Lapid déchante

Comment l’enfant chéri des urnes est devenu l’ennemi public numéro 1 de la classe moyenne en moins de 2 mois.

JFR P6 370 (photo credit: Marc Israël Sellem/The Jerusalem Post)
JFR P6 370
(photo credit: Marc Israël Sellem/The Jerusalem Post)

Un prophète, Barack Obama ? Lors de sa visite au mois de mars, leprésident américain a été accueilli à l’aéroport Ben-Gourion par une rangée deministres fraîchement nommés. Obama, qui avait visiblement bachoté ses notes, aeu un mot personnel pour chacun.
Et une attention particulière pour le nouveau ministre des Finances, YaïrLapid. « Ma femme dit toujours : “Prends garde à tes désirs, car ils pourraientbien se réaliser” », a souri le président.
Deux mois plus tard, Lapid est bel et bien aux prises avec le rêve devenuréalité. L’enfant chéri des urnes est devenu l’homme que l’on adore détester :un véritable punchingball politique. La semaine dernière, un sondage d’Aroutz 2révélait que pour 50 % des Israéliens, sa nomination au ministère des Financesétait une erreur et que 28 % des électeurs de Yesh Atid ne comptaient pasrevoter pour lui. Puis une étude publiée ensuite par le journal Haaretzenfonçait le clou : seuls 19 % des sondés se disaient satisfaits de l’action duministre, tandis que 53 % s’en déclaraient mécontents.
Jeudi 16 mai, le nouvel élu tentait de faire bonne figure au micro de la radiomilitaire. Les deux ou trois mandats perdus virtuellement par son partiprouvent la résistance de Yesh Atid, a voulu croire Lapid. Et de balayer d’unrevers de la main l’idée que le Premier ministre Binyamin Netanyahou auraitcherché à torpiller sa carrière politique en lui confiant le portefeuillefinancier.
« J’ai entendu parler de ces théories conspirationnistes », a déclaré Lapid. «Personne n’a cherché à me duper. On m’a confié l’opportunité, que j’ai méritéeen remportant 19 mandats parlementaires, de changer le visage du pays. L’Etattraverse une période difficile et mon défi consiste à le relever. J’en suis très heureux ».
En 2006, l’ancien Premier ministre Ehoud Olmert avait été accusé de nommer AmirPeretz au ministère de la Défense pour lui porter préjudice politiquement. Maissi l’ancien travailliste ne savait rien de l’establishment militaire avantd’accepter le poste, Lapid, lui, s’est formé auprès d’experts économiquespendant plus d’un an avant de prendre les commandes du Trésor. Et,contrairement à Peretz, qui vivait sous la menace d’un retour d’Ehoud Barak,Lapid contrôle son parti et est considéré comme le ministre le plus puissant dugouvernement.
Des journées de 20 heures 
Un ami de longue date affirme aujourd’hui quel’ancien journaliste n’en veut ni à la presse ni à l’opinion israélienne de lejuger trop rapidement. Et se dit convaincu que Lapid surmontera cette mauvaisepasse et fera ses preuves sur la durée. « On place la barre haut, mais on saitqu’il n’y a pas de formule magique », commente le confident du leader.
« On fait confiance aux Israéliens pour comprendre qu’on ne peut pas toutchanger en 2 mois et qu’il faut avant tout mettre un terme à la crisebudgétaire. Lapid conserve son calme, comme lorsque les sondages ne luidonnaient plus que 6 sièges à un moment donné de la campagne.
Il ne stresse pas outre mesure, il est cool. » Cette même source admet tout demême que la manifestation devant la demeure des Lapid, au nord de Tel-Aviv, aheurté la famille.
Mais le ministre, poursuit-il, continue de travailler 20 heures par jour, vasouvent se coucher à 3 ou 4 heures du matin, et ne renonce jamais, pour autant,à son entraînement matinal quotidien.
Celui qui passe un temps considérable avec Lapid tient à préciser que l’élu n’ajamais semblé regretter son choix d’accepter le portefeuille des Finances, aulieu des Affaires étrangères. « Lapid sait très bien qu’il aurait pu aller enChine, boire des cocktails et se faire chouchouter par la presse », ironise leconfident. « Il sait qu’il aurait gagné en popularité aux Affaires étrangères.Mais il a préféré un poste où il est impossible de contenter tout le monde. Ill’a accepté parce qu’il avait envie de changer les choses. Et chaque jour quipasse le persuade de la justesse de son choix ».
Un candidat parmi d’autres 
Haaretz a récemment affirmé que l’équipe de Lapidsouhaite le porter à la tête de l’Etat d’ici deux ans. Faux, rétorque son ami.Selon lui, le ministre aspire à passer 4 ans aux Finances afin de faire sespreuves et connaît la valeur de la stabilité gouvernementale. « Notre actionprendra du temps et des élections anticipées sont une mauvaise chose, enparticulier pour l’économie. Lapid ne se cache pas de vouloir se présenter dans4 ans. Mais il sera un candidat parmi d’autres. » Difficile pour l’instant deprédire qui seront ces candidats.
Le sondage de la semaine dernière, réalisé au moment où étaient révélées lesfolles sommes consacrées aux résidences du Premier ministre, montre que lesIsraéliens ne sont pas davantage satisfaits de Netanyahou qu’ils ne le sont deLapid. Le ministre de la Défense Moshé Yaalon, dont la cote de popularité seporte mieux, pourrait bien se servir de son poste comme d’un tremplin vers lacourse. Quant à l’ancien chef d’état-major Gaby Ashkénazi, il vient d’ouvrirune page Facebook, ce qui équivaut souvent à une entrée en politique de nosjours.
Mais le président Obama ne s’en est pas tenu à la sagesse de son épouseMichelle, lors de l’échange sur le tarmac. Il a également affirmé à Yaïr Lapid: « Nous aurons souvent l’occasion de travailler ensemble ». Prophète, BarackObama ? 
« Les allocations ne font que perpétuer la pauvreté » 
Israël est le paysle plus pauvre de l’OCDE. Yaïr Lapid réagit au rapport désastreux paru lasemaine dernière.
La réponse à la pauvreté ? L’emploi. C’est ce qu’a martelé le ministredes Finances Yaïr Lapid. L’élu avait organisé un chat sur Facebook afin derépondre directement aux questions des internautes, alors qu’il est attaqué detoutes parts en raison de son budget qui n’épargne pas la classe moyenne, commeil l’avait pourtant promis au cours de sa campagne électorale.
Dans ce contexte déjà tendu, la publication du rapport de l’OCDE en fin desemaine dernière a fait l’effet d’une bombe. Israël est l’Etat le plus pauvredes pays développés, affirme l’Organisation de coopération économique en sebasant sur les données disponibles pour l’année 2010.
Jeudi 16 mai, Lapid avait déjà déclaré au micro de la radio militaire que « cene sont pas les allocations qui freinent la pauvreté, mais le travail ». Et desouligner que deux secteurs de la population contribuent à la pauvreté généraleplus que tous les autres : les ultraorthodoxes et les Arabes israéliens. « Ilest triste que ces 2 groupes soient prédéfinis comme pauvres », a déclaré leministre, arguant que le plan de budget 2013-2014 et les réformes à venirpousseront massivement ces catégories vers le marché du travail.
« J’ai touché aux harédim comme jamais auparavant », a poursuivi le ministre,faisant allusion aux allocations familiales qui bénéficient surtout auxultraorthodoxes, avec un taux de natalité 4 fois supérieur à la moyenneisraélienne. « Une allocation familiale, c’est quoi ? C’est se dire : “J’ai desenfants, mais c’est quelqu’un d’autre qui paie la note”. Mais qui paie ?Quelqu’un d’autre qui a aussi des enfants, et qui donne son argent pour laprogéniture des autres. » Le Rambam était aussi médecin Ces coupes dans lesallocations auront donc pour conséquence de pousser les parents vers le marchédu travail, a prédit Lapid, ajoutant que la responsabilité du gouvernement neconsistait pas à financer les familles, mais à fournir une solide éducation àla jeunesse ainsi qu’une bonne expérience militaire. « Les allocationsn’empêchent pas la pauvreté, elles ne font que la perpétuer », a-t-il lancéJeudi soir, au cours du chat Facebook, un des internautes, se présentant commeun étudiant de yeshiva à temps plein, s’est plaint des restrictionsbudgétaires, affirmant qu’elles laisseraient sa famille sur le carreau et quesa femme allait devoir divorcer afin d’obtenir des aides réservées aux foyersmonoparentaux. « Il y a aussi une autre possibilité », a immédiatement ripostéLapid, « que vous vous mettiez au travail ». Et de noter que 10 heures detravail hebdomadaires permettraient à cet homme de remédier à l’absenced’allocations.
« Le Rambam était aussi médecin », a-t-il rappelé en référence à Maïmonide, «et cela ne l’a pas empêché d’être le Rambam. » Le ministre a poursuivi sonoffensive alors que de nouvelles manifestations ont eu lieu samedi soir àJérusalem et Tel- Aviv pour la deuxième semaine consécutive, même si la fouleétait nettement moins nombreuse cette fois-ci.
Répétant sur tous les tons qu’à terme, la classe moyenne bénéficierait dunouveau budget, Lapid a souligné à maintes reprises que les personnes âgées ouhandicapées et les rescapés de la Shoah étaient épargnés par les restrictions, tandisque l’Etat continuait d’investir dans l’éducation. Et promis que les nombreusesréformes économiques à venir réduiront le coût de la vie.