Une petite fille juive du nord de Londres

Après les musées juifs de Londres et Vienne, l’exposition Amy Winehouse arrive à Tel-Aviv. L’occasion de découvrir une jeune femme énergique et proche de ses racines juives

Amy Winehouse à ses débuts (photo credit: BEIT HATFUTSOT)
Amy Winehouse à ses débuts
(photo credit: BEIT HATFUTSOT)
Dans la large salle très lumineuse, au rez-de-chaussée du Musée de la Diaspora (Beit Hatfutsot) de Tel-Aviv, le tube planétaire d’Amy Winehouse, « Back to Black », tourne en boucle. La voix grave, un « don » selon les propres mots de la chanteuse, submerge dès les premiers pas avec la découverte de l’arbre généalogique des Winehouse.
Arrivé à la fin du 19e siècle de Biélorussie, l’arrière-grand-père de la chanteuse devait originellement gagner New-York mais s’est finalement installé au bord de la Tamise. Un préambule à l’exposition permet d’ailleurs de découvrir ces vies difficiles de Juifs, relégués dans des quartiers pauvres et malfamés de la mégalopole britannique. Témoignages, photographies, on comprend alors mieux les origines modestes de la chanteuse et son attachement à ses racines.
L’arbre généalogique surplombe un cahier de recettes juives, offert par son frère, Alex Winehouse, aujourd’hui curateur de l’exposition : « Amy était incroyablement fière de ses racines juives londoniennes. Nous n’étions pas religieux, mais nous respections les traditions ». Une tradition qui semble donc notamment s’incarner dans la cuisine, même si la jeune Amy rate régulièrement ses plats, aux dires de son frère. C’est le genre d’anecdotes drôles, légères, qui ponctuent l’exposition et peignent une Amy Winehouse bien en chair, en vie, loin des clichés morbides des derniers jours de la chanteuse.
Deuxième étape de l’exposition, un mur couvert de vinyles illustre l’amour pour la musique, et surtout le jazz, de la jeune fille, intérêt partagé par son frère. Certains disques ont été offerts par les parents Winehouse, eux-mêmes passionnés.
Une excentrique amoureuse de sa ville
Cette ferveur musicale apparaît très tôt chez Amy, qui exprime alors son désir d’intégrer une école de musique londonienne, la Sylvia Young : tout au long de l’exposition, on retrouve des citations extraites de son examen d’entrée, son désir de se produire sur scène… et un certain dédain pour les cours répétitifs qu’elle découvre une fois à l’école ! Elle rêve d’une relation directe avec la musique, pouvoir chanter autant qu’elle le souhaite, dans une expérience quasi-spirituelle : « il n’y a rien de plus pur que notre relation avec Dieu », explique-t-elle, se référant au gospel. Au bout de deux ans, Amy abandonne les cours et l’uniforme de l’école, dont le pull rouge est présenté à côté du formulaire de demande de bourse.
L’uniforme scolaire n’est d’ailleurs pas le seul vêtement présenté dans l’exposition : de nombreuses tenues de scène de la chanteuse sont rassemblées, offertes par de grandes marques ou simplement chinées aux puces londoniennes. Amy exprime une véritable passion pour la mode des Fifties et des Sixties, robes courtes à carreaux, hauts talons féminins, mais apprécie également les shorts confortables pour traîner à la maison !
Son excentricité vestimentaire passe inaperçue dans les rues colorées de Londres, sa ville qu’elle parcourt librement depuis son enfance, instruite par son père chauffeur de taxi : une grande carte de la capitale montre les lieux qu’elle préférait, bars où elle se produit à ses débuts, boutiques de vêtements ou son école.
Impossible de ne pas être ému devant ces objets personnels, qui racontent qu’Amy Winehouse a aussi été une petite fille rebelle à l’école, une collectionneuse de vinyles, puis une assidue des concerts – en témoignent le grand nombre d’accès pour des festivals ou des concerts, rassemblés par son frère.
Puis les premières affiches pour les tournées de la chanteuse, d’abord en Angleterre, en Europe, dans le monde entier enfin.
Jamais sombre, jamais voyeuriste
Mais l’envol de l’oiseau Winehouse est rapidement interrompu ; deux cages à oiseau vides, achetées par Amy sans jamais accueillir d’occupant, sont suspendues au plafond de la salle. Dessous, reposent les trophées gagnés par la chanteuse pour son talent, parfois à titre posthume comme le Grammy Award.
Avant de pénétrer dans la dernière partie de l’exposition, une grande photographie attire le regard. Amy regarde, droite et fière, pleine de vie. Aucune mention n’est faite, au cours de l’exposition, de ses problèmes d’alcool ou de drogue ; on comprend simplement que la chanteuse était indépendante, parfois rebelle, et a peut-être voulu tester tout ce que la Terre pouvait lui offrir.
Enfin, dans une petite salle à part, une vidéo tourne en boucle : Amy Winehouse est sur scène, en 2008, et chante son tube planétaire, Back to Black, en musique de fond pendant toute l’exposition. Les visiteurs restent là, hypnotisés par le talent qui s’en dégage, l’énergie féroce, les tatouages et la crinière brune.
« Ce n’est pas un sanctuaire ou un mémorial pour une personne décédée… C’est un instantané de la vie d’une jeune femme qui était, au plus profond de son cœur, une petite fille juive du nord de Londres, bourrée de talent et qui voulait, plus que tout, être fidèle à son héritage ». Cette citation du frère d’Amy Winehouse ouvre et clôt l’exposition, dont une partie des bénéfices sont reversés à la fondation Amy Winehouse qui vient en aide aux jeunes souffrant d’addictions. Les mots laissés par les visiteurs s’exposent également à côté de la sortie.
Ils témoignent de leur amour pour la chanteuse, mais également de leur satisfaction envers l’exposition : jamais sombre, jamais voyeuriste, elle permet de mieux comprendre l’artiste, mais surtout la fillette qui se cachait derrière ses robes courtes et sa voix grave. Des photos de famille rassemblées dans une grande valise à l’arbre généalogique stylisé, un véritable « portrait de famille » à travers le prisme d’une chanteuse dotée d’un véritable don.
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