Une loi aux contours flous

L’application de la nouvelle législation interdisant aux militants BDS d’entrer en Israël risque de souffrir des imprécisions du texte

BDS (photo credit: WIKIPEDIA)
BDS
(photo credit: WIKIPEDIA)
La nouvelle loi adoptée par la Knesset le 6 mars interdisant l’entrée en Israël aux activistes étrangers du BDS laisse plus de questions que de réponses sur son fonctionnement. Dans le texte, la nouvelle législation bloque l’accès au territoire à ceux qui appellent au boycott de l’Etat juif ou qui travaillent en ce sens. Mais cela inclut-il les étudiants juifs de gauche appelant au boycott d’Israël sur leur page Facebook ? Cela vise-t-il un individu ayant fait une petite donation à une organisation du BDS ? Les étrangers favorables au boycott des implantations, mais pas à celui de tout le pays, sont-ils concernés par la mesure ? Autant de points sur lesquels les différentes parties impliquées auront du mal à s’accorder.
C’est sans doute ce flou entourant la loi qui a poussé la députée du Camp sioniste Tzipi Livni à qualifier celle-ci de « nuisible pour Israël », en ajoutant qu’elle renforçait les boycotteurs. L’ancienne ministre de la Justice a notamment fait remarquer que quiconque souhaitait discréditer Israël continuerait à le faire efficacement en dehors du pays. Elle a également insisté sur le fait qu’Israël n’avait rien à cacher et qu’il ne devait donc pas craindre de laisser entrer ceux qui le critiquent. Pour finir, Tzipi Livni s’est dite nettement moins inquiète de savoir à qui la nouvelle législation allait s’adresser, que des dommages causés à l’image du pays comme société de libre-pensée.
A chacun son interprétation
Selon le Dr Amir Fuchs, chercheur à l’Institut israélien de la démocratie, la formulation de la loi ne semble impacter que les militants BDS les plus en vue, susceptibles d’avoir une réelle influence. Dans le même temps, le Dr Fuchs pointe que le texte est suffisamment flou pour inclure également toute une série d’activistes plus modestes qui interfèrent dans la coopération académique ou économique avec l’Etat juif. Autre point litigieux d’après lui : le fait que la loi paraît cibler de façon systématique tous ceux qui s’opposent aux implantations et prônent la solution à deux Etats, sans pour autant être contre Israël. Mais la plus grande source d’incertitude pour le chercheur provient du fait que la législation opère un glissement de l’acceptation initiale des boycotteurs avec la possibilité d’en refouler certains, à une position initiale de rejet. Ce qui présente le risque de voir des fonctionnaires zélés profiter du flou entourant le texte pour rejeter les arrivants à tour de bras – amenant ensuite ces personnes à plaider leur cause devant la justice.
L’un des principaux défenseurs du texte, le député Roy Faulkman (Koulanou), balaie les spéculations de ceux qui avancent que la loi s’applique à plus de personnes que les principaux activistes du BDS. « Ceux qui affirment cela n’ont pas lu le texte.
C’est de la pure démagogie. Quelqu’un qui a simplement posté un commentaire sur Facebook n’est pas visé », dit-il. Et d’indiquer que seuls les activistes membres d’une organisation qui s’emploie à délégitimer Israël, y compris par exemple les activistes de Human Rights Watch, sont concernés par la nouvelle législation. Le député précise par ailleurs que même dans le cas où une personne s’est vue interdire l’entrée en territoire israélien pour une période indéfinie, la mesure pourra éventuellement être partiellement levée de façon à permettre à l’individu d’assister par exemple à un colloque de deux ou trois jours. Roy Faulkman explique enfin que la loi ne bannit pas ceux qui s’opposent aux implantations, mais ceux qui participent à leur délégitimation. La critique, dénuée d’appel au boycott, est tout à fait acceptable, dit-il.
Il semble qu’il reviendra aux fonctionnaires subalternes du ministère de l’Intérieur de statuer sur les subtilités de la législation. Au risque de voir les recours se multiplier au sein des ministères et des tribunaux.
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