La révolution rouge

Les Israéliens connaissent bien l’alerte rouge, celle qui les prévient de l’imminence d’une attaque à la roquette. Mais d’ici moins de deux ans, le système aura entièrement fait peau neuve. Quand la technologie se met au service de la défense des citoyens

Des israéliens à l'abri des missiles (photo credit: REUTERS)
Des israéliens à l'abri des missiles
(photo credit: REUTERS)
La menace terroriste continue de peser sur Israël. Dans un avenir plus ou moins proche, les civils pourraient être de nouveau la cible des roquettes du Hamas ou du Hezbollah. Mais cette fois, l’alerte rouge se sera considérablement affinée.
Les sirènes seront beaucoup plus ciblées et ne retentiront que dans le quartier ou le bloc d’habitations menacé, épargnant au reste de la population frayeur ou vent de panique. Des alarmes dotées d’adresses IP se mettront automatiquement en marche : les résidents seront ainsi prévenus par leurs télévisions que leur domicile pourrait être sur le trajet d’un missile et recevront par texto sur leurs téléphones portables les directives de la Défense passive. Autre innovation : des écrans installés dans les rues avertiront les conducteurs de se mettre à l’abri.
Non, il ne s’agit pas là d’un scénario de science-fiction, mais bien de la réalité : ces technologies seront opérationnelles d’ici le deuxième semestre 2016 et révolutionneront la protection des citoyens israéliens face aux attaques.
Selon une source haut placée de la Défense passive – nommée S. pour préserver son anonymat – des efforts intensifs sont actuellement déployés pour améliorer le système d’alarme. Bientôt, explique-t-il, chaque sirène préviendra une zone géographique déterminée. Adieu l’ancienne technologie, qui alerte des villes entières et perturbe la vie de centaines de milliers de personnes.
A l’heure actuelle, la Défense passive, poussant le système au maximum de ses possibilités, a divisé Israël en 248 zones d’alerte, alors qu’il y a deux ans, leur nombre était de moitié.
D’ici 2016, Israël espère se débarrasser définitivement de ce système régional, pour le remplacer par une nouvelle technologie capable de traiter chaque sirène comme une alerte ciblée. Et ce n’est pas tout, en plus d’avertir les citoyens, certaines sirènes fourniront à Tsahal des informations concernant les impacts et les éventuels dommages de la zone touchée, grâce à un système de caméras et de capteurs.
Dotées de radars aériens plus performants, d’algorithmes qui calculeront les trajectoires des roquettes, et de systèmes de détecteurs électro-optiques améliorés, les alertes du futur seront donc plus ciblées et plus efficaces. « Aujourd’hui, elles sont précises à 98 % et se basent sur une ellipse projetée par nos ordinateurs autour des zones visées. Les ellipses se resserrent à mesure que le projectile approche », explique S. Mettre l’ensemble du système d’alerte sur une seule adresse IP pourra réduire le temps d’activation de l’alarme de 3 à 5 secondes à une seule. Seul bémol, le nouveau réseau aura évidemment besoin d’une cyberdéfense adaptée.
L’antidote à la menace des roquettes ?
Tout commence en 2012, quand la Défense passive et le corps C4i de Tsahal développent conjointement un nouveau système d’alarme qui se déclenche automatiquement à partir d’un éventail de capteurs. Le signal voyage à travers des ordinateurs puissants qui calculent la trajectoire du missile avec encore plus de précision, grâce à de nouveaux radars et de nouveaux algorithmes.
Jusqu’en 2012, les sirènes devaient être activées manuellement. Aujourd’hui, les capteurs envoient les données concernant les roquettes à un centre de contrôle informatisé qui les traite en quelques microsecondes et décide quelle sirène déclencher. « Le nouveau système dessinera une ellipse, par exemple autour d’Ashdod, et avertira qu’une roquette doit frapper la zone dans les 60 prochaines secondes. 10 secondes plus tard, il recevra de nouvelles informations sur la trajectoire du missile, redéfinissant la zone ciblée et alertant les résidents concernés pas la menace. Tout cela en l’espace d’une seconde à peine. » Pas besoin d’intervention humaine. Le système prendra des décisions automatiques et activera lui-même les téléphones, télévisions et radios.
« Nos ennemis essaient de contourner la supériorité de Tsahal et s'attaquent à la population. La portée des roquettes, leur précision et la taille de leurs ogives ne cessent de s'améliorer avec le temps. Or la défense aérienne ne peut pas intercepter tout ce qui est lancé. Ce n'est pas possible d'un point de vue économique. Ce qui nous reste donc pour nous défendre, ce sont les alertes et la discipline des civils. Notre mission est de permettre aux citoyens de réagir au bon moment selon les consignes parce qu'ils auront reçu une alerte ciblée et crédible. »
« L'objectif aujourd'hui est de ne pas excéder un blessé toutes les 10 000 roquettes, et de plafonner les coûts de la Défense passive à moins de 12 millions de shekels, un chiffre qui comprend les frais générés par l’interruption de l’économie », poursuit S. « Si nous parvenons à ces résultats, cela signifiera que nous aurons trouvé l’antidote à la menace des roquettes. »
Un protocole d’alerte multi-usage
Bien sûr, l’alerte rouge joue un rôle central dans la concrétisation de ces ambitions. « Si l’on parvient à procurer aux civils un avertissement efficace, et à les convaincre de suivre les directives de la Défense passive à la lettre, on arrive à sauver des vies. On en a déjà eu la preuve », précise-t-il.
Lors du conflit avec le Hamas l’été dernier, Israël a enregistré une moyenne d’un blessé sur 700 roquettes lancées. Pendant la seconde guerre du Liban en 2006, la moyenne était d’un blessé toutes les 10 roquettes. Il est certain que le Dôme de fer a révolutionné la défense aérienne. On lui doit ces résultats. Mais l’amélioration des alertes, qui permettra de donner aux civils assez de temps pour se mettre à l’abri, est également une des clés du problème. « Car sur les 20 000 roquettes et missiles aujourd’hui pointés en direction d’Israël, 80 % sont de courte portée », rappelle S. « Avec une alerte efficace, la menace de ces roquettes – qui ne peuvent être interceptées par la défense aérienne – sera largement atténuée. »
Le nouveau système pourra également être mis en application pour prévenir d’éventuels séismes. « Il s’agit d’un protocole d’alerte. Nous pouvons brancher des capteurs sur la faille afro-syrienne. Ils détecteront des ondes P, les ondes primaires, les premières à être enregistrées sur les sismogrammes. Et l’alerte sera donnée, 15 secondes avant une secousse. » La nouvelle technologie a déjà attiré l’attention d’un programme de la NASA, chargé des menaces que représentent des projectiles venant de l’espace.
Mais revenons à des dangers plus immédiats. L’alerte par SMS sera opérationnelle courant 2016. « Cela signifie, pour les citoyens, une plus grande liberté de mouvement. Les zones non concernées par une menace imminente ne seront pas perturbées. Une vraie révolution à l’échelle nationale. »