Les champions d’Israël

Seuls une trentaine de jeunes Israéliens sont admis dans ce programme d’élite, spécialisé dans le développement technologique militaire. Au terme de leur service, ils font la gloire des entreprises israéliennes

talpiot (photo credit: © Michal Marmary)
talpiot
(photo credit: © Michal Marmary)

Le nom “Talpiot” est en général associé à un célèbrequartier du sud-est de Jérusalem, connu pour sa zone industrielle, sa vienocturne et ses restaurants de viande rouge. Le nom, dérivé du Cantique desCantiques, provient de la combinaison de tel (mont)et piyot (bouches) et fait référence au Temple de Jérusalem : le mont où toutes lesbouches récitent des prières.

Il en va tout autrement dans le jargon de Tsahal. Pour l’armée, Talpiot est lenom d’un programme d’élite, composé des plus brillantes recrues. Venus de toutle pays, ces jeunes génies usent de leur cerveau bien plus que de leurs musclespour servir l’Etat.
Le programme a vu le jour en 1979, sous les bons auspices de l’armée de l’airet du département de développement technologique. A son origine : le général debrigade Aharon Beit-Halachmi, aujourd’hui codirecteur de Federmann Enterprises,une compagnie spécialisée dans le high-tech et le management.
Pour Beit-Halachmi, ceux qui terminent leurs neuf années de service au sein deTalpiot ne sont rien d’autre que les “stars” du pays : “Ils font partie desmeilleurs scientifiques.
Dans la plupart des cas, ils se retrouvent à diriger les unités dedéveloppement high-tech, les centres de recherche en biologie ou poursuiventleur carrière dans l’armée”. On les retrouve également à la tête de dynamiquesstart-ups, et ce depuis une bonne quinzaine d’années.
Tout commence en 1974, quand deux professeurs de l’Université hébraïqueabordent Beit-Halachmi et lui proposent de réunir les meilleures recrues deTsahal au sein d’un programme spécial, dont le but serait le développement denouvelles technologies pour l’armée. Cinq ans plus tard, le chef d’état-majorRafaël “Rafoul” Eitan donnait son feu vert au programme.
Depuis, chaque année, quelque 25 à 30 postulants des deux sexes sontsélectionnés, à l’issue d’une série de tests très stricts. Parmi les exigences: les candidats doivent avoir un QI (quotient intellectuel) particulièrementélevé et doivent en plus faire preuve d’un tempérament de leaders.
Et Beit-Halachmi d’ajouter : “Ils doivent être extrêmement motivés et présenterdes lettres de recommandation de leurs établissements scolaires”.
Pour ce qui est des chiffres, seul “1,5 % des milliers de candidats sont admischaque année”, ce qui prouve le caractère exclusif de cette unité, “comme iln’en existe nulle part ailleurs dans le monde”.

Formés pour réussir

Le Dr Guy Shinar est un ancien élève de Talpiot il y a dixans de cela. A présent, il est entrepreneur spécialisé dans les installationsmédicales établi à Ramat Gan.Il détient un doctorat de l’Institut scientifique Weizmann ainsi qu’un diplômepostdoctoral en biologie systémique.

En plus de son activité principale, il siège aux conseils d’administration deplusieurs grandes entreprises israéliennes spécialisées dans ce domaine etexportant des produits dans le monde entier.
En 2005, alors âgé de 28 ans il est cofondateur d’EarlySense. Cette entrepriseproduit un appareil permettant d’observer les signes vitaux d’un patient sansutiliser d’électrodes. L’appareil se glisse sous le matelas du patient etenregistre les battements du coeur, la respiration et d’autres activitéscorporelles. Shinarattribue une grande partie de son succès à sa participation au programmeTalpiot : “Si vous voulez réussir dans le domaine des biotechnologies, vousdevez avoir des connaissances dans d’autres domaines, de la médecine au droiten passant par la physique ou la physiologie”. Or tous les diplômés de Talpiotont acquis des bases dans ces différents domaines. Comme l’explique Shinar,tous les élèves de Talpiot complètent une licence en physique et mathématiquesà l’Université hébraïque de Jérusalem. Durant cette période, les étudiantssuivent aussi un entraînement de 18 mois dans une unité de l’armée : forcesaériennes, parachutistes, forces navales ou services de renseignements.
Une fois cette formation terminée, les membres de Talpiot obtiennent le gradede lieutenant. Durant les six années suivantes, les jeunes officiers se voientconfier des tâches au sein de l’armée. Shinar avait servi dans l’unité derecherche et développement. “Très jeune vous pouvez être nommé chef de projetpour le développement d’armes spéciales. Il faut être capable de gérer de grosbudgets et de négocier avec d’importants clients.”
“Le sommet, c’est lorsqu’à 22 ans vous assumez de hautes responsabilités,réalisant des tâches pour le service de renseignements ou pour développerl’arsenal israélien. Le niveau de complexité est alors tel que dans le secteurprivé, il serait impensable d’engager des personnes de moins de 30 ans.
Donc lorsque vous en sortez, vous êtes prêts pour développer votre propreentreprise de biotechnologie.”

Une école de vie

Ofer Goldberg quant à lui est vice-président de ClalBiotechnical Industries dans le top 100 des entreprises biotechnologiques àTel-Aviv. En plus de cela, il gère son nouveau fonds d’investissement Anatomyspécialisé dans le même domaine. Sorti de Talpiot un an après Shinar, il s’intéresse particulièrementà la production pharmaceutique.

Comme Shinar,Ofer doit beaucoup à Talpiot, et s’investit activement pour améliorer à safaçon la société israélienne. “A présent, mon activité consiste à faire un étatdes lieux des biotechnologies, afin de voir celles qui sont scientifiquementréalisables”, explique Goldberg. “J’utilise le même raisonnement qu’à Talpiot.A ce moment-là, je testais certaines technologies pour voir comment ellespouvaient être utiles à l’armée. Pour comprendre les sciences, Talpiot privilégiaitune approche logique et multidisciplinaire, et cela me sert encoreaujourd’hui.”
Même en affaires, le “facteur Talpiot” y est pour beaucoup.
Par exemple, “une des raisons qui me poussent à investir dans une entreprisedonnée est souvent le fait que son dirigeant est un ancien de Talpiot, donc je sais de quoi il estcapable”, admet Ofer. “Pour investir dans une entreprise, il faut lui faireconfiance, et c’est pour cela que c’est important de savoir à qui j’ai à faire.En l’occurrence, je peux faire confiance aux anciens de Talpiot”.
Ofer Goldberg est aussi fier de montrer que son entreprise adopte des principessionistes : “Nous n’investissons que dans des compagnies établies en Israël,qui du reste offre d’excellentes opportunités pour le business”.
Shinarajoute qu’il est toujours en contact avec la trentaine de ses anciens camaradesde promo. “C’est une seconde famille, d’un point de vue social commeprofessionnel”, affirme-t-il. “Le réseau est très solide. Il s’agit depersonnes qui ont fait partie de ma vie alors que j’avais 18 ans, un âge oùl’on est malléable et où se tissent de solides liens d’amitié. Sans douteferont-ils partie de ma vie bien des années encore”.