Nelson Mandela : hommages contrastés

A l’heure où le monde entier salue le combat du dirigeant sud-africain, Shimon Peres et Binyamin Netanyahou ne se rendront pourtant pas à ses obsèques. Les dessous de cette absence.

P4 JFR 370 (photo credit: Reuters)
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Depuis son décès, le 5 décembre à l’âge de 95 ans, NelsonMandela a fait l’objet de nombreux hommages. Dans sa mort, Madiba, l’homme connupour avoir éclairé la signification du mot « pardon », aura mêmeréussi à réunir deux anciens rivaux français. Le président François Hollande aen effet décidé d’inviter son prédécesseur Nicolas Sarkozy à se joindre à lui àl’occasion de son voyage officiel en Afrique du Sud. Les deux hommes devaientrendre un hommage commun à l’ex-président sud-africain lors d’une cérémonieofficielle, organisée à Soweto dans l’immense stade de Soccer City, mardi 10décembre.

Le président américain Barack Obama et sa femme Michelle,ainsi que l’ex chef d’Etat américain Georges W. Bush, devaient être du voyage.

Le leader de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, quivoit en Mandela un « symbole de la libération du colonialisme et del’occupation pour tous les peuples aspirant à la liberté » a égalementannoncé qu’il serait présent lors de l’événement solennel. Comme lui, desdizaines d’autres dirigeants devaient rendre un dernier hommage à Mandela.

Une semaine de deuil national a en outre été déclarée enAfrique du Sud.

En Israël également, les déclarations encensant le PrixNobel de la Paix ne se sont pas fait attendre. « Le monde a perdu un grandleader qui a changé la face de l’Histoire. Nelson Mandela était un combattantdes Droits de l’Homme, qui a posé son empreinte sur la guerre contre ladiscrimination et le racisme », a ainsi témoigné le président ShimonPeres. Le Premier ministre Binyamin Netanyahou a, quant à lui, affirmé :« Nelson Mandela était le personnage le plus honorable de notre époque. Ilétait le père de son peuple, un homme avec une vision, un combattant de laliberté qui avait rejeté la violence. »

Une absence notable

Cependant, à la surprise générale, Netanyahou et Peresont annoncé qu’ils ne se rendraient pas à l’enterrement du pacifiste. La raisonévoquée est économique. Le coût du voyage serait trop élevé, atteignant plus de7 millions de shekels, pour le seul déplacement du Premier ministre.

Par ailleurs, les relations entre le symbole de la luttecontre l’apartheid et l’Etat hébreu n’ont pas toujours été cordiales. NelsonMandela avait eu des propos pour le moins équivoques, le 20 octobre 1999,devant le Conseil législatif palestinien à Gaza : « Il est inutileque les Israéliens parlent de paix tant qu’ils continueront à contrôler les territoiresarabes qu’ils ont conquis durant la guerre de 1967. Il faut choisir la paixplutôt que la confrontation, sauf dans les cas où nous ne pouvons rien obtenir,où nous ne pouvons pas continuer, où nous ne pouvons pas aller de l’avant. Sila seule solution est la violence, alors nous utiliserons la violence. C’esttoujours l’oppresseur, non l’opprimé, qui détermine la forme de la lutte. Sil’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que derépondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitimedéfense ».

Selon des propos recueillis en 1999 par Steve Linde,rédacteur en chef du Jerusalem Post, Mandela reprochait également à l’Etathébreu d’avoir « collaboré très étroitement avec le régime del’apartheid ». « Mais il n’a pas participé à des atrocités »,avait-il timidement rectifié.

Alon Liel, ancien ambassadeur d’Israël en Afrique du Sudde 1992 à 1994 a, pour sa part, déclaré au quotidien Yediot Aharonot que« suite à sa libération de prison, le pacifiste lui-même avait faitcomprendre aux Israéliens, compromis avec le régime ségrégationniste, que lanouvelle Afrique du Sud souhaitait qu’ils accordent aux Palestiniens “leurdroit à la liberté” ».

Israël fait partie des rares pays qui avaient ouvertementcritiqué les positions de Nelson Mandela, notamment sur le dossier palestinien.« S’il approuvait l’idéologie sioniste dans son principe, il estimait quela paix au Proche-Orient passerait par une solution à deux Etats avec lesPalestiniens, pour éviter, selon ses termes, qu’Israël devienne un “Etatd’apartheid” binational […] », analyse Linde.

Dans ce contexte, même si elle est motivée par desraisons financières, l’absence de Netanyahou et Peres ne devrait pas passerinaperçue.

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