Corruption et élections

Une trentaine de suspects, des millions de shekels détournés et un parti en pleine campagne électorale

Faina Kirschenbaum  (photo credit: KNESSET)
Faina Kirschenbaum
(photo credit: KNESSET)
Les soupçons de corruption politique abondent. Beaucoup concernent des membres d’Israël Beiteinou, ou des proches du parti. Il est important de rappeler qu’à ce stade, la police continue d’enquêter et que personne n’a été condamné. Néanmoins, le tableau est sombre et jette l’opprobre sur les motivations de certains de nos politiciens. Font-ils de la politique pour servir les citoyens ou leurs propres intérêts ?
A Kiryat Shmona, l’argent du contribuable pourrait avoir été utilisé pour assurer un poste d’adjoint au maire à un fonctionnaire d’Israël Beiteinou. Le poste aurait été obtenu après le transfert de plusieurs millions de shekels du parti, pour maintenir à flots une salle d’urgences menacée de fermeture car trop coûteuse pour l’hôpital de la ville (elle a depuis été fermée par manque de financements). L’argent du contribuable aurait également été utilisé pour régler 96 000 shekels de « frais » à l’épouse d’un autre fonctionnaire du parti, et ce en échange de ses prestations de levée de fonds (qui incluent la donation d’un million de shekels à l’Association israélienne de basket-ball). L’argent du contribuable aurait aussi servi à payer un appartement à Ramat Gan à la fille d’un autre (encore un !) fonctionnaire du parti.
Ce ne sont là que trois incidents parmi la quinzaine de pots-de-vin et faits de corruption supposés dans lesquels seraient impliqués une trentaine de personnalités publiques, directeurs d’organisations à but non lucratif, lobbyistes et maires. Beaucoup de ces prévenus sont directement ou indirectement liés à Israël Beiteinou ou au Likoud. La ministre adjointe aux Affaires intérieures Faina Kirschenbaum est l’un des principaux suspects dans ce qui semble être un véritable système de corruption où se mêlent de pots-de-vin, fraudes et favoritisme.
Le chef du parti russophone, Avigdor Liberman (qui n’est pas suspect dans cette affaire) a choisi l’offensive pour défense, s’interrogeant sur le timing et les motivations de cette enquête qui arrive en plein milieu de la campagne électorale. Sur sa page Facebook, il écrit : « Seuls les paresseux ne prendront pas la peine de réfléchir au fait qu’à chaque élection, sans exception, des forces obscures semblent vouloir compromettre le droit d’Israël Beiteinou à concourir équitablement pour les élections. En ce qui concerne notre parti, pas une élection ne se passe sans que nous ne soyons visés par une enquête. »
Et Liberman a de bonnes raisons d’être amer et sceptique quant aux motivations de la police. Il a passé la majeure partie des 17 dernières années à être la cible privilégiée des enquêtes de corruption. Sa dernière inculpation date de décembre 2012, six semaines seulement avant les dernières élections. Aucune de ces investigations n’a abouti. En novembre 2013, Liberman est acquitté de toutes les charges retenues contre lui. Son expérience personnelle avec la police est donc loin d’être positive, et beaucoup des électeurs d’Israël Beiteinou restent persuadés qu’il a été victime d’une vendetta politique.
Certains experts juridiques considèrent injuste de conduire des enquêtes visant des politiciens de haut rang en pleine campagne électorale. En 2003, quand la police et le procureur d’Etat enquêtent sur les relations du Premier ministre Ariel Sharon avec l’homme d’affaires sud-africain Cyril Kern, Elyakim Rubinstein (à l’époque procureur général) ordonne que les conclusions soient gardées secrètes jusqu’à l’issue des élections. C’est une fuite du Bureau du procureur général qui rendra l’affaire publique. Avant les dernières élections municipales, les juges de la Cour suprême avaient critiqué le Bureau du procureur général et les forces de l’ordre, pour avoir conclu des enquêtes juste avant que les électeurs ne décident à qui accorder leurs voix.
Mais est-il réellement juste de museler les autorités judiciaires ? Dans cette affaire, bien que nous n’en soyons qu’aux prémices de l’enquête, il semble y avoir suffisamment de preuves pour justifier que le tout soit rendu public. Les Israéliens ont le droit de savoir, et ce même s’il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit pour l’instant que de suspicions et non de mises en examen. Evidemment, les autorités prennent également un risque. En l’absence de résultats, la crédibilité de la police et du procureur général serait une nouvelle fois mise à mal.
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