Le délégué explique les très nombreuses difficultés rencontrées pour venir en aide aux détenus dans l’Allemagne nazie et surtout en Pologne… Surprise de l’assistance. Une femme se lève, et interrompt l’orateur : « J’étais déportée au camp de Mauthausen-Gusen. Des milliers de mes frères et sœurs y sont morts, les nazis nous forçaient, entre autres, à porter des charges trop lourdes pour nous dans des carrières dangereuses ». La dame poursuit d’une voix coléreuse « Vous, les Suisses, vous avez eu une conduite indigne, dont vous devez rendre compte. Au cours des longs mois que j’ai passés dans l’antichambre de la mort, pas une seule fois je n’ai vu l’ombre d’un représentant de la Croix- Rouge. Aucun secours, alors que nous étions dans le dénuement le plus total, aucun soutien à notre détresse sans fond. Vous nous avez complètement abandonnés. »Elle poursuit : « Quelques jours avant la libération de notre camp par les troupes américaines, alors que les malades et les morts se comptaient par milliers, vous êtes enfin arrivés avec quelques camions, qui ont reculé dans la cour, et du haut de leurs ridelles, vous nous avez lancé des colis comme on jette un os à un chien. Arrogants, vous n’êtes même pas descendus du véhicule. Pas une poignée de main, pas un mot de réconfort, vous êtes repartis sous l’œil grognard des gardiens SS de service, qui se demandaient s’ils n’allaient pas confisquer à leur profit cette manne providentielle. La soirée et une bonne partie de la nuit suivante, ce fut pire. Nous vous avons vus de loin festoyer dans les bureaux du camp avec nos tortionnaires SS. Vous buviez et nous vous avons même entendu chanter ensemble. Cette collusion avec les nazis fut pour nous désespérante. Votre présence ici est une provocation, vous n’avez pas votre place parmi nous. »L’essentiel de ce qu’a dit cette femme est parfaitement exact, et pourtant. L’intervention de la Croix-Rouge dans les camps de concentration de prisonniers civils a été trop tardive, mais, dès 1939, l’organisation va demander à de nombreuses reprises aux autorités allemandes la « permission d’entrer et de visiter » ces camps. Sauf très rares exceptions comme le camp « modèle » de Theresienstadt, la réponse du ministère des Affaires étrangères était : « Ces Israélites ont été déportés pour avoir essayé de porter atteinte à la sûreté de l’armée allemande, ils ne sont pas considérés comme des internés mais comme des criminels… ». C’est l’affaire de la Gestapo, personne ne peut rien pour eux. (Réponse au comité de la Croix-Rouge datée du 30 mai 1942) Le témoignage de cette ancienne déportée est identique à ceux de très nombreux prisonniers civils des nazis. La Croix-Rouge, totalement absente des camps et des ghettos, est très timide à raconter ce qu’elle a vu dans ses rares visites des camps… uSource : 50 idées reçues sur la Shoah, de Marc-André Chargueraud