A tâtons

Laurent Fabius tente de relancer la machine des négociations de paix israélo-palestiniennes

Laurent Fabius et Benjamin Netanyahou (photo credit: REUTERS)
Laurent Fabius et Benjamin Netanyahou
(photo credit: REUTERS)
C’est par une conférence de presse à l’hôtel King David de la capitale israélienne que Laurent Fabius a clôturé une visite éclair de deux jours au Proche-Orient. Un véritable marathon diplomatique qui l’a mené du Caire en Jordanie, puis à Ramallah et enfin à Jérusalem. Dans les bagages du ministre français des Affaires étrangères, trois propositions visant à relancer le processus de paix israélo-palestinien, au point mort depuis un an. Pour Laurent Fabius, il s’agissait avant tout de tâter le terrain et de voir si les suggestions du Quai d’Orsay étaient susceptibles de recevoir un accueil favorable de la part des différentes parties.
C’est donc un ministre des Affaires étrangères au visage marqué par la fatigue qui est apparu face aux journalistes le dimanche 21 juin au soir, juste avant de reprendre l’avion pour Paris. D’emblée, Laurent Fabius s’est dit satisfait de ses discussions avec ses différents interlocuteurs, entretiens qualifiés de « fructueux et chaleureux ». Surtout, le chef du Quai d’Orsay a souligné l’accueil unanimement positif de l’idée selon laquelle la France pouvait jouer un rôle significatif dans les pourparlers de paix entre Israël et les Palestiniens. Car, même s’il s’en défend, prenant soin de saluer l’action de la Maison-Blanche, là est bien l’objectif du Quai d’Orsay : tenter de reprendre la main là où Etats-Unis ont échoué.
Afin de remettre en avant le caractère d’urgence de la situation, la rhétorique de Laurent Fabius s’est faite volontiers alarmiste ces derniers jours, ce dernier prédisant des risques de tensions voire d’explosion dans la région, si le conflit israélo-palestinien n’était pas réglé dans les plus brefs délais. Une préoccupation largement partagée par tous les dirigeants rencontrés dans la journée, selon le ministre.
Ainsi, malgré l’impasse de facto dans laquelle le processus de paix semble plongé, le chef du Quai d’Orsay l’affirme : « La France ne baisse pas les bras ». Cette volonté d’agir de l’Hexagone s’est donc exprimée à travers un panel de propositions afin d’assurer la reprise, et surtout la réussite, des négociations de paix. Des propositions qui, plus que les couleurs de la France, portent surtout celles du « bon sens » si l’on en croit Laurent Fabius.
Un plan en trois étapes
Parmi les idées soumises, trois axes se dégagent : tout d’abord, la reprise rapide des discussions entre Israéliens et Palestiniens. « Même si le chemin s’annonce difficile et que la méfiance subsiste dans chacun des camps, j’ai constaté avec satisfaction que ni Mahmoud Abbas ni Benjamin Netanyahou ne s’opposaient par principe à une reprise des négociations. Et les pourparlers directs sont l’unique moyen d’arriver au seul résultat viable, c’est-à-dire la solution à deux Etats, prônée à la fois par Israël et par l’Autorité palestinienne. »
En deuxième lieu, la France a suggéré que les discussions soient encadrées et accompagnées par un « comité international de suivi » composé de pays européens, de nations membres du Conseil de sécurité de l’ONU, mais également de pays arabes modérés comme l’Egypte. L’objectif de ce comité étant de fédérer toutes les bonnes volontés, mais surtout de veiller au bon déroulement des discussions et ce, jusqu’au sprint final. « L’expérience a montré en effet que les négociations ont souvent achoppé dans les derniers mètres, les plus difficiles, ceux qui requièrent les concessions les plus délicates », assure Laurent Fabius. « Par le biais d’une assistance internationale, nous pourrions ainsi encourager les parties dans la dernière impulsion du processus. »
Enfin, le Quai d’Orsay préconise une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur la résolution du conflit, tout en faisant preuve de prudence face à une démarche qu’il sait délicate : « Nous sommes d’accord avec le président Abbas pour dire qu’une telle résolution ne servirait à rien si elle devait se heurter à un veto, ou si elle ne devait pas être appliquée », a ainsi affirmé le ministre des Affaires étrangères. Et d’assurer qu’une résolution des Nations unies restait un moyen et non une fin qui ne saurait se substituer aux négociations directes. La France, qui, il y a quelques semaines encore, parlait d’imposer un calendrier de 18 mois, semble donc avoir adouci sa position.
Le chef du Quai d’Orsay a ensuite précisé, sans surprise, que l’écho rencontré par les propositions françaises avaient été plus enthousiaste côté palestinien. Mahmoud Abbas a semblé vouloir à tout prix montrer patte blanche, insistant sur le droit à la sécurité d’Israël et annonçant les couleurs du gouvernement d’union nationale qu’il s’efforce de mettre sur pied : « un gouvernement d’hommes et de femmes qui se montreraient engagés dans la paix avec Israël », a assuré Fabius, reprenant les termes d’Abbas.
Jérusalem, sur la défensive
Côté israélien, Benjamin Netanyahou avait habilement annoncé la couleur. Réagissant aux propositions françaises, ainsi qu’aux déclarations du chef du Quai d’Orsay qui avait affirmé « Quand les colonies israéliennes avancent, c’est la paix qui recule », le Premier ministre n’avait pas mâché ses mots dimanche, avant l’arrivée de son hôte : « Nous n’accepterons aucun diktat international », avait-il martelé.
Faisant fi de ces frictions, Fabius s’est félicité de ses échanges constructifs avec Netanyahou. Les deux hommes auraient ainsi abordé les questions aussi épineuses que concrètes touchant aux « colonies » mais aussi à la sécurité, le ministre français confirmant par ailleurs que des échanges avaient bien lieu entre Israël et le Hamas sur le prolongement d’un cessez-le-feu et certains accords d’ordre humanitaire.
Que peut-on attendre de ces discussions ? Au moment de répondre, Laurent Fabius se montre plus que circonspect, laissant entrevoir qu’il est encore tôt pour envisager une action concrète de la France : « Nous n’avons pas vocation à être des Don Quichotte », a-t-il dit. « Le dossier du processus de paix israélo-palestinien est extrêmement sensible et complexe. L’exercice est très difficile et nous n’avons aucune certitude ni aucune garantie de réussite. Cependant, je le dis et je le répète : il est toujours utile de travailler pour la paix, et nous allons faire de notre mieux pour apporter notre pierre à l’édifice. Certains diront que c’est trop peu, d’autres que nous sommes trop ambitieux, mais l’important est d’instaurer une dynamique dans le sens de la paix. »
Quant à l’éventuelle reconnaissance de l’Etat d’Israël par les Palestiniens, Fabius concède que « ce n’est pas la question la plus facile à traiter », avant d’affirmer qu’« il est possible de trouver des formules d’entente entre les parties ». Le terrain est ici on ne peut plus glissant, et le ministre n’a alors rien trouvé de mieux que de renvoyer la balle dans le camp israélien : « Il faudrait en premier lieu qu’Israël établisse ce que signifierait cette reconnaissance et ce qu’elle impliquerait : permettrait-elle par exemple aux juifs de bénéficier de plus de droits que les autres citoyens ? »
C’est sur le Mali et sa note d’espoir que Laurent Fabius a choisi de conclure : « Il y a deux ans, le Mali était sur le point de sombrer face à la menace djihadiste. Grâce à l’intervention de la France et sous l’égide internationale, le Nord et le Sud du Mali viennent de signer un accord de paix historique, preuve que les situations les plus tendues peuvent connaître un dénouement positif. » A bon entendeur… 
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