Un modèle pour les Druzes et les Juifs

Hamed Amer est le seul député druze de la Knesset actuelle. Il explique comment se combinent son attachement à sa culture et sa passion pour Israël.

P14 JFR 370 (photo credit: DR)
P14 JFR 370
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En regardant les posters qui ornent les murs de la maison desjeunes, on pourrait croire que l’on se trouve dans le local d’un mouvement dejeunesse sioniste comme un autre. Il y a le texte encadré de la Déclarationd’Indépendance signée en 1948, les paroles de l’Hatikva, et les portraits dejeunes soldats de Tsahal morts en défendant le pays au cours de ses nombreusesguerres et opérations militaires ou dans des attentats terroristes. Pourtant,cette maison des jeunes présente certaines particularités qui ne peuventéchapper à un œil avisé : près du drapeau bleu et blanc frappé de l’étoile deDavid, un autre drapeau est accroché au mur, de cinq couleurs celui- là :rouge, jaune, vert, bleu et blanc.
C’est le symbole de la religion druze, un monothéisme assez confidentiel quicompte en Israël 120000 fidèles arabophones. Dans leurs villages, situés dansles hauteurs de la Galilée, on forme la prochaine génération dans le respect dela foi druze et dans la perspective de devenir des citoyens fiers de contribuerau développement de l’Etat d’Israël.
La maison des jeunes en question se trouve à Peki’in, village à grande majoritédruze abritant 5 200 habitants loyaux à Israël. Tout comme dans les 15 autresagglomérations druzes de la région, les responsables communautaires proposentaux jeunes des activités extrascolaires de qualité et riches en signification.
Plus de 12 000 enfants d’âge scolaire, répartis dans 19 groupes locaux,appartiennent au Mouvement de Jeunesse Druze d’Israël. Ils se réunissentpresque chaque jour, encadrés par des lycéens qui tiennent le rôle d’animateurssous la supervision d’adultes. Ils apprennent ainsi ce qu’est leur culture touten acquérant une fierté nationale israélienne. Le mouvement a été fondé en 2001par Hamed Amer, député du parti russophone Israël Beiteinou, actuellement leseul Druze élu à la Knesset. Il y a 12 ans, il avait décidé de mettre sur piedun programme pour occuper les enfants druzes de Shfaram, son village, aprèsl’école. Objectif ? Leur permettre de se relier à leurs racines, d’intégrerd’importantes valeurs sociales et de développer des compétences de dirigeant.
De fiers combattants 
A 47 ans, Amer en est à son deuxième mandat et à sacinquième année de Knesset. Il nous accorde une interview à la Maison desjeunes de Peki’in, autour d’un café turc et de chocolat. « Les enfants »,affirme-t-il, « savent que je suis le directeur de leur mouvement de jeunesseavant d’être député. » Surtout, ils le respectent : quand nous passons dans lesdifférentes salles où ils sont absorbés dans des travaux manuels, ilss’arrêtent et se lèvent pour lui serrer la main.
« Quand je veux faire une pause et me vider l’esprit, c’est ici que je viens »,raconte cet homme marié et père de trois enfants. « Comme je n’ai pasd’horaires fixes dans mon travail, j’essaie d’être avec ces enfants pendantleurs activités et de les accompagner dans leurs sorties chaque fois que je lepeux. » Aujourd’hui, les 100 jeunes du centre de Peki’in sont occupés àpréparer une sortie éducative et de loisirs dans le Golan, prévue la semaineprochaine. Salman Fadoul, lycéen de 18 ans et animateur, passe le plus clair deson temps libre à encadrer des adolescents de 13 à 17 ans, animateurs euxaussi. Il vient ainsi au centre trois fois par semaine parce que, dit-il, celalui donne la possibilité de participer à la transmission des traditions druzes.«Si les petits n’apprennent pas notre culture, elle va finir par se perdre »,explique-t-il. Fadoul veut terminer ses études de médecine avant de faire sonservice militaire dans Tsahal. Il estime important d’instiller aux jeunesl’envie de contribuer à la vie de la communauté tout en ayant des prioritésprofondes. Son père a pour sa part fait carrière dans l’armée israélienne, oùil a assuré diverses fonctions pendant 26 ans.
Selon Amer, près de 100% des enfants et animateurs membres de son mouvement dejeunesse sont résolus à intégrer les rangs de Tsahal. « Non seulement ilss’enrôlent, mais leur pourcentage dans les unités d’élite est supérieur à celuide toutes les autres communautés du pays», déclare-t-il, non sans fierté. Ilajoute qu’en tout, 84 % de la communauté druze d’Israël s’engage dans Tsahal,ce qui en fait le groupe le plus important, en pourcentage, à s’enrôler chaqueannée.
« Quand on sait donner, on reçoit » 
A la Knesset, Amer est membre de laCommission des Finances. Il travaille à l’introduction d’une énergie verte,plus écologique, et cherche à améliorer la sécurité routière en Israël. Maisbien sûr, le projet qui lui tient le plus à cœur, en tant que seul députédruze, est l’amélioration de la vie quotidienne de sa communauté.
«Plus de 90% des Druzes vivent en dessous du seuil de pauvreté», soupire-t-il.Pourtant, son but n’est pas d’augmenter le montant des allocations. « Je suisconvaincu, tout comme mon parti, que lorsqu’on contribue à la marche de lasociété et que la société en tire des bénéfices, on en profite forcément aussi.» Le député du groupe Israël Beiteinou déclare en outre que « c’est un honneurde payer sa dette à ce pays, cela procure une impression de sécuritépersonnelle. Je crois aussi que mon parti peut être un foyer chaleureux pourbeaucoup d’autres communautés en Israël. » Plus que tout, c’est cettephilosophie du « quand on sait donner, on reçoit » qu’il espère instiller auxenfants de son mouvement de jeunesse. « Même si eux-mêmes ont peut-être besoind’être aidés, il est important de leur apprendre à aider les autres, qui sontparfois encore plus en difficulté », explique-t-il, ajoutant que les enfants dumouvement distribuent chaque mois 3 000 colis de nourriture à des famillesnécessiteuses.
« En outre, nos centres ont toujours de la nourriture dans leurs réfrigérateurset ils fournissent des repas chauds. Certains enfants n’ont pas de quoi mangerchez eux et arrivent affamés après l’école. Je veux qu’ils se sentent ici chezeux, qu’ils y trouvent une atmosphère chaleureuse, comme si nous étions leurfamille. » Amer Ali, assistant parlementaire à la Knesset et vice- président dumouvement de jeunesse druze, donne un autre exemple d’aide à son prochain : aucours de la seconde guerre du Liban, raconte-t-il, alors que les villagesdruzes du nord se trouvaient sous le feu des tirs de missiles, les enfantscontinuaient à se réunir, afin de rester actifs pendant cette périodedifficile. Ils en profitaient pour préparer 200 colis de Ravitaillement parjour pour les soldats de Tsahal postés à la frontière, avec de la nourriture,des chaussettes chaudes et d’autres objets, pour participer eux aussi àl’effort de guerre. Amer renchérit : pendant l’opération Pilier de Défense àGaza, le mouvement de jeunesse druze a invité des groupes de jeunes Juifs dusud à venir s’amuser quelques jours dans le nord, afin de respirer un peu etd’échapper pour un temps aux tirs incessants de roquettes.
Parler au nom d’Israël Par ailleurs, le mouvement propose des programmesspéciaux destinés aux enfants handicapés de la communauté, et d’autres auxorphelins qui ont perdu l’un de leurs parents alors qu’ils défendaient le pays.Il souligne que le centre de Peki’in dispose d’une salle réservée aux activitéspour les enfants malvoyants ou malentendants. MouniraAliestunejeunefilledruzede19ansquieffectueson service militaire dans le centre du pays. Elle y exerce le rôled’éducatrice pour enfants malvoyants. Mounira est elle- même aveugle et sapropre expérience lui permet de mieux comprendre ceux dont elle s’occupe.
«Je travaille avec une vingtaine de gosses, deux fois parsemaine»,explique-t-elle.«Ce centre, que j’ai moi- même fréquenté petite, avantde devenir éducatrice et de pouvoir ainsi rendre ce qu’on m’a donné, est unendroit très chaleureux, où j’ai toujours ressenti avec intensité monappartenance à ma communauté. » Amer, qui a commencé sa carrière comme avocat,préside également l’Association israélienne des Arts martiaux. Il est lui-mêmeceinture noire et semble en excellente forme physique. Outre toutes cesactivités, il aimerait bien consacrer davantage de temps, dans le cadre de sonmandat de député, à aller parler de la réalité israélienne à l’étranger.
Il prend actuellement des cours d’anglais intensif et espère atteindre unniveau qui lui permettra de voyager et de parler au nom d’Israël dans diversescommunautés. « Je veux m’impliquer dans la “hasbara” (diplomatie publique),afin que les gens comprennent ce qu’est réellement Israël », s’exclame-t-il. Ilestime que s’exprimer ainsi en tant que Druze et répandre un message positifsur Israël pourrait vraiment contribuer à changer la perception qu’ont les gensde la vie quotidienne dans le pays. « Notre amour pour cette terre vient dufait que nous nous y sentons chez nous. C’est une chose qui a commencé avantmême la création de l’Etat », répond-il à ceux qui s’étonnent de le voiréprouver une telle passion pour Israël. Outre la connaissance de leur culturedruze, c’est cet amour d’Israël qu’Amer espère transmettre par le biais dumouvement de jeunesse. «Quand nous faisons des sorties, le drapeau d’Israëlnous accompagne partout », affirme-t-il. « Il fait partie de notre identité,parce que nous appartenons tous à la même famille. »