendant 5 jours, l’art de la table français était à l’honneur dans tout le pays. Une opération dégustation et communication réussie

Le chef Guillaume Gomez montre ses recettes aux cuisiniers de l'hopital Petah Tikvah (photo credit: Ambassade de France)
Le chef Guillaume Gomez montre ses recettes aux cuisiniers de l'hopital Petah Tikvah
(photo credit: Ambassade de France)
Dimanche 15 février au soir, l’ambassadeur de France en Israël, Patrick Maisonnave, donnait le top départ de la 3e édition de la Semaine de la gastronomie française. L’initiative, comme n’a pas manqué de le rappeler le diplomate, n’a pas d’équivalent ailleurs dans le monde et elle se développe de plus en plus au fil des ans. Cette année, ce sont sept villes israéliennes qui participaient à l’événement, du 15 au 19 février : Beersheva, Binyamina, Haïfa, Jérusalem, Saint-Jean d’Acre (Akko), Tel-Aviv et Tibériade.
La délégation française, parrainée par Guillaume Gomez (chef du palais de l’Elysée et plus jeune lauréat du concours Meilleur Ouvrier de France), comptait 21 chefs, dont pour la première fois un trois-étoiles : Gérald Passédat, du restaurant Le Petit Nice à Marseille. La région Rhône-Alpes, important bassin économique, était mise à l’honneur : 7 chefs et des responsables des écoles de cuisine Paul Bocuse et Vatel, originaires de la région étaient de la partie.
Invité de la première édition, Guillaume Gomez est depuis revenu chaque année et parle d’Israël avec enthousiasme. Tombé amoureux « du pays et des gens », c’est lui qui est chargé par l’ambassade de convaincre les chefs français de se lancer dans l’aventure. Quand on lui demande s’il est facile de trouver des volontaires, il concède que le recrutement a pu être compliqué au début (« avec ce qu’on voit à la télé, sans connaître, on peut avoir une certaine appréhension à venir »), mais ce n’est plus le cas aujourd’hui : « Croyez-moi, tous ceux qui sont venus veulent revenir, et aujourd’hui le plus compliqué, ce n’est pas de trouver des chefs, mais de faire un choix ! »
Enrichir sa cuisine au contact de l’autre
Parmi les participants de l’édition 2015, Johan Leclerre, Meilleur Ouvrier de France, officie au restaurant « & La Suite » à La Rochelle. Sa ville est jumelée avec Sait-Jean d’Acre, où il a passé la semaine. Lui qui a accepté sans hésiter cette « opportunité de partage et d’échange avec des chefs israéliens » a discuté, en amont, des recettes avec son binôme, Ouri Jeremias, et de la façon de les adapter avec des produits locaux. Tous semblent être venus chercher dans cette expérience unique l’occasion d’apprendre et d’enrichir sa cuisine au contact de l’autre. A Jérusalem, les cuisines de La Régence (restaurant de l’hôtel King David) accueillaient Simone Zanoni, chef deux-étoiles du Trianon Palace de Versailles. Il n’était pas là par hasard : les grands hôtels sont très stricts vis-à-vis des règles de la cacheroute, que Zanoni connaît bien pour avoir ouvert en 2014 à Paris le premier restaurant gastronomique casher, « Le Rafael », sous la supervision du Beth-Din. Si vous vous demandez pourquoi diable un Italien catholique se pique d’une telle idée, la réponse est très simple : l’amour du défi.
Le menu de la semaine, évidemment, n’était pas à la portée de toutes les bourses. Mais à l’aspect « gastronomie » pur (par essence assez sélectif) des menus proposés dans les grands restaurants israéliens et des dégustations de vin, s’ajoutaient cette année un volet humanitaire et un autre plus économique.
Un partenariat a ainsi été noué avec Latet, association de lutte contre la pauvreté créée par le franco-israélien Gilles Darmon. Au programme : une master class des chefs Jean-Paul Naquin (chef de l’institut Paul Bocuse) et Guillaume Gomez à l’attention des cuisiniers de l’organisation. Le chef Gomez a, en outre, cuisiné pour les malades de l’hôpital Beilinson à Petah Tikva, opération répétée par trois des chefs en résidence dans le Nord du pays à l’Hôpital français de Nazareth. Pour le président de Latet, qui s’est inspiré des Restos du cœur et de Médecins sans frontières pour son organisation, ces initiatives sont de véritables transferts de technologie. Lors de la conférence de presse, Darmon a ainsi fait remarquer : « Cette semaine, les malades israéliens mangeront la même chose que le président de la République française ». Une belle marque de solidarité.
Dans son discours de lancement de la semaine, l’ambassadeur confiait que, depuis son arrivée, il ne cessait de recevoir des plaintes, provenant des Français comme des Israéliens, concernant le manque de produits français disponibles dans le pays. Un partenariat conclu avec la chaîne de supermarchés Mega, qui propose pendant le mois de février 50 produits français inédits (dont les fromages Babybel, Bleu Bresse, Tartare et les confitures Bonne Maman), a dû permettre de calmer les mécontents. Le succès de l’opération – deux semaines après le lancement, tous les stocks étaient déjà écoulés ! – ne manquera pas d’inciter les distributeurs israéliens à renouveler l’expérience.
« La gastronomie fait partie de notre identité »
Sur le plan économique, cette semaine de la gastronomie pèse lourd. Il suffit de regarder la liste des sponsors, plutôt très bien fournie en grandes entreprises françaises du secteur alimentaire : Badoit, Evian, Laguiole ou encore Vittel, pour ne citer qu’eux. Son succès croissant permet une exposition de choix pour les sociétés qui souhaitent conquérir une nouvelle clientèle à l’étranger : tout au long de la semaine, des ateliers ont présenté aux professionnels intéressés (un ostréiculteur, un producteur de nougats, une start-up de traduction des menus…) les clés du marché israélien. La réussite est telle que Catherine Chavrier avait fait le déplacement. Responsable de l’opération « Mieux se nourrir », filière prioritaire du commerce extérieur français, elle est chargée de favoriser les exportations de la filière agroalimentaire française, qui s’élèvent aujourd’hui à 60 milliards d’euros par an. Si elle a fait le déplacement, c’est pour observer au plus près cette Semaine de la gastronomie propre à Israël, dans l’espoir d’en tirer un modèle et de reproduire son succès partout dans le monde.
Il semblerait donc que la cuisine prenne une place croissante dans la diplomatie française. Après la campagne pour l’inscription du dîner gastronomique français au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, initiée par Nicolas Sarkozy, c’est aujourd’hui Laurent Fabius qui reprend le flambeau. A l’occasion de la parution du Guide Michelin début février, le ministre des Affaires étrangères a déclaré : « La gastronomie fait partie de notre identité. C’est aussi un facteur de rayonnement de la France : peu de pays disposent de produits aussi variés, d’une aussi grande qualité, et peu de pays possèdent une telle diversité de traditions culinaires régionales. Il est important de la faire connaître, de la promouvoir, de la faire vivre. »
Avant de présenter l’emblème de cette nouvelle ligne de conduite, l’opération « Goût de/Good France » : sous le patronage d’Alain Ducasse, plus de 1 000 restaurants à travers le monde proposeront un menu français le 19 mars. Un avant-goût prometteur qui laisse espérer une multiplication de ce type d’événement dans les années à venir, pour le plus grand plaisir des expatriés et des locaux. Pour ce qui est d’Israël, gageons qu’avec l’aliya croissante des francophones, la gastronomie française a, sans aucun doute, de belles saisons devant elle.
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