La vague rose éclabousse même en Israël

Législatives françaises : victoire absolue et sans précédent pour la majorité présidentielle du socialiste François Hollande. Dans l’Hexagone, mais aussi dans l’ensemble des pays étrangers. Dont Israël

Vue de l’Assemblée Nationale (photo credit: Reuters)
Vue de l’Assemblée Nationale
(photo credit: Reuters)

A l’issue du secondtour des législatives, le Parti socialiste et ses alliés des DVG (diversesgauches) ont obtenu 314 sièges au Parlement. La droite modérée menée par l’UMPn’a récolté que 229 sièges.

Dimanche 17 juin, dans l’ensemble des circonscriptions - celles de l’Hexagoneet celles situées hors du territoire français - les Français étaient invités àvoter.
Si on ajoute au PS les 17 sièges d’EELV (Europe Ecologie les Verts) et les 10du Front de Gauche, l’ensemble de la gauche rafle 343 sièges. Mais même sansces deux derniers apports, les socialistes ont acquis la majorité absolue à laChambre, une première depuis 1981 (la victoire de François Mitterrand). Et mêmel’ancien président socialiste a de quoi être jaloux, il n’avait jamais autantdétenu tous les centres de pouvoir comme c’est le cas aujourd’hui : leparlement, le Sénat, les régions, etc.

Victoire totale et sans appel donc. “Il y a une victoire nette du PS et unedéfaite nette de l’UMP”, a constaté le maire de Bordeaux et ancien ministre desAffaires étrangères, Alain Juppé.

Et pour cause : plusieurs figures historiques du sarkozysme n’ont pas réussi às’imposer : Michèle Alliot-Marie (MAM), Claude Guéant, Nadine Morano...
“Une bonne nouvelle”, pour le candidat à la présidentielle du Front de Gauche,Jean-Luc Mélenchon, éliminé au premier tour des législatives à Henin-Baumontdans le Pas-de-Calais. “Le peuple français ne veut pas de la droite... Ça nousmet dans un bon contexte en Europe, notamment face à Mme Merkel, la chancelièreallemande.”
Echec amer en revanche pour le centre, complètement écrasé : deux siègesseulement pour le MODEM de François Bayrou, parmi lesquels l’éternel candidat àla présidentielle (trois fois) ne figurera pas.
Même score pour le Front National de Marine le Pen, qui, avec 49,9 % des voix,n’est pas parvenu à s’imposer à Henin-Baumont, dans le Pas de Calais et devrase consoler en voyant siéger à l’Assemblée sa nièce, Marion Marechal-Le Pen, 22ans, benjamine de la Chambre et plus jeune députée de la 5e République ; et unautre candidat victorieux sous l’étiquette du FN, mais dont il n’est pasmembre.
Victoire ponctuée d’amertume

La députéesocialiste Elizabeth Guigou, nouvelle candidate à la présidence de l’Assemblée,après la défaite à la Rochelle de Ségolène Royal (défaite qui lui a inspiré unsentiment de “tristesse”, car “elle ne méritait pas ça”), s’est félicitée lundisur France 2 de l’écrasante victoire de son camp.

“L’ampleur du résultat nous a surpris. Je suis très heureuse que nous puissionsavoir les leviers du changement en main, [pour] les réformes de la constitutionannoncées, l’Europe, le vote des étrangers...” La veille, à l’annonce desrésultats, la première secrétaire du PS Martine Aubry a abondé dans ce sens :“Les Français ont amplifié la demande de changement”. Et le ministre desAffaires étrangères Laurent Fabius d’expliquer que la victoire “nous permettrade faire voter des lois du changement et d’agir en France et en Europe”.
Quant au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, il s’est adressé dans une allocutiontélévisée aux électeurs : “Vous nous avez accordé les moyens d’agir, vous avezchoisi la cohérence... Objectif : la réorientation de l’Europe vers lacroissance...”
Seule ombre au tableau de chasse du PS : la vague rose à l’Assemblée estentachée par l’échec de deux de ses icônes. Celui du ministre mythique de laCulture de Mitterrand, Jack Lang, et surtout celui, cuisant, de la candidatemalheureuse à la présidentielle de 2007 face à Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal,ex-compagne de François Hollande et mère de ses 4 enfants.
“Trahison politique... [mais] les traîtres finissent toujours par payer leurvictoire”, a-t-elle lâché devant les micros, en référence à l’homme qui l’abattue, le dissident socialiste Olivier Farloni, qui aurait bénéficié, autantde voix de droite que du soutien sur Twitter de la compagne actuelle deHollande, Valérie Trierweiler.
“C’est vrai que ça n’a pas arrangé les choses”, a admis Royal à propos del’intervention de sa rivale. Mais le mot de vérité concernant la passionariafrançaise semble revenir à David Pujadas de France 2 : “C’était (lors de ladernière présidentielle) ‘Tout sauf Sarko’, c’est devenu ‘Tout sauf Ségo’”.
Pas le droit à l’erreur

Ils étaient trois présidents potentiels en 2007 : Nicolas Sarkozy, SégolèneRoyal et François Bayrou. Pourront-ils rebondir ? L’ancien élu de Pau a admisque “les électeurs ont tranché” et qu’il “respecte” leur choix. Mais, met-il engarde, “il se passera peu avant que le peuple français ne comprenne lesimpasses vers lesquelles on l’a entraîné”.Comme lui, les ténors de la droite insistent sur ce qui attend la gauche aupouvoir et le pays tout entier. “Vous avez tous les pouvoirs, donc vous êtesresponsables et compatibles de tout”, a déclaré à la télévision l’ancienministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, alors que Henri Guaino, l’ancienneplume de Sarkozy, a préféré souhaiter “bonne chance à la France et au présidentde la République”.Une autre mise en garde est venue du Front National, qui fête une amèrevictoire : à peine 2 députés sur 577, une première depuis les temps glorieuxdes 55 députés poujadistes de 1956 (avec comme benjamin de l’Assemblée :Jean-Marie Le Pen, 27 ans) et des 35 des années 1980.Quoique non élue, Marine Le Pen, à qui plus de six millions de Français ontdonné leur voix lors de la dernière présidentielle, s’est félicitée qu’“au boutde 25 ans nous avons brisé le plafond de verre”, en allusion au mode de scrutinqui barre la voie, depuis 1986, à la représentativité du FN. Et d’appeler à“réunir une grande force d’alternative au socialisme” car “la recomposition dela vie politique en France est en marche”.Pour la jeune Marion, son succès à Carpentras a enfin “lavé l’honneur” de songrand-père injustement accusé dans les années 1980 d’avoir souillé le cimetièrejuif de la ville, selon elle. “Je suis heureuse d’être la porte-parole de cettejeunesse française”, a-t-elle par ailleurs déclaré.En conclusion, le sociologue Michel Wieviorka, a affirmé à la télévision queFrançois Hollande, qui a désormais les mains libres et bénéficie d’unehégémonie politique, “n’a pas le droit d’échouer”. “C’est fini maintenant lacampagne, le cycle commencé il y a un an à New York avec DSK”.Sur les 577 élus, 11 sont envoyés par les pays où vivent des binationaux. Israëlfait partie de la 8e circonscription qui comprend également l’Italie, leSaint-Siège, la Grèce, Chypre, Malte, Saint Marin et la Turquie. Fort de ses 60000 Français, l’Etat hébreu a eu l’honneur de rester en lice pour le secondtour avec une finaliste qui vit à Tel-Aviv, la socialiste DaphnaPoznanski-Benhamou, et une autre qui n’a pas fait son aliya tout en ayant toutesa famille ici, Valérie Hoffenberg, de l’UMP.La correspondante de France 2 à Athènes a rapporté dimanche soir qu’il y avaiten Grèce “beaucoup d’intérêt pour ces législatives, [qui constituent] un espoircontre l’austérité venue du nord de l’Europe”. Les Grecs qui se sont prononcésdimanche en faveur du maintien de leur pays dans la zone euro.Cette année, l’Assemblée nationale comptera donc dans ses rangs une citoyenneisraélienne. Daphna Poznanski- Benhamou siégera pour la première fois au PalaisBourbon.