Natalie Portman raconte Amos Oz

Elle vient de présenter son premier film en tant que réalisatrice : Une histoire d’amour et de ténèbres, adapté du roman autobiographique d’Amos Oz. Entretien avec la star que la Croisette s’est arrachée

Natalie Portman à Cannes (photo credit: REUTERS)
Natalie Portman à Cannes
(photo credit: REUTERS)
Elle a illuminé le tapis rouge. Tout au long de ce festival, son nom était partout. On a parlé des prochains rôles qu’elle s’apprête à incarner – ceux de Jackie Kennedy et Ruth Bader Ginsburg, la première femme juive à devenir membre de la Cour suprême américaine. De son mariage avec le chorégraphe français Benjamin Millepied, directeur artistique à l’Opéra de Paris. Mais surtout de son film.
Natalie Portman était à Cannes pour présenter Une histoire d’amour et de ténèbres, adapté du roman autobiographique d’Amos Oz. Un nouveau challenge pour la star israélo-américaine de 33 ans qui y endosse toutes les casquettes : réalisatrice, actrice mais aussi scénariste.
Il y aurait tant de sujets à aborder avec Natalie Portman que je sais déjà la frustration qui sortira de notre brève rencontre. Car à Cannes on ne plaisante pas avec les médias et les règles sont strictes : pas plus de 20 minutes d’interview.
Un rôle en hébreu
Le projet de ce film lui tenait à cœur depuis de nombreuses années et a mis huit ans à se concrétiser, confie Portman. Au départ, elle ne pensait pas jouer dans le film et encore moins le réaliser. « Je voulais faire appel à quelqu’un pour l’écrire, mais les scénaristes à qui j’en ai parlé m’ont tous dit : “Tu devrais écrire le film toi-même, tu as une idée très précise de ce que tu veux”. Je me suis donc mise à l’écrire petit à petit », raconte-t-elle. « Pour le rôle de Fania, j’avais pensé à une actrice israélienne, mais j’ai vite compris que personne ne financerait mon premier film en tant que réalisatrice s’il n’était pas un tant soit peu commercial. Sans compter que j’avais atteint l’âge d’être crédible dans le rôle de la mère d’un jeune garçon. »
Dans Une histoire d’amour et de ténèbres, Natalie Portman est donc à la fois devant et derrière la caméra. Elle incarne la mère d’Amos Oz, qui s’est suicidée quand son fils avait douze ans. Un rôle poignant qu’elle interprète intégralement en hébreu.
Natalie Portman est née en Israël. Elle a déjà joué en hébreu dans le film d’Amos Gitai Free zone en 2005. Mais le rôle de Fania demandait un niveau de langue plus élevé. « Mon hébreu est assez bon, mais je fais quand même beaucoup de fautes. Avant de commencer à tourner je me suis donc préparée avec un professeur », explique l’actrice. « J’ai dû aussi travailler dur pour me défaire de mon accent américain ». Et d’expliquer que ses progrès en hébreu lui ont permis de se rapprocher encore de l’œuvre d’Amos Oz et de l’aborder avec plus d’intensité. « J’ai fini par connaître chaque ligne du script sur le bout des doigts. Je crois que je n’ai jamais aussi bien maîtrisé un rôle que celui-là. Et heureusement, car étant aussi derrière la caméra, je n’avais aucun moment pour rentrer chez moi et réviser mon rôle. En un sens ce qui m’apparaissait comme une difficulté a donc finalement facilité mon travail. »
Face à de telles prouesses, on serait tenté de croire que Natalie Portman aime les défis. Ce qu’elle réfute dans un éclat de rire : « En réalité, je suis juste très naïve. Je me lance dans quelque chose et quand je réalise l’ampleur des difficultés, il est trop tard pour reculer ! J’ai vécu la même chose avec le film Black Swan. Je n’avais aucune idée en acceptant le rôle de tout ce que cela impliquait. Quand je m’en suis rendu compte, je n’avais plus le choix, il fallait que j’y arrive. »
Des sentiments familiers
Une histoire d’amour et de ténèbres est d’une mélancolie bouleversante. Le film dépeint le Jérusalem des années quarante, juste avant et juste après la création de l’Etat d’Israël. L’action se focalise sur l’enfance du jeune Amos, interprété par Amir Tessler. Une enfance marquée par la fragilité mentale de sa mère, Fania. Au cœur du long-métrage, l’émouvante interprétation de Natalie Portman, qui explique se sentir proche de ce personnage par bien des aspects : « En tant que juifs, nous avons tous un lien avec Israël à la fois fort et compliqué, un lien nourri, pour beaucoup, de rêves et de mythes. Nous avons tous aussi le poids de la Shoah dans notre histoire et notre culture. Et je sais aussi les pressions endurées quand on est une femme et une mère. Enfin, j’imagine très bien le sentiment douloureux qui habite souvent les nouveaux immigrants qui idéalisent une terre et qui, une fois arrivés, se retrouvent confrontés aux difficultés de la réalité. »
L’une des scènes les plus marquantes du film est celle où Fania se gifle violemment à la suite d’une altercation avec sa propre mère. « C’est le privilège de la réalisatrice », raconte l’actrice en souriant. « Après la première prise, j’ai dit : “Je pense que c’est bon”. Un autre aurait pu me demander de rejouer la scène jusqu’à ce que ma joue soit bleue. »
La jeune réalisatrice affirme avoir voulu aborder l’œuvre d’Amos Oz avec sobriété. « Je n’ai pas cherché à provoquer de sentiments chez le spectateur », dit-elle. Même s’il ne s’est pas rendu à Cannes, Amos Oz soutient sans réserve le film. « Sa générosité et son accueil chaleureux étaient essentiels pour moi », conclut l’actrice.
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