Betar Jérusalem : le racisme persiste

L’arrivée de 2 joueurs musulmans tchétchènes dans le célèbre club de foot hiérosolomytain suscite la colère de certains fans. Violences et slogans racistes se succèdent.

1302JFR05 521 (photo credit: Nir Elias/Reuters)
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(photo credit: Nir Elias/Reuters)
Les émeutes au Betar Jérusalem ont été largement désapprouvéesau sein du pays, et pourtant. Certains supporteurs du club persistent etsignent. Dimanche 10 février, lors d’un match au stade Teddy de la capitalecontre l’équipe israélo-arabe de Bnei Sakhnin, ils ont crié aux joueursmusulmans de « rentrer chez eux ». La rencontre s’est conclue par un match nul: 2-2.
Ces deux dernières semaines, plus de 20 supporteurs ont été arrêtés pour avoirattaqué le personnel de sécurité du Betar, jeté des pierres sur les véhiculesdes joueurs et, dans le cas le plus extrême, mis le feu aux bureaux de l’équipesur son terrain d’entraînement, dans le quartier de Bayit Vegan à Jérusalem.
Motif : une partie de ces fidèles ne supporte pas que deux joueurs musulmans deTchétchénie, Dzhabrail Kadiyev et Zaur Sadayev aient été récemment engagés parle club.
« Je ne suis pas raciste, je n’aime pas les Arabes » 
« Nous ne voulons pasd’Arabes, nous ne les aimons pas. Pendant 70 ans, Betar n’a pas eu de joueursarabes, Jérusalem restera pure à jamais », criait Nati Hadjaj, 16 ans, àl’extérieur du stade. « C’est un fondement de l’équipe », s’est-il justifié. «C’est horrible qu’il y ait des joueurs musulmans dans l’équipe. Je voudrais quetous les Arabes meurent », a lancé Avner Yericha, un résident de la capitale de28 ans. « Je ne suis pas raciste, je n’aime pas les Arabes, c’est tout », aajouté un autre fan de 16 ans, qui a refusé de donner son nom.
D’autres supporteurs ont cependant tenu à souligner que ces vues extrémistes nereprésentaient pas la majorité des fidèles du club. « C’est vraiment honteux,cela salit la réputation de Betar », a déploré Reout Moshé, de Kiryat Gat.
« Il faut arrêter ces supporteurs, cela délégitimise l’équipe ».
La police a escorté les énergumènes les plus agités en dehors du stade avantmême le début du match. « Tout le monde te hait, Itzik Kornfein, ta mère estune pute et tu es un bâtard ! », a entonné la foule, immédiatement après avoirchanté l’hymne israélien, Hatikva, en visant le président du club. Des « Mort àArkadi », le propriétaire du Betar, se sont également fait entendre.
En signe de soutien aux joueurs tchétchènes ainsi qu’à la direction de l’équipede foot, le maire de Jérusalem Nir Barkat, la ministre de la Culture et desSports Limor Livnat et le maire de la capitale de Tchétchénie, Grozny, sontvenus assister à la rencontre. Kadiyev s’est fait huer à chaque fois qu’il atouché la balle tandis qu’il s’échauffait sur le terrain à la mi-temps.
Blessé, le second joueur, Sadayev, n’était pas présent.
Au total, la police a évacué plus de 75 fans des deux équipes pour incitationet slogans racistes. Par la suite, des cris de « Betar pure à jamais ! » et «Mort aux Arabes » se sont fait entendre ici ou là mais, dans l’ensemble, larencontre était plus calme que les précédentes depuis le début de la polémique.
Indignations
L’Association israélienne de Football a ordonné au Betar Jérusalemde faire fermer les tribunes est du stade Teddy, traditionnellement réservéesaux supporteurs les plus enragés dont le groupe fanatique « La Familia », commepunition pour avoir déroulé une immense bannière le 26 janvier où il étaitinscrit « Betar pure à jamais ». A la place, le club avait fait installerd’énormes panneaux exprimant son opposition aux récents événements. « Laviolence et le racisme ? Pas sur nos terrains ! » pouvait-on y lire.
Pendant ce temps-là, les tribunes à proximité entonnaient : « Ta mère est unepute ! Ta mère est une pute ! », à destination des fans de Bnei Sakhnin.
A l’extérieur du stade, avant le début du match, une cinquantaine de personnesdu mouvement antiraciste Bright Tag (« éclairés ») manifestaient sous labannière « Jérusalem tolérante à jamais ». Le nouveau député Mickey Levy (YeshAtid) s’est également fermement opposé à ces actes racistes. « Il y a entre 500et 1000 individus qui pourrissent l’ambiance », s’est-il indigné. « Ces actionsont un impact au niveau international. Ce n’est pas bon pour le sportisraélien, pour Betar Jérusalem et pour l’Etat d’Israël. Nous devons fairetarir le racisme à sa source ».
Levy, ancien commandant de la police de Jérusalem de 2000 à 2004, a préconiséaux tribunaux d’interdire aux hommes jugés pour incitation raciste d’assisteraux matches de l’équipe pendant 3 ans, au lieu de la sanction habituelle d’uneseule saison. La manifestation en faveur de la tolérance s’est délibérémenttenu loin des supporteurs, afin d’éviter les affrontements.
Le maire-adjoint de Jérusalem, Pepe Alalu s’est également élevé contre cesévénements. Faisant référence aux attaques contre de jeunes Arabes à l’été2012, il a déclaré que la violence commençait d’ores et déjà à contaminerd’autres secteurs de la population.
Pour Alalu, l’Association israélienne de football devrait interdire tout matchà domicile du Betar de Jérusalem pour punir les supporteurs, et faire jouerl’équipe à Tel- Aviv et à Natanya uniquement. L’élu a également relevé quedimanche marquait le 30e anniversaire de l’assassinat de l’activiste de La Paixmaintenant, Emil Grunzweig.
« C’était il y a 30 ans et on s’est dit ‘Ok, il y a des violences’ mais nousn’aurions jamais cru que quelqu’un allait être tué », s’est-il remémoré.
« Cela va recommencer… La police a peur, les joueurs ont peur, les fans ontpeur et la direction de Beitar a peur ».