1917, la bataille de Beershéva

Des célébrations en grande pompe. Le 31 octobre prochain marquera le centenaire de la conquête de Beershéva.

Un bombardement aérien (photo credit: CAPITAINE F. HURLEY/STATE LIBRARY OF NEW SOUTH WALES)
Un bombardement aérien
(photo credit: CAPITAINE F. HURLEY/STATE LIBRARY OF NEW SOUTH WALES)
Pourquoi cet événement est-il si spécial ? La bataille de Beershéva a constitué la première grande victoire de la Grande-Bretagne, lors de la Première Guerre mondiale. De quoi redorer le blason britannique, alors lourdement entaché par quatre défaites contre l’armée turque. L’échec des Anglais à prendre les Dardanelles avait d’ailleurs conduit Winston Churchill à démissionner de son poste de Premier Lord de l’Amirauté. C’est lui qui avait voulu lancer une invasion navale à Gallipoli. Mais l’initiative s’était soldée par 400 000 victimes des deux côtés et une retraite ignominieuse des Alliés.
L’armée britannique avait aussi essuyé une défaite humiliante en Irak (la Mésopotamie d’alors) pour s’être retrouvée encerclée et contrainte de se rendre aux Turcs lors de la bataille de Kout. Enfin, sous la houlette du général Archibald Murray, elle avait été violemment battue à deux reprises lors des campagnes pour Gaza.
Murray avait certes essayé de faire bonne figure et de camoufler sa défaite humiliante en annonçant un bilan humain à son avantage, et en qualifiant l’opération de « très réussie » où seuls « le brouillard et le peu d’eau du pays avaient sauvé l’ennemi d’une débâcle totale ».
Mais le conseil de guerre ne le voyait pas ainsi. Murray fut démis de ses fonctions et remplacé par le général Edmund Allenby, désormais aux commandes de ce qui était devenu « le corps expéditionnaire égyptien ». Surnommé « le costaud » pour sa grande taille (il mesurait 1,94 mètre) et son comportement audacieux, Allenby reçut des consignes claires du Premier ministre britannique David Lloyd George, un sioniste baptiste gallois : prendre Jérusalem à Noël, en guise de cadeau au public anglais.
Allenby va alors adopter une nouvelle tactique, la tromperie militaire : endormir l’ennemi et le laisser croire qu’il s’apprêtait à suivre l’exemple de Murray et à lancer un troisième assaut majeur sur Gaza. Mais au lieu de cela, secondé par un juif palestinien et un officier du renseignement sioniste chrétien, Allenby, en chef militaire, avait décidé de dévier du sud et d’attaquer Beershéva. « C’est là que se trouve l’eau », lui avait dit Aaron Aaronsohn, un agronome de Zikhron Yaakov, dont les recherches avaient décelé de grandes réserves aquifères cachées sous la chaude terre du Néguev. Et comme il le fera remarquer à un Allenby réceptif, sans eau suffisante pour ses centaines de milliers de combattants, ses dizaines de milliers de chevaux et de chameaux, et ses véhicules motorisés, aucune chance de gagner la campagne de Palestine.
Aaronsohn connaissait aussi les sentiers et les oueds pour permettre aux troupes d’Allenby de se frayer un chemin de l’Egypte vers Beershéva en avançant à couvert, et sans s’enliser dans les sables
mouvants du désert.
Les Turcs, en plein leurre
Richard Meinertzhagen était un officier du Renseignement britannique bravache, qui devint un ardent sioniste. A son actif : une série de stratagèmes pour faire croire aux Allemands et aux Turcs qu’Allenby prévoyait d’attaquer à nouveau Gaza, en présentant la menace d’une attaque sur Beershéva comme un leurre. Entre autres méthodes, il s’était amusé à rouler près des lignes turques, pour attirer l’attention et être pris en chasse poursuite. Pris pour cible des tirs turcs, il avait alors fait semblant d’être touché, laissant tomber une sacoche recouverte de sang avant de s’enfuir, faisant mine d’être blessé. La sacoche contenait ce qui semblait être des plans militaires secrets et des cartes montrant les positions défensives turques à Gaza, ainsi qu’une fausse lettre, dans laquelle un officier écrivait à sa bien-aimée, à Londres, lui annonçant son prochain départ pour Gaza.
La tromperie avait fonctionné. Selon les rapports fournis par la sœur d’Aaron, Sarah – seule femme à diriger un réseau d’espionnage en territoire ennemi pendant la guerre – Allenby avait rapporté avoir vu les Turcs renforcer leur garnison de Gaza.
La bataille de Beershéva commencera le 31 octobre 1917. Au milieu de l’après-midi, aucun progrès notable n’avait été accompli. Allenby observait à la jumelle l’avancée de ses troupes, entouré de ses généraux, d’une colline surplombant le sud de la ville. Tous attendaient une éventuelle défaite, ou un retrait des forces, avant la tombée de la nuit. L’ordre fut alors donné aux 4e et 12e brigades australiennes de cavalerie légère de lancer la charge contre les tranchées défensives de l’ennemi. 750 cavaliers, baïonnettes au poing, prirent le départ en trois lignes successives, sur 4,8 km de terrain découvert. En dépit d’un feu nourri et des obus d’artillerie dirigés contre eux, ils réussirent à se rapprocher des rangs ennemis.
Les cavaliers de tête, ceux qui avaient survécu aux tirs, sautèrent sur les fantassins turcs, dans les tranchées. Leur travail consistait à prendre la ville et ses quelques puits d’eau. A leur suite, les deuxième et troisième lignes de cavaliers ont défié les Turcs dans des combats en duel, croisant la balle contre la baïonnette.
C’était la dernière grande charge de cavalerie de l’histoire militaire. Grâce à leur énorme courage, les soldats d’Allenby avait triomphé, Beershéva était prise, et cette bataille allait paver la voie pour la libération de la Palestine et la chute de l’Empire ottoman. Mais aussi, pour l’avenir de la Terre d’Israël.
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