Le terrorisme, arbitre de la course à la Maison-Blanche

Les questions sécuritaires pourraient déterminer le choix du prochain président américain

Donald Trump (photo credit: REUTERS)
Donald Trump
(photo credit: REUTERS)
Le terrorisme est un moyen d’atteindre des objectifs politiques en inspirant la peur. Si les attentats ne permettent pas de gagner des guerres ou de renverser des régimes politiques, la peur qu’ils engendrent chez les citoyens les pousse à rechercher des solutions radicales pour se protéger. Des attaques en série visant un pays sur une courte période, ou même un seul attentat d’importance, peuvent avoir une influence sur le comportement général d’une société ainsi que sur les actions de ses dirigeants.
La démocratie à l’épreuve
Après un attentat d’envergure ayant causé de nombreuses victimes, les Etats se précipitent pour mettre en place de nouvelles lois. Ces textes donnent généralement aux forces de l’ordre des moyens d’agir qui leur étaient jusque-là refusés au nom de la protection de la vie privée des citoyens ou de l’éthique, et attribuent de plus gros budgets aux services de sécurité. Après une attaque, la priorité est le plus souvent donnée aux actions de représailles à l’encontre des instigateurs de l’attentat et de leurs soutiens. En prenant ce genre de décision, les gouvernements se contentent de respecter la « volonté du peuple », ou en tout cas ce qu’ils perçoivent comme étant l’attente du public.
C’est à cet instant post-attentat que le « dilemme démocratique » du contre-terrorisme prend tout son sens, au moment où la nécessité de combattre la terreur avec efficacité rencontre un autre besoin, celui de protéger les valeurs d’une société libérale. Pourtant, il y a là un paradoxe, car les démocraties sont les régimes les plus susceptibles de réagir à outrance. Elles ont pour base, en effet, un contrat social dans lequel le gouvernement, élu par le peuple, s’engage à préserver la cité et à assurer la sécurité de ses citoyens. Ces derniers aspirent à la stabilité. Celle-là même que les terroristes cherchent à perturber.
Après un attentat, la dernière chose que le public veut entendre est que la situation d’instabilité risque de durer, qu’une réaction trop importante pourrait avoir des répercussions inattendues, ou encore que certaines des mesures envisagées contrediraient les valeurs de la nation. Le contrat social, généralement établi en période de paix ou de calme relatif, passe alors un véritable test à la lumière des attentats.
L’impact sur la vie politique
S’ils tardent à prendre les mesures qui s’imposent pour prévenir de nouveaux actes terroristes, les gouvernements en place prennent le risque de laisser certains éléments extrémistes s’imposer dans le débat public. Ces extrêmes arguent qu’eux n’hésiteront pas, et qu’ils détiennent les solutions pour rétablir l’ordre et la sécurité. Qu’il s’agisse de paroles en l’air ou de véritables plans d’action, les électeurs préféreront se reposer sur ce genre de promesses, plutôt que sur une gouvernance qui leur apparaît alors comme hésitante et faible. Les exemples ne manquent pas. Dans de nombreux pays, des attentats ont déjà influé sur le cours de la vie politique.
Retour en Israël, quelques mois avant les élections de 1996. Le soutien populaire pour les partis de droite est au plus bas, après l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin en novembre 1995. Mais la tendance s’inverse après une série d’attentats suicides, en février et mars 1996. Ces attaques favorisent l’élection du candidat de droite Benjamin Netanyahou face à son rival travailliste Shimon Peres. Idem en 2001. Ariel Sharon l’emporte sur Ehoud Barak à la suite de l’échec des négociations de Camp David et du déclenchement de la seconde Intifada.
L’histoire se répète en Espagne en 2004. Les attentats de Madrid revendiqués par al-Qaïda ont lieu trois jours seulement avant les législatives, et entraînent la victoire inespérée de la gauche emmenée par Zapatero sur le camp du Premier ministre Aznar. Apparemment, les attaques terroristes ont poussé des indécis ou d’éventuels abstentionnistes à se déplacer pour voter en faveur l’opposition. D’autres ont probablement changé leur choix à la dernière minute. Le cas de l’Espagne est d’autant plus intéressant que la droite est à l’époque engagée aux côtés des Américains en Irak. L’arrivée de la gauche au pouvoir précipitera le retrait du pays de la coalition, signant là une véritable victoire politique pour al-Qaïda. Mener la politique la plus dure contre le terrorisme ne suffit donc pas à être élu après une attaque. En général, le peuple montre sa désapprobation du gouvernement sortant, préférant qu’une autre politique soit essayée pour gérer la crise. Une étude menée par Martin Gassebner, Richard Jong-A-Pin et Jochen Mierau a ainsi prouvé que le terrorisme a de sérieux effets sur la probabilité qu’un gouvernement sortant soit remplacé. Plus l’attaque est importante, plus les chances qu’une nouvelle direction soit choisie par le peuple est grande.
La tentation Trump
Les prochaines élections américaines vont se tenir dans une période de fuite en avant du terrorisme à une échelle globale. Depuis quelques années, avec l’émergence de l’Etat Islamique, le sentiment d’insécurité au sein du monde occidental est à son paroxysme. Le phénomène des « loups solitaires » – ou du moins des réseaux indépendants qui n’ont pas nécessairement besoin d’être liés directement à une organisation terroriste – a amené les citoyens à se sentir menacés au plus près, le terroriste pouvant être n’importe qui, que ce soit à San Bernardino, Orlando, Nice, Paris, Bruxelles ou New York. La mortalité et la cruauté des attaques ne font qu’accroître l’anxiété ambiante. Un acte terroriste solitaire inspiré par l’Etat islamique pourrait donc avoir une influence non négligeable sur le choix du prochain président américain.
Une étude menée par Jennifer Merolla et Elizabeth Zechmeister montre que la menace terroriste accroît le soutien accordé à des politiciens perçus comme ayant des qualités de meneurs d’hommes. Dans le cas américain, cela donnerait l’avantage à des candidats masculins, républicains, réputés pour leurs positions dures en politique étrangère et en sécurité nationale, ainsi qu’à ceux bénéficiant d’une expérience dans ces domaines. Selon une récente enquête d’opinion menée à l’échelle nationale, bien qu’Hillary Clinton domine Donald Trump dans les sondages, sur les questions relatives au terrorisme ou à Daesh, le public américain pense que le candidat républicain serait le meilleur. En juillet, dans un sondage CNN qui demandait de se prononcer sur les capacités des deux nominés en matière de terrorisme, 53 % des personnes interrogées estimaient Trump plus efficace que Clinton sur la question, et seulement 40 % pensaient la même chose de la candidate démocrate. Les résultats d’autres sondages, effectués au cours des derniers mois, montrent que cette tendance se renforce et que le fossé entre Trump et Clinton sur la question terroriste ne fait que s’agrandir.
Il est vrai que l’actuelle course à la Maison-Blanche ne met pas aux prises un président sortant et un candidat d’opposition. En apparence, tout du moins, Trump et Clinton sont de nouveaux postulants. Mais Hillary Clinton, ancienne secrétaire d’Etat du président Obama et membre du Parti démocrate, est perçue comme la tenante du bilan du président sortant, alors que Trump, qui à longueur de discours éreinte la politique sécuritaire de l’actuel locataire de la Maison-Blanche, est vu, lui, comme une alternative.
Si une attaque terroriste venait à frapper les Etats-Unis à la veille des élections de novembre, le peuple américain pourrait bien, comme d’autres nations par le passé, être tenté par celui qui semble représenter le changement et un retour à l’ordre et la sécurité. Même si le candidat en question n’a, semble-t-il, aucune vision politique claire ni réelle expérience. 
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