Lapid et Bennett : duo de choc

Beaucoup pensent que tout les oppose. Mais ces deux nouveaux venus de la politique israélienne ont plus en commun qu’il n’y paraît.

Naftali Bennett makes post-election speech 370 (photo credit: TOVAH LAZAROFF)
Naftali Bennett makes post-election speech 370
(photo credit: TOVAH LAZAROFF)
C’est le ticket gagnant. Lespartis de Yaïr Lapid (Yesh Atid) et Naftali Bennett (Habayit Hayehoudi)méritent d’être en pole position dans le prochain gouvernement. Ensemble, ilsdétiennent 31 sièges de la nouvelle Knesset : autant que la liste duLikoud-Beiteinou, dirigée par Netanyahou. Mais, plus important encore, ilsreprésentent le meilleur des valeurs de la société israélienne, et la volontédu peuple, clairement exprimée par le scrutin du 22 janvier.
A contrario des autres leaders israéliens, Lapid et Bennett se sont concentréssur des campagnes positives qui exposaient des valeurs et des principes, et nonseulement des promesses de réformes et des exigences. Ils ont parléd’engagement sioniste, de patriotisme, d’honnêteté dans les affaires et enpolitique, de juste répartition du fardeau militaire et économique, et devaleurs familiales.
Ils ont également mentionné le dévouement civil et exprimé le plus grandrespect pour le mouvement social de 2011.
Ils ont montré qu’ils avaient compris le pincement au coeur ressentiaujourd’hui par l’Israélien moyen.
Ni l’un ni l’autre ne se sont lancés dans de violentes attaques contre leursadversaires politiques. Tous deux ont évité de lapider Netanyahou (comme l’afait Tzipi Livni), de le rejeter en tant que futur Premier ministre (comme l’afait Shelly Yachimovich) ou de remettre en question sa santé mentale ou encoreses scrupules moraux (comme l’a fait Zehava Gal-On).
Tous deux ont refusé la politique de la délégitimation et de la diffamation.Tous deux ont parlé de la reconstruction de la société israélienne, qui est àla fois faisable et urgente, et non d’une paix chimérique avec lesPalestiniens, qui doit désormais attendre que le printemps arabe et l’hiverislamiste se tassent.
Tous deux ont rejeté les assertions apocalyptiques sur le schisme diplomatiqueentre la droite et la gauche israélienne, ainsi que les malveillantesaccusations d’un basculement à droite de l’Etat d’Israël. (Note à l’intentiondes journalistes occidentaux et autres agitateurs : il est temps de laissertomber vos paradigmes obtus sur la division irrévocable des Israéliens entre lagauche « saine d’esprit » et la droite « radicale ». Ce n’est tout simplementplus d’actualité).
Ni l’un ni l’autre ne sont des apparatchiks 
Lapid et Bennett ont tous deuxcherché à combler le fossé entre religieux et laïcs. En réalité, ils ont mêmerejeté la notion de fossé. Lapid s’est fait un devoir d’inclure plusieurspersonnalités religieuses dans sa liste, y compris son numéro 2, le rabbin ShaïPiron, aujourd’hui pressenti comme ministre de l’Education. Bennett, lui, atout fait pour avoir une femme laïque, Ayelet Shaked, dans le top 3 de sonparti, un geste tout en symboles.
Tous deux parlent des Israéliens, religieux et laïcs, comme de leurs « frèreset soeurs » et ils sont crédibles. Tous deux soutiennent une approche graduée,nuancée et mature du conflit autour de l’enrôlement des harédim, comprenant quele secteur ultra-orthodoxe a besoin d’être éduqué en douceur pour un plus grandinvestissement dans la vie civile et militaire israélienne. Ni l’un ni l’autrene sont prêts à renoncer à cette réforme, mais tous deux comprennent que lacommunauté ultra-orthodoxe ne peut être brutalement tirée de ses ghettos.
Les deux nouveaux leaders ont tous deux exprimé de la joie, et non de lacrainte, face à l’entrée en politique de si nombreux élus religieux d’une part,et inexpérimentés d’autre part. Un tiers des membres qui vont occuper les bancsde la prochaine Knesset sont religieux et 40 % sont des nouveaux venus. Lapidet Bennett n’ont pas mis en garde contre cette nouvelle relève, mais l’ont, aucontraire, accueilli chaleureusement.
Ni l’un ni l’autre ne sont, en outre, des apparatchiks. Ils se sont tous deuxétablis dans de nouveaux cadres politiques au sein desquels ils ont pu exprimerleurs valeurs, brisant le moule fatigué de la vieille rivalité Likoud-Avoda.
Bien entendu, Lapid s’est construit sur les ruines de Kadima, et Bennett sur lenaufrage du Parti National-Religieux. Mais tous deux ont bien compris le besoind’un nouvel échafaudage sociopolitique. Conséquence : ni l’un ni l’autre nesont entièrement liés aux lourdeurs bureaucratiques d’un parti.
Comme Bibi quelques années plus tôt 
A y regarder de près, les deux membres dece dynamique duo se ressemblent tant par leurs parcours que par leurs talents.
Lapid et Bennett se sont tous deux enrichis dans les affaires (si tant est quel’on considère les médias comme faisant partie de « l’industrie del’entertainment »). Tous deux excellent face à la caméra, que ce soit en hébreucomme en anglais, mais tous deux ont cependant l’air sincères, évitant lespaillettes et la superficialité. Mais ne ressemblent-ils pas à un Netanyahouplus jeune ? Le résultat est sans appel : les Israéliens ont massivementrécompensé Lapid et Bennett pour leur sérieux et leur approche non-sectaire etunificatrice de la société et de la politique israéliennes. Aujourd’hui, lesélecteurs veulent les voir au gouvernement.
Plus encore, ce scrutin prouve, tout comme les débats préélectoraux l’ontprouvé, que ces deux grands groupes d’électeurs (la classe moyennetel-avivienne qui a choisi Lapid et la classe moyenne « de l’arrière-pays » quis’identifie à Bennett) se respectent beaucoup mutuellement. Mieux, ils sonttrès souvent d’accord, tout en reconnaissant leurs différences (en ce qui concernenotamment la Judée-Samarie qui demeure aujourd’hui un sujet épineux).
Netanyahou devrait donc respecter le désir de l’électorat, et saisir cetteopportunité pour tracer un nouveau chemin, main dans la main avec Lapid etBennett, car il y a un futur (Atid) à conquérir et un foyer (Bayit) à protéger.
Netanyahou peut tout à fait être le ciment de cette nouvelle coalition.Ensemble, ils peuvent trancher dans (au moins une partie) du noeud gordien quiempoisonne la société israélienne depuis si longtemps. Le Premier ministre doitsimplement avoir le courage de mettre les politiciens radicaux ou étroitsd’esprit (tels que les leaders de Shas ou du parti de Tzipi Livni) à l’écart duprochain gouvernement.