Le Hamas a-t-il tué la gauche sioniste ?

La gauche modérée a perdu nombre de ses membres au cours de l’opération Bordure protectrice. La droite parle même d’« espèce en voie de disparition ».

Rassemblements pour la Paix à Tel Aviv (photo credit: BAZ RATNER)
Rassemblements pour la Paix à Tel Aviv
(photo credit: BAZ RATNER)

 

La semaine dernière, un rassemblement pour la paix, kikar Rabin à Tel-Aviv, était loin de mobiliser les foules. La célèbre place qui peut se vanter d’avoir accueilli quelque 400 000 manifestants de gauche par le passé n’a, cette fois, pas dépassé les 10 000 participants, selon les plus optimistes des organisateurs de l’événement – voire beaucoup moins selon d’autres.

Mais peu importe le nombre exact, les 10 associations qui parrainaient l’initiative étaient en droit d’attendre plus, surtout après avoir été mises au défi par le président américain lui-même. « Si [Netanyahou] n’est pas soumis à une pression interne, on peut difficilement l’imaginer faire des compromis douloureux, en particulier en ce qui concerne les implantations », a ainsi déclaré Barack Obama dans une interview accordée au journaliste du New York Times, Tom Friedman.

La présence du locataire de la Maison-Blanche aurait sans doute drainé davantage de participants à la manifestation. Ce que n’ont pas réussi à faire les leaders des partis Meretz — Zehava Gal-On – et Hadash — Mouhammad Barakei – ou l’écrivain David Grossman.

Côté Travaillistes, les dirigeants du parti ont reconnu avoir boycotté l’événement pour ne pas décevoir leurs éventuels électeurs du centre. Sans doute aussi une des raisons qui ont poussé Itzhak Herzog, à la tête d’Avoda, à attaquer Netanyahou cette semaine, en homme de droite.

Pour Herzog, le Premier ministre se doit d’assurer la sécurité et le calme aux résidents du Sud, laissant ainsi sous-entendre qu’il devait prendre davantage de mesures pour y parvenir. « Si, comme le dit Netanyahou, le Hamas a été vaincu, il devrait obtenir un accord diplomatique des plus favorables pour Israël », a-t-il déclaré. « Mais si le gouvernement a préféré se rendre pour apporter un semblant de calme, cela ne fait que prouver sa faiblesse et son échec. »

 

Une auto-identification difficile

La piètre participationà la manifestation pourrait s’expliquer par une récente étude, selon laquelle les chiffres de la gauche en Israël sont en baisse. L’Institut pour la démocratie en Israël (IDI) et l’université de Tel-Aviv ont passé en revue un sondage mensuel, appelé l’indice de la paix, depuis 1994. Conclusion : sur ces 20 dernières années, jamais aussi peu d’Israéliens se sont revendiqués de gauche.

Quand on leur demande de se positionner sur l’échiquier politique en matière de politique étrangère et de sécurité, 34 % des interrogés s’identifient à droite, 28 % estiment faire partie de la droite modérée, 22 % se définissent comme centristes, 9 % issus de la gauche modérée, et seulement 3 % se disent à gauche.

Tamar Hermann, professeur à l’IDI, revient sur l’histoire politique du pays. Dans un premier temps, la droite et la gauche étaient divisées, moitié-moitié. Puis, explique-t-elle, la gauche a commencé à perdre des voix après l’assassinat d’Itzhak Rabin, en novembre 1995. Pendant des années, 25 %-30 % des Israéliens interrogés se disaient de gauche, mais dernièrement, ce chiffre est tombé à 15 %-17 %.

Hermann voit plusieurs raisons au déclin de la gauche : ses conflits internes, la refonte de la carte politique, les changements démographiques et les mesures prises par les Palestiniens.

« Ceux qui ont tendance à se considérer dans ce camp, mais soutiennent l’opération à Gaza, sont confrontés à un dilemme : ils hésitent à se définir comme appartenant à un mouvement qui condamne ouvertement l’incursion militaire israélienne – ou du moins ses conséquences », avance-t-elle. « L’auto-identification avec la gauche est devenu plus problématique que d’habitude. »

L’ancien vice-ministre de la Défense, Danny Danon, a, lui, une explication différente. Selon le député Likoud, si le camp rival souffre, c’est parce que la direction palestinienne a rejeté à plusieurs reprises les ouvertures diplomatiques israéliennes. « La gauche est devenue une espèce en voie de disparition », note Danon. « J’ai remarqué combien elle se sent frustrée maintenant que le public a compris que nous ne sommes pas à blâmer pour l’absence de paix. »

 

Pessimisme de gauche
Pour autant, Yariv Oppenheimer, secrétaire général de La Paix maintenant, a promis une autre manifestation prochainement, mieux médiatisée et censée attirer davantage de monde. Selon cet ancien candidat travailliste à la Knesset, l’une des clés de la reprise de son parti consisterait à unir toutes les formations de gauche sous la direction de Herzog, avant la prochaine élection.

« Les gens ne regardent plus la paix d’une façon romantique, comme ils le faisaient dans les années 1980 ou 1990, mais d’une manière plus réaliste », a fait savoir Oppenheimer. « Ils ne sont pas naïfs et n’attendent pas de la paix qu’elle résolve tous les problèmes. Mais, d’autre part, ils reconnaissent que, sans une solution à deux Etats, nous nous retrouverons à combattre les Palestiniens, encore et encore.

« La droite ne devrait pas être si optimiste. Car en fin de compte, le peuple d’Israël finira par comprendre que la seule façon de s’assurer qu’Israël demeure un Etat juif et démocratique est la solution à deux Etats. »

L’enthousiasme d’Oppenheimer quant à la capacité de rétablissement de son parti contraste avec une autre question du sondage de l’IDI qui a mis en valeur une donnée importante : les membres de la gauche sont plus pessimistes que ceux de droite sur l’avenir d’Israël.

Au total, 65 % des sondés juifs se sont déclarés optimistes quant à l’avenir d’Israël, contre 33 % qui se sont dits pessimistes. Mais plus les gens sont à gauche, plus ils sont pessimistes. Ainsi, 71 % des sondés de droite se déclarent optimistes, tout comme 67 % de la droite modérée, 69 % des centristes, 61 % de la gauche modérée, et 54 % seulement pour ceux issus de la gauche.

Le fait qu’autant d’Israéliens se montrent optimistes en dépit des événements de ces deux derniers mois peut être considéré comme un vote de confiance en l’armée israélienne, qui, selon les sondages bénéficie du soutien quasi universel des Juifs israéliens.

Quant à Bibi, ses adversaires de l’aile droite considèrent que ses attaques en direction d’Avigdor Liberman et de Naftali Bennett, lors de la conférence de presse de mercredi 20 août, seraient dues à la pression du Premier ministre suite à ses mauvais scores dans les récents sondages. Mais pour ses collaborateurs, sa frustration envers Liberman et Bennett est authentique, et basée uniquement sur leur comportement. Interrogé pour savoir si la déclaration du Premier ministre quant à un nouvel « horizon diplomatique » était elle aussi authentique ou destinée à piquer Liberman et Bennett, ils affirment que Netanyahou n’agit que sur la base de ce qui est le mieux pour le pays.

Les conséquences de tout ceci sur le futur du pays dépendront en grande partie de ce que le Premier ministre nous prépare encore. 

© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite