Crise syrienne: le rôle de l'Iran

Pourquoi avoir pris le risque de bombarder la Syrie ? Damas multiplie les menaces depuis les raids, mais pour Israël, les enjeux dépassent la Syrie. Décryptage.

JFR P4 370 (photo credit: Baz Ratner - Reuters)
JFR P4 370
(photo credit: Baz Ratner - Reuters)
Deux attaques aériennes en deux jours. Israël n’a pas confirméofficiellement, mais tout le monde s’accorde pour attribuer à Tsahal les deuxraids qui visaient en Syrie des convois d’armement à destination du Hezbollah.Des bombardements qui auraient fait des dizaines de victimes, selon lesautorités syriennes. Si Jérusalem s’est appliquée à minimiser l’événement,Damas ne semble pas l’entendre de cette oreille. Les hauts gradés du régimeAssad ont multiplié les menaces de représailles en début de semaine. Un risqueque l’Etat hébreu s’est vu forcé d’assumer.
Une position claire 
Les raids résultent certainement d’informationsconfidentielles prévenant Israël d’un convoi imminent d’armes stratégiques dela Syrie vers le Hezbollah, au sud Liban. Le mouvement chiite a déployé près dela moitié de ses hommes pour soutenir le président Bachar Assad, dans la luttequi l’oppose aux rebelles syriens depuis plus de deux ans. Un soutien pourlequel le Hezbollah attend certainement une récompense. On peut ainsi imaginerque l’Iran et son vassal libanais ont demandé les armes à Assad en échange deleur assistance. Et le président ne pouvait ignorer que ce marché provoqueraitune nouvelle offensive israélienne.
Un premier raid, attribué à Tsahal en janvier, avait déjà envoyé un messagetrès clair. Ce qui n’a pas empêché le Hezbollah de recommencer ce week-end.Mais Assad ne peut se permettre de refuser quoi que ce soit aux seuls alliésqui lui restent. Sa survie en dépend.
Les armes ciblées étaient certainement des missiles iraniens Fatah-110, d’uneportée de 300 km. Difficile de dire depuis combien de temps elles étaientstockées en territoire syrien.
Mais Jérusalem semble avoir privilégié un risque calculé aujourd’hui pouréviter d’être confrontée à une situation bien pire, plus tard.
Israël choisit donc de réaffirmer sa position sur la prolifération d’armes faceau Hezbollah, mais aussi, sans doute, d’envoyer un message à Téhéran, quicontinue obstinément de développer son programme nucléaire. Car si ces raidsrisquent de provoquer une escalade, un Hezbollah lourdement armé laisseenvisager un bien maussade avenir. Le mouvement chiite possède déjà quelque 70000 roquettes, des missiles de longue portée ne le rendraient que plusdangereux encore pour l’Etat juif.
Projet Alaouistan 
Mais d’autres facteurs sont à prendre en considération.
Selon le Dr Ely Karmon, chercheur à l’institut du Contreterrorisme, l’Iran, laSyrie et le Hezbollah fomentent un plan de secours en cas d’effondrement durégime : créer un mini-Etat alaouite sur la côte syrienne et le relier à laplaine libanaise de la Bekaa, ainsi que le sud Liban, tous deux sous contrôledu Hezbollah.
Cette entité alaouito-chiite serait sous houlette iranienne, tant et si bienque Téhéran se créerait ainsi une nouvelle base syrienne. Base que la Républiqueislamiste n’hésiterait pas à armer jusqu’aux dents. « Cette stratégie se met enplace ces dernières semaines », pointe Karmon. « Les intenses combats dans laville d’al-Qusayr ont permis aux forces du régime et au Hezbollah de quasimentreconquérir le littoral.
Ce qui dégage un couloir depuis Damas jusqu’à la région alaouite… où Assadpourrait battre en retraite avec ses armes chimiques ». Toujours dans le mêmebut, le massacre des civils sunnites de la ville côtière de Banias semblerelever d’un nettoyage ethnique prémédité.
Le président s’est assuré le contrôle des cités de Damas, Alep et Homs. Il aégalement créé une milice composée de « comités nationaux », chargés decombattre les rebelles aux côtés de l’armée officielle du régime ainsi que descélèbres paramilitaires Shabiha. Mais Assad ne devrait pas pouvoir résister surle long terme, accentuant le besoin d’un futur « Alaouistan ».
Un plan en 3 étapes 
L’ancien attaché militaire du Premier ministre BinyaminNetanyahou, le docteur et brigadier réserviste Shimon Shapira, pense lui aussique Téhéran cherche à affermir sa mainmise en Syrie. Et de souligner un faitrare : la visite secrète du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le moisdernier en Iran, comprenait une rencontre au sommet avec le Guide suprême AliKhamenei et le général Quasem Suleimani, commandant des Gardesrévolutionnaires, en charge de la politique iranienne au Liban et en Syrie. «La présence de Suleimani est importante. C’est la tête pensante des activitésmilitaires iraniennes au Moyen-Orient. En janvier 2012, il a déclaré que laRépublique islamiste contrôlait « d’une façon ou d’une autre » l’Irak et le sudLiban. Il semble désormais vouloir étendre ce contrôle à l’ensemble de la Syrie», explique Shapira.
L’expert a également appris de source sûre l’existence d’un plan iranien en 3étapes pour assister Damas. « D’abord, créer une armée composée uniquementd’Alaouites et de Chiites, soutenue par des troupes iraniennes, irakiennes, leHezbollah et mêmes quelques contingents venus du Golfe persique. Ensuite,garnir cette armée de 150 000 hommes en donnant la préférence à des combattantsvenus d’Iran et d’Irak. Enfin, intégrer ces troupes à l’armée syrienne.
Suleimani s’est lui-même rendu en Syrie, fin février-début mars, pour mettre leplan en place ».
Pour Shapira, il s’agirait d’un « plan B », en cas de chute définitive d’Assad.« L’Iran voit déjà au-delà de la survie du régime et cherche à assurer sesarrières pour la suite. Mais cela fait des années que des observateurs syriensmettent en garde contre l’expansionnisme iranien en Syrie, bien avant la guerrecivile ».
Un expansionnisme dans lequel le Hezbollah est appelé à jouer un rôle majeur,ajoute l’expert.