Holyland : mort du témoin clef

Les avocats d’Ehoud Olmert avaient poussé le témoin d’Etat dans ses retranchements et réussi à lui faire admettre plusieurs falsifications.

Ehud Olmert after verdict 370 (photo credit: Gali Tibbon/Reuters)
Ehud Olmert after verdict 370
(photo credit: Gali Tibbon/Reuters)
Coup de tonnerre dansl’affaire Holyland. Le principal témoin assermenté dans le procès attentécontre l’ancien Premier ministre Ehoud Olmert et 15 autres accusés est décédéle vendredi 1er mars au matin. Connu sous les initiales de S.D., il était danssa 70e année et avait déjà été hospitalisé trois fois depuis l’ouverture duprocès à la Haute Cour de Tel-Aviv. Sa mort pourrait avoir un impact énorme surl’affaire, mais les conséquences exactes sont encore floues. Olmert est accuséde corruption, pour avoir accepté des pots-de-vin dans le scandale immobilierde Holyland dans le sud-ouest de Jérusalem. Constructions qui ont dépassé debeaucoup les limites autorisées.
Le procès continue 
Le ministre de la Justice a confirmé que toutes les chargesretenues contre les accusés seraient maintenues. S.D. a témoigné pendant 75jours d’audience sur une période de 8 mois. Son témoignage, ainsi que lescontre-interrogatoires, étaient suffisamment détaillés au moment de sadisparition, à la fois pour la défense et pour l’accusation. Outre sesrévélations, les charges reposent également sur des documents et d’autressources. Il n’y aurait donc pas lieu de clore l’affaire.
Le porte-parole d’Ehoud Olmert n’a fait ni commentaire, ni demande d’annulationdu procès pour vice de forme. Un vice de procédure est requis dans le cas oùl’impossibilité de mener à terme les interrogatoires du témoin à charge privel’accusé d’un procès équitable.
L’Etat a exprimé sa tristesse à la mort du témoin S.D. et fait savoir qu’ilpartageait la peine de la famille, tout en réclamant que l’anonymat du témoinsoit maintenu. Son avocat, Amnon Itzhak, a déclaré sur les ondes de l’armée quel’affaire constituait « un fardeau émotionnel et physique pour le témoin, unhomme âgé et malade ». Il a confié que son client avait été victime d’unmalaise durant la nuit, et qu’il était décédé à 4 h 30, malgré les efforts desmédecins pour le réanimer.
S.D. aurait-il menti ?
Lors d’une audience la veille de sa mort, Roi Belcher,l’avocat d’Olmert, avait tenté de confondre le témoin sur de nombreux détailsapparus dans l’affaire et accusé le témoin d’être un menteur patenté. Au coursde la semaine écoulée, l’équipe de juristes de l’ancien Premier ministre avaitacculé le témoin pour lui faire admettre qu’il avait falsifié les pièces àconviction qu’il avait remises au tribunal. Au tout début de l’affaire, S.Davait en effet reconnu la falsification de certains documents et fait desfausses déclarations à la défense.
Mais affirmé que toutes ses déclarations faites sous serment au tribunalétaient vraies. Au cours des interrogatoires et contre-interrogatoiressuivants, il avait cependant été prouvé qu’il avait falsifié des documentsutilisés dans la présente procédure pénale.
Mardi 26 février, les avocats d’Olmert avaient notamment réussi à prouver lafalsification d’un document censé prouver la participation active de l’ancienpoliticien dans cette affaire de corruption. S.D. a déclaré que le documentprouvait qu’Olmert avait fait entrer le cabinet d’expertise comptable Barzilaidans le projet Holyland en 1994. Or, l’équipe de juristes a mis en évidence queS.D. avait falsifié le document.
Pour preuve, le numéro de téléphone qui y figure n’aurait existé qu’en 1996, auplus tôt. S.D. a d’abord voulu faire croire que, lors de la photocopie, ilavait par erreur surimprimé une autre page datée ultérieurement. Pour ensuiterevenir sur ses dires et déclarer avoir tout oublié de ces événements.
Et réalisant combien sa crédibilité était mise à mal, il avait fini par avouerau tribunal : « Je falsifiais les documents, mais pas systématiquement ».Sautant sur l’occasion que lui offrait cet aveu, Belcher a voulu enfoncer leclou. Et demandé à S.D. s’il avait falsifié des documents « dans le butd’induire les autorités en erreur », jouant sur le fait que l’intention defourvoyer le tribunal constituait en soi un délit. Le témoin avait alors admisque c’était son intention.
Plus tard, à l’audience, le juge David Rozen était sorti de son devoir deréserve et les avocats d’Olmert avaient pu constater qu’ils avaient réussi àsemer le doute dans son esprit quant à la validité des charges retenues contrel’accusé. Rozen a également laissé entendre à Belcher que les preuves retenuescontre Olmert avaient perdu de leur crédit. Le tribunal s’est alors concentrésur d’autres accusés faisant face à des charges beaucoup plus lourdes.
L’émotion était grande tout au long de l’audience, au vu des échanges assezvifs entre S.D. et Belcher, se traitant mutuellement « menteur » à plusieursreprises. A tel point que la cour avait dû intervenir plusieurs fois pourdemander aux deux parties de s’abstenir d’« attaques personnelles ».
Dimanche 24 février, les avocats d’Olmert ont aussi produit une page du journalde S.D. sur laquelle figure la liste des personnes ayant perçu des pots-de-vin.Le nom d’Olmert ne figurait pas. Ce document pourrait amener le juge à mettreen doute la véracité de tous les documents produits par S.D.
afin de prouver la culpabilité de l’accusé. Belcher a également attirél’attention de la cour sur les oublis possiblement opportunistes du témoin. Ila notamment voulu lui rafraîchir la mémoire et rappelé qu’Olmert avait appuyéle projet Holyland publiquement, lors de conférences de presse avec l’ancienministre du Tourisme Baram Ouzi, bien avant que S.D. ait soi-disant soudoyéOlmert pour obtenir son soutien.
Lors des funérailles de S.D., sa fille a exprimé sa colère contre les avocatsd’Ehoud Olmert, les accusant d’avoir épuisé son père et d’avoir littéralement «bu son sang ». Lundi 4 mars, le tribunal a annoncé qu’il n’y aurait pas dedélai supplémentaire suite au décès du témoin, délai réclamé par l’Etat pourpréparer ses autres témoins aux audiences.