Frédéric Zeitoun déroule sa vie en chansons

Dans L’histoire enchantée du petit juif à roulettes, l’animateur de France 2 règle son compte avec humour et dérision à une trajectoire peu linéaire. Le 12 novembre en Israël

Frédéric Zeitoun (photo credit: DR)
Frédéric Zeitoun
(photo credit: DR)
Cela fait deux ans qu’il arpente, sur son fauteuil, les scènes françaises. Avec son spectacle L’histoire enchantée du petit juif à roulettes, Frédéric Zeitoun a su toucher juste. Ce populaire animateur de France 2 et parolier à succès fait l’unanimité, et suscite les élans de tendresse de la presse et du public. Les critiques sont dithyrambiques. « Un humour tendre et léger, parfois noir, jamais amer, sur un parcours pavé de défis depuis la naissance. Un show au bon tempo d’où l’on ressort ému, et le sourire aux lèvres », pour L’Express. « Il nous embarque joyeusement dans son spectacle, sans nous faire regretter une seconde d’avoir réservé un fauteuil », s’amuse Le Canard enchaîné. « Un chanteur sobre, juste dans son interprétation et le phrasé des mots », selon Le Monde.
Si on osait un jeu de mots facile, on pourrait dire que son spectacle – qu’il vient jouer le 12 novembre en Israël – marche comme sur des roulettes. On peut se le permettre, car Frédéric Zeitoun est bien le premier à dégainer les calembours et autres boutades sur sa condition de handicapé : « Lorsque je suis né, je crois que les fées étaient toutes bourrées, c’était pas gagné. » Le ton est donné. Zeitoun emporte son spectateur dans une comédie musicale haute en couleurs sur la condition humaine, les facéties de la vie, cette drôle d’existence où la différence n’est pas toujours une chance. Il se sert de son parcours personnel comme d’une béquille pour aller explorer l’universel.
La vie, l’école, la banlieue
Son histoire à lui, il est vrai, avait bien mal commencé. Né en 1961, Frédéric Zeitoun voit le jour lourdement handicapé dans une ville de Tunis dépourvue de structures médicales adaptées pour opérer un nourrisson. Ses jours sont en danger. Son père débarque en France, son bébé sous le bras. « L’opération a réussi, et 54 ans plus tard, je peux vous en parler », résume Frédéric Zeitoun qui passera la première année de sa vie à l’hôpital. Sa mère et ses deux sœurs aînées traversent à leur tour la Méditerranée en décembre 1961, et la famille réunie s’installe à Aulnay-sous-Bois.
Le jeune Frédéric découvre alors « la vie, l’école, la banlieue à risque ». Ses parents « élèvent leurs enfants avec de petits moyens, mais énormément d’amour », particulièrement vigilants à ce que « personne ne tourne mal ». Une famille traditionaliste, « plus proche du Mouvement libéral qu’autre chose », profondément juive. Une éducation et une pratique ouvertes. Avec, en relief, le cérémonial du vendredi qu’il retrace dans son spectacle : « une véritable fête familiale, d’autant plus que les autres soirs, c’était pas top top. Papa travaillait en usine, on vivait en HLM. La seule journée en couleur de la semaine, c’était le vendredi, c’était la famille, l’amour, l’entraide, la tradition ».
Verticalisé jusqu’à l’âge de 18 ans grâce à des cannes et des appareils de marche très contraignants, il se souvient des insultes qui font mal, « car les enfants tapent là où c’est le plus visible ». « Outre le fait d’être juif, nous n’étions pas nombreux à Aulnay-sous-Bois à cette époque, j’avais aussi la particularité de devoir me déplacer avec une motricité différente », raconte-t-il.
Si l’émotion s’impose quand Frédéric Zeitoun revient sur son parcours, le rire n’est jamais longtemps absent du discours de cet optimiste à toute épreuve, qui a su trouver les clés pour se jouer des fées.
Un petit coin de ciel
En 1994, après un troisième cycle en droit d’auteur, un premier 45T resté confidentiel, des années comme concepteur-rédacteur pour Europe 1 et des dizaines de chansons écrites pour d’autres, il rencontre Jacques Martin, qui va lui ouvrir « un petit coin de ciel ». « Il a été déterminant pour moi. Il m’a prouvé qu’on pouvait faire de la télé quels que soient son physique et sa condition physique ». Au terme de quatre années du rendez-vous dominical Ainsi font, font, font, il rejoint les équipes du matin de William Leymergie et Sophie Davant en tant que chroniqueur culturel.
Parallèlement, ce passionné de musique et amoureux des mots continue d’écrire. Pour les autres. Il s’immisce dans des univers aussi divers que ceux de Frédéric François (son idole depuis toujours, aujourd’hui, un ami), Zaz (« une très chouette récente rencontre »), Louis Bertignac (« j’avais un trac fou à l’idée d’écrire pour lui, c’est un univers très rock ») et tant d’autres. Mais aussi pour lui. Depuis six ans, il s’amuse sur scène, comme il aime à dire. D’abord avec son premier spectacle Toutes les chansons ont une histoire, monté en 2009 et repris en 2012, puis avec L’histoire enchantée du petit juif à roulettes, qu’il a interprétée à plusieurs reprises depuis 2013. Au programme : des textes qu’il a coécrits avec François d’Epernoux, et des musiques signées par Charles Aznavour, Marc Fichel, Chico et les Gypsies… Sur scène ils sont trois, chanteur, comédien ou instrumentiste, à manier tour à tour la dérision sur des thèmes parfois durs, sans jamais tomber dans le misérabilisme. « On peut parler de tout, sans tabou », affirme Frédéric Zeitoun.
En Israël
Son spectacle, il le considère un peu comme un hymne à la vie. Une fête. Un retour aux sources qui prendra toute sa valeur en Israël. Une bonne partie de sa famille sera là, ses sœurs, son fils, qui auront fait le déplacement de France, mais aussi un oncle, des cousins et des proches de sa femme installés en Terre promise. « Je pense que j’aurais du mal à jouer », pointe Zeitoun, « je parle de mon enfance, mais j’espère aussi parler de l’enfance de beaucoup de gens ». C’est bien évidemment à ses parents, aujourd’hui tous deux disparus, qu’il pensera en premier lieu.
Israël, il y vient régulièrement. S’il se déclare totalement inscrit dans la vie de la cité en France, il revendique un lien très fort avec l’Etat hébreu. « J’aime la France, je suis un citoyen français, et je suis juif. Mais ce n’est pas parce qu’on est un citoyen français à part entière, qu’on n’a pas le droit d’avoir des positions et de soutenir Israël. » Aucun problème pour lui, donc, d’associer son nom à une structure qui vient en aide aux soldats de Tsahal. Au contraire. C’est au profit de l’ASI qu’il se produira à Tel-Aviv le 12 novembre prochain. Il se réjouit de prêter main-forte à Gil Taieb, à qui il voue une réelle estime : « La générosité, il ne fait pas qu’en parler. Il passe son temps à essayer de rendre la vie des autres plus belle. »
S’il ne veut pas tout dévoiler de son show, Frédéric Zeitoun concède toutefois quelques anecdotes, comme une parodie d’Enrico Macias, qu’il se permet d’égratigner. Affectueusement. Amusé par la séquence, Macias l’a invité à proposer un résumé du spectacle – la partie chantée – en première partie de ses représentations à l’Olympia, les 16 et 17 janvier prochains.
De quoi faire un pied de nez aux fées mal intentionnées qui se sont penchées sur son berceau. Frédéric Zeitoun s’est d’ailleurs réconcilié avec elles, avec la venue de la cinquantaine et de la paternité, « une chose essentielle ». Bien sûr, tout n’est pas parfait, « mais qui peut se vanter d’avoir tiré un carré d’as à la naissance ? », plaide-t-il. Désormais, il peut se permettre de chanter avec humour : « Je me fous de ceux qui me mettent des bâtons dans
les roues ». 
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