Du Goush Katif à Gaza : pire ou mieux ?

Le retrait des troupes israéliennes de Gaza, 9 ans jour pour jour après le désengagement de 2005, avait tout l’air d’un triste remake...

Manifestation contre le désengagement en 2004 (photo credit: REUTERS)
Manifestation contre le désengagement en 2004
(photo credit: REUTERS)
«Du déjà-vu », « Nous vous l’avions bien dit » : deux phrases répétées en boucle lors de la cérémonie tenue au Centre Menahem Begin, à Jérusalem, la semaine dernière, à l’occasion de l’anniversaire du retrait de la bande de Gaza en 2005.
Au même moment, les soldats de Tsahal quittaient les lieux en question, où ils avaient pénétré 19 jours plus tôt au cours de l’opération Bordure protectrice
Parmi les participants à la cérémonie, des dizaines de personnes, dont l’ancien député Tsvi Hendel et l’actuel parlementaire Zevoulon Kalfa, qui avaient été forcées d’abandonner leurs maisons par certains de ces mêmes soldats neuf ans auparavant.
« Nous reviendrons, vous et nous », déclaraient alors les habitants du Goush Katif aux soldats, en rassemblant leurs affaires.
Ils étaient persuadés que les hommes de Tsahal reviendraient se battre dans la bande de Gaza. Ils s’imaginaient également bientôt de retour pour reconstruire leurs maisons.
Cette seconde prédiction est loin de s’être réalisée et semble encore peu probable, même après l’opération Bordure protectrice. Mais la première est bel et bien devenue une réalité douloureuse, et par deux fois.
Lors de la cérémonie, une vidéo a été diffusée marquant les 10 ans depuis l’une des manifestations les plus impressionnantes de l’histoire d’Israël : une chaîne humaine, les mains jointes symboliquement depuis la bande de Gaza jusqu’au Mur occidental à Jérusalem.
Une manœuvre logistique de poids organisée par Kalfa, entre autres. Pas vraiment un succès, puisqu’elle n’avait pas réussi à faire fléchir le Premier ministre d’alors, Ariel Sharon. Mais qui aura pourtant servi à démontrer l’étendue de l’opposition au désengagement.
« Sans implantations, point de Tsahal, et sans Tsahal, le terrorisme s’épanouit »
La mainmise du Hamas à Gaza, des dizaines de milliers de roquettes et d’obus de mortiers et au moins 32 tunnels creusés par les terroristes : cela aura suffi à faire changer d’avis beaucoup de monde parmi ceux qui avaient soutenu le retrait en 2005.
Cela est vrai pour le commun des mortels. Mais pour que politiciens, conseillers et militaires admettent leurs erreurs, c’est une autre paire de manches.
A l’exception évidente de la députée du Likoud Miri Réguev, porte-parole de Tsahal lors du désengagement, aujourd’hui fortement gênée aux entournures par son rôle à l’époque. Car les partisans du retrait sont toujours persuadés du bien-fondé de leur décision. Et ceux qui s’y sont opposés n’ont fait que voir leurs positions se renforcer.
La droite s’était vertement moquée de Sharon suite à ses déclarations lors de la Conférence d’Herzliya, en 2004. « L’objectif du plan de désengagement est de réduire le terrorisme autant que faire se peut, et d’accorder aux citoyens israéliens un maximum de sécurité », plaidait-il alors.
« Ces mesures renforceront la sécurité des habitants de l’Etat hébreu et allégeront la pression qui pèse sur l’armée et les forces de sécurité dans l’accomplissement de leur tâche difficile », insistait-il. « Le retrait a pour but de renforcer la sécurité et de minimiser les frictions entre Israéliens et Palestiniens ».
Le ministre de l’Intérieur Guidon Saar (Likoud), président de la coalition au moment du retrait, n’a pas manqué d’égratigner l’attitude de Sharon lors de la cérémonie au Centre Begin.
« Sans implantations, point de Tsahal, et sans Tsahal, le terrorisme s’épanouit », a déclaré Saar. « Le désengagement n’a pas mis fin au terrorisme. Il l’a au contraire renforcé. »
Pour Saar, il faut savoir tirer les leçons du retrait de Gaza et de l’opération Bordure protectrice : tout prouve que la formation d’un Etat palestinien mettrait en danger l’avenir d’Israël. « Le retrait du Liban a porté le Hezbollah au pouvoir et le retrait de la bande de Gaza a porté le Hamas au pouvoir. La conclusion qui s’impose est bien que l’on ne doit, à aucun prix, laisser surgir un Etat terroriste au cœur de notre pays », affirme-t-il.
Un désastre incontestable
Le leader de HaBayit HaYehoudi, Naftali Bennett, va plus loin encore. Mardi soir, sur Facebook, il décrivait ainsi les leçons du désengagement pour Israël : « Celui qui fuit le terrorisme, le terrorisme lui court après. Ceux qui font la chasse au terrorisme pourront, au contraire, vivre en sécurité. »
Il met également en garde contre la formation d’un Etat palestinien en Judée-Samarie, qui détruirait l’économie israélienne et représenterait un réel danger pour les Israéliens à travers le pays.
« Ce qu’un tunnel depuis Gaza n’a pas réussi à faire, un tunnel dans Kfar Saba ou sous la route 6 le fera », avertit-il. « Notre pays a connu un développement extraordinaire en 67 ans. 50 de ces réalisations se trouvent en Judée-Samarie. Nous ne laisserons pas détruire tout cela au prétexte de fantasmes messianiques de paix avec des assassins. »
Sur le plan sécuritaire, l’ancien conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre Binyamin Netanyahou, Yaacov Amidror, déclarait jeudi 7 août à Kol Israël que le retrait était un désastre incontestable. Il remet aussi en question les motivations des politiciens qui l’ont initié.
« Le plan de retrait a été une erreur stratégique monumentale tout à fait prévisible », affirme Amidror. « Il n’a pas été motivé par de quelconques raisons de sécurité. Rien n’a eu lieu comme le gouvernement avait prévu. Et tout ce qu’il affirmait ne pas devoir se produire est arrivé en cent fois pire. »
Problématique, même avant
Mais ceux qui appuyaient le retrait de Gaza il y a neuf ans, pour des raisons de sécurité, n’ont pas bougé d’un iota. Même après deux opérations de Tsahal qui ont ramené les soldats dans la bande de Gaza.
Le député de Kadima Shaoul Mofaz, alors ministre de la Défense, tente de rappeler que la situation sécuritaire avant le désengagement était également problématique.
Il met l’accent sur le grand nombre de soldats qui protégeaient le Goush Katif, souvent aussi l’objet d’attaques, et sur la légitimité accordée aujourd’hui à Israël pour répondre aux agressions gazaouies, car il n’occupe plus la bande de Gaza. Il n’abandonne pas l’espoir de voir le retrait jeter les bases d’une solution régionale au conflit du Moyen-Orient.
« Nous ne savons pas combien de vies nous avons sauvé en quittant Gaza, mais je peux vous garantir que plusieurs dizaines de civils et de soldats sont encore vivants aujourd’hui grâce à cela », affirme-t-il. « L’argent qui aurait été utilisé pour maintenir les habitants des implantations sur place a été investi ici pour le bien-être de nos concitoyens. »
Interrogé sur Galei Tsahal, l’ancien chef de cabinet de Sharon, Dov Weisglass, répond ne regretter en rien le retrait de Gaza. Il nie avoir commis des erreurs stratégiques ou tactiques, sauf une.
« La seule chose que nous n’avions pas prévue, c’est que Gaza tombe aux mains du Hamas », concède-t-il. « Il ne nous était pas venu à l’esprit qu’en juin 2007, moins de deux ans après le retrait, le Hamas prendrait le pouvoir. »
Une erreur de calcul qu’il impute aux « prodiges du Moyen-Orient ». « Nous pensions que l’Autorité palestinienne n’aurait aucune difficulté à garder le contrôle de la bande de Gaza, malgré l’opposition du Hamas et des autres groupes. »
La faute à Begin
En 2004, Meïr Chetrit, ministre Likoud d’alors, essuyait les railleries pour avoir déclaré à la Knesset n’avoir jamais rien entendu de plus ridicule que de penser que des roquettes tirées depuis la bande de Gaza pourraient menacer les communautés du Néguev.
Selon ses déclarations au Jerusalem Post, jeudi dernier, la citation aurait été prise hors contexte. Il aurait mis en garde, dans le même discours, qu’en cas de tirs depuis la bande de Gaza, Israël réagirait avec force. Et soutenu qu’Israël devrait répliquer par 1 000 tirs contre les terroristes gazaouis chaque fois qu’ils viseraient l’Etat hébreu. Mais son avis n’avait pas été retenu.
Selon lui, la véritable erreur concernant la bande de Gaza remonte à Menahem Begin : celui-ci aurait dû insister pour que l’Egypte reprenne le contrôle du territoire lorsqu’Israël lui a rendu le Sinaï. L’autre erreur a consisté à ne pas avoir remis Gaza aux mains de l’Autorité palestinienne, selon un accord tacite, lors du retrait unilatéral de l’armée israélienne en 2005.
« Occuper la bande de Gaza était une erreur depuis le début », soutient Chetrit. « C’était un gaspillage d’énergie, d’efforts et d’argent. Imaginez ce que l’on aurait pu réaliser dans le Néguev avec les 60-70 milliards de shekels investis là-bas. Ce sont les habitants des implantations et les soldats sur place qui se faisaient alors attaquer.
« Je ne regrette pas le désengagement un seul instant. J’espère seulement que Mahmoud Abbas [le chef de l’Autorité palestinienne] va pouvoir retourner à Gaza, l’aider à se relever et à prospérer. »
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