Jeux de princes

Alors qu’Alep ploie sous les bombardements, l’Occident démontre une fois de plus son impuissance

Après les bombardements sur Alep, le 27 septembre (photo credit: REUTERS)
Après les bombardements sur Alep, le 27 septembre
(photo credit: REUTERS)
En Syrie, des avions perfectionnés tournoient comme des charognards autour de la ville d’Alep martyrisée, avant de retourner tranquillement à leur base. Ils déversent la mort au quotidien, n’épargnant personne, ni les femmes, ni les vieillards, ni les enfants. Ils ciblent hôpitaux et convois humanitaires, points d’eau, lignes électriques. Gaz toxiques, barils d’explosifs, bombes à fragmentation ; ceux qui les envoient ne sont pas regardants sur les moyens. Ils savent qu’ils peuvent agir en toute impunité. Que risquent-ils ? Qui viendrait les déranger ? Il s’agit de faire comprendre le plus rapidement possible à la population sunnite d’Alep, naguère la ville la plus peuplée du pays, qu’il est temps d’abandonner leurs maisons en ruines, leurs quartiers dévastés, les morts encore sous les décombres, et qu’il leur faut déguerpir au plus vite pour faire place aux alaouites fidèles au régime. Ce qu’en d’autres lieux on appellerait un nettoyage ethnique.
Curieusement, au même moment, les représentants de toutes les nations du monde sont réunis à New York dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies. Ils ne peuvent pas ne pas savoir, ne pas voir les images atroces qui passent en boucle sur les écrans géants de leurs télévisions. Ils ne peuvent pas avoir déjà oublié l’image de ce petit garçon hébété, ensanglanté et couvert de poussière, miraculeusement sorti des décombres, qui a fait la une de tous les journaux du monde il y a quelques semaines. Seulement ils n’ont guère le temps de s’en occuper. Que voulez-vous, il y a quelque 190 délégations sur place, et chacune a son agenda. Alors entre rencontres bilatérales, tables rondes, déjeuners, cocktails, dîners et autres réceptions, elles sont tellement sollicitées ! D’ailleurs, que pourraient-elles bien faire ? Surtout que l’exemple vient de haut. Les pays arabes frères sont étrangement silencieux, l’Iran dont l’influence grandit, se frotte les mains. Il y a bien eu une diplomate américaine pour oser traiter les Russes de barbares. Ils n’ont pas dû beaucoup s’émouvoir de cette démonstration d’impuissance de la première puissance mondiale.
Le secrétaire général des Nations unies, lui, a profité de cette grande rencontre annuelle pour appeler à la reprise des négociations en vue d’élaborer une nouvelle trêve humanitaire. Il s’est déclaré choqué par l’escalade des frappes et a demandé à la communauté internationale de s’unir pour envoyer un message clair au gouvernement syrien, et lui faire savoir que ladite communauté « ne tolérera pas l’usage indiscriminé d’armes de plus en plus puissantes contre les civils ». Des propos honteusement creux ; il sait très bien que les instances internationales ne feront rien. Et il prend bien soin de menacer le gouvernement syrien, qui en a entendu d’autres et qui a d’autres préoccupations, sans mentionner le pouvoir russe dont les avions font le plus clair du travail. Il ne faut pas trop en demander à ce haut fonctionnaire de l’ONU pourtant en fin de mandat. Il a réservé l’essentiel de son éloquence et de son indignation au conflit israélo-palestinien, dont il rend Israël seul responsable. On notera tout de même qu’en un peu plus d’un siècle ce conflit et les guerres qu’il a entraînées sont bien loin d’atteindre l’effarant bilan de cinq ans de combats en Syrie, qui s’alourdit de jour en jour et représente une catastrophe humanitaire sans précédent
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