Appeler les choses par leur nom

Le monde entier exprime sa révulsion devant les carnages. Et après?

La mairie de Tel-Aviv aux couleurs de la Grande-Bretagne, après l'attentat de Manchester (photo credit: REUTERS)
La mairie de Tel-Aviv aux couleurs de la Grande-Bretagne, après l'attentat de Manchester
(photo credit: REUTERS)
Un concert, et beaucoup de jeunes, de très jeunes même.
Ils, et surtout elles, sont venus écouter leur idole, une chanteuse américaine guère plus âgée que son public. Le terroriste qui les attend à la sortie, prêt à déclencher sa charge mortelle, n’a que 22 ans. Il est né en Grande-Bretagne et y a grandi ; ses parents, venus de Libye, y étaient venus chercher asile. Il n’hésite pourtant pas un instant devant ces garçons et ces filles, dont certains étudient peut-être comme lui à l’université de la ville. Après tout, ce ne sont que des infidèles qu’il est de son devoir de tuer, pour lui qui est un soldat de l’Etat islamique. Il laissera la vie dans cette affaire ? Qu’importe, les portes du paradis d’Allah s’ouvriront devant lui. Le monde entier – ou presque – a exprimé sa révulsion devant le carnage. La tour Eiffel a été plongée dans le noir par solidarité.
A des milliers de kilomètres de là, des hommes encagoulés armés jusqu’aux dents surgissent sur une route désertique et ouvrent le feu sur un petit convoi de pèlerins, des coptes chrétiens en route vers un monastère pour y célébrer la fête de l’Ascension. Bilan : une trentaine de morts, dont un bébé de deux ans, et autant de blessés. Leur besogne accomplie, les tueurs sont repartis tranquillement. L’Etat islamique a revendiqué l’opération, qui fait partie de ses efforts pour « purifier » l’Egypte de ses infidèles – la minorité copte qui représente 10 % de la population. Là encore, le monde entier – ou presque – a exprimé sa révulsion devant le carnage. La tour Eiffel a été plongée dans le noir par solidarité.
Tandis que le gouvernement anglais traquait les complices du terroriste de Manchester et remontait une filière qui menait à la Libye, l’aviation égyptienne bombardait à plusieurs reprises les camps dont venaient les assaillants. Des camps situés aussi en Libye. Les familles endeuillées enterrent leurs morts, les blessés sont à l’hôpital, dans d’excellentes conditions en Angleterre où ils ont même reçu la visite de Sa Majesté, et nettement moins bonnes en Egypte. Demain ou après-demain on n’en parlera plus. Et on évitera soigneusement de montrer du doigt les dérives de l’enseignement du Coran. Surtout ne pas dire que les fanatiques de l’Etat islamique ne font qu’appliquer un islam pur et dur tel qu’il était vécu aux origines. Surtout ne pas dire qu’en Egypte, aujourd’hui encore, les coptes sont trop souvent traités en citoyens de seconde zone et qu’ils sont en butte à l’hostilité de musulmans qui sont égyptiens, comme eux. Surtout ne pas dire qu’à travers toute l’Europe, des imams fanatisés enflamment une jeunesse qui ne trouve pas ses marques dans une société libérale et démocratique si différente de leurs traditions. Et encore moins reconnaître que l’on ne donne pas aux forces de l’ordre les moyens de faire leur travail. Ainsi le 26 mai, en France, une patrouille de militaires Sentinelle a été attaquée et caillassée près de Corbeil par dix jeunes encagoulés. S’il n’y a pas eu de blessés parmi les soldats, ceux-ci n’ont pas réussi à appréhender les jeunes.
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