Dévoué au cinéma israélien

Alors que les récompenses pour Footnote s’accumulent, le réalisateur Joseph Cedar revient sur les raisons qui le poussent à rester en Israël, en compagnie d’une nouvelle génération de cinéastes talentueux

devoue  (photo credit: Avec l’aimable autorisation de Phil McCarten /Reut)
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(photo credit: Avec l’aimable autorisation de Phil McCarten /Reut)
Fort d’une nomination aux Oscars, un prix à Cannes et d’innombrables autres hommages à son travail en poche, Joseph “Yossi” Cedar a le vent en poupe à Hollywood. Mais pour autant, pas question de quitter Israël. Car son lien à l’Etat hébreu constitue le sel de sa créativité.
“Les sujets qui me tiennent à coeur au point de vouloir en faire des films ont tous à voir avec ma vie ici, en Israël”, annonce Cedar au téléphone, les cris de mouette de la plage tel-avivienne résonnant dans le combiné. “C’est vrai que désormais on me propose des projets bien plus importants. Mais j’ai du mal à me dire que cela en vaut la peine. Cela me demande des efforts particuliers de me plonger dans un projet qui est loin de moi”, explique-t-il.
A nouveau en lice pour les Oscars ? En réalité, Cedar est né à New York mais ses parents - un biochimiste, lauréat du Prix d’Israël et une thérapeute en psychodrame - déménagent en Israël quand il a six ans. C’est là qu’ils élèvent leurs six enfants dans un quartier religieux de Jérusalem. Aujourd’hui, à leur actif, “des dizaines” de petits-enfants, selon leur cinéaste de fils. A 43 ans, Cedar vit avec sa femme Vered Kellner, journaliste au Globes, et leurs trois enfants à Tel-Aviv.
Après un diplôme de cinéma délivré par l’Université de New York, Cedar s’installe dans une implantation de Judée- Samarie pendant 2 ans afin d’accumuler du matériel pour Time of favor (Haesder).L’histoire d’un rabbin qui envisage une prise pacifique du Mont du Temple, un projet compliqué par un triangle amoureux dans lequel se retrouve sa fille. Ce premier film sort en 2003 et remporte 6 Ophirs de l’Académie du Film israélien, dont celui pour le meilleur film.Son deuxième opus, Feux de camp (2004), décrit la vie juive en Judée et Samarie et, exceptionnellement pour un tel sujet, parvient à toucher les spectateurs israéliens comme étrangers.Nouveau succès : Cedar engrange 5 Ophirs, dont celui pour le meilleur film, le meilleur réalisateur et le meilleur scénario.
Enfin, en 2007, Beaufort fait sensation.Et réussit le tour de force de devenir la première nomination israélienne aux Oscars en 24 ans. Le film, basé sur un best-seller qui traite des soldats impliqués dans le retrait militaire israélien du Liban, ne remportera pas la statuette mais catapulte le nom de son réalisateur sur la scène internationale.Plus récemment, Footnote (Hearat Shoulayim) a gagné le prix du meilleur scénario aux festivals de Canne, de Telluride et de Toronto, et les Ophirs de meilleur réalisateur et meilleur scénario.
Ce dernier long-métrage du réalisateur est un sérieux candidat pour une nouvelle nomination à l’Oscar du meilleur film étranger, dont la liste doit être annoncée en janvier.
La sortie du film, sous-titré en anglais, aux Etats-Unis prévue en 2012 sera assurée par Sony Pictures Classics. “C’est un grand privilège d’avoir Sony pour accompagner le film sur le marché américain. Cela confère un certain label de qualité dont je bénéficie pour la première fois”, avoue Cedar.
Footnote plonge au coeur de la philologie hébraïque (l’étude de la linguistique en littérature) et des études talmudiques.
Le film raconte l’histoire d’une rivalité filiale. Pas très attirant en apparence, mais Cedar parvient à transmettre à l’écran les passions dévastatrices qui agitent le monde universitaire. “Plus le sujet est pointu, plus la passion est profonde”, note-t-il. Et selon lui, on peut en dire autant des cinéastes.
Le facteur “magique” du cinéma local Avec Haesder, Cedar a été le premier à faire passer le cinéma israélien dans la cour des grands. “Bien qu’il y ait des films israéliens que j’aime beaucoup, le cinéma local n’influence pas vraiment mon travail”, avait-il déclaré au cours d’un entretien au magazine Tikkoun en 2008. “L’accent que je mets sur l’intrigue qui progresse durant tout le film correspond à la frustration que j’éprouve face aux films israéliens, qui ignorent tout simplement le besoin naturel du public qui est de pouvoir suivre une intrigue.”
Est-ce que l’industrie a progressé depuis ? “Absolument”, répond-il aujourd’hui. “C’est toujours difficile d’indiquer une seule influence, mais le cinéma est devenu très compétitif, ce qui force tout le monde à faire de meilleurs films. Il y a une nouvelle génération de réalisateurs, et une nouvelle génération de fonctionnaires qui décident de la façon d’investir l’argent public”.
Et il y a aussi, continue-t-il, un facteur “magique” : une certaine similarité de goût entre le public et les projets des cinéastes. “Ce qui me préoccupe le plus”, continue-t-il, “c’est de savoir si ce progrès va s’arrêter un jour. Les autres pays ont tous connu la bonne vague de films qui a atteint son point culminant à un moment donné, et donc nous devons nous demander comment nourrir ce niveau de variété, en quoi chaque film diffère d’un autre.”
Cedar ne veut pas citer de nom particulier.“Comme dans toute industrie cinématographique, environ 80 réalisateurs israéliens ont fait de bons films et quelque 5000 autres n’ont pas encore tourné leur premier. Il faut juste espérer que parmi ces 5 000, il y en ait un qui soit meilleur que les 80 qui travaillent actuellement”. Son prochain projet traitera de “la tension entre des thèmes universels et des sujets importants pour moi seul. J’aimerais faire un film qui interpelle des spectateurs au-delà du public juif israélien, mais cela n’est pas naturel pour moi”.
Il a beau penser le contraire, c’est bien que ce Cedar vient juste de faire avec Footnote.