Les réfugiés et l'avenir de l'Europe

Catastrophe humanitaire, désastre annoncé, le Vieux Continent doit passer à l’action

Réfugiés sur les routes (photo credit: REUTERS)
Réfugiés sur les routes
(photo credit: REUTERS)
Une grande majorité des médias présente le flot de réfugiés déferlant sur les côtes européennes comme une catastrophe purement humanitaire ; les pays qui se refusent à ouvrir leurs portes et préfèrent construire de hauts murs sont l’objet des plus vives critiques. S’il faut certes traiter avec empathie la détresse de centaines de milliers d’êtres humains et leur venir en aide, les dirigeants européens ne semblent pas disposés à affronter le véritable problème. Un problème qui n’aurait dû surprendre personne.
Voilà des années que les réfugiés – les émigrants – cherchent à gagner l’Europe pour des raisons évidentes. Pourtant, cette Europe n’a rien fait, s’imaginant à tort qu’elle s’en sortirait sans dommage ou qu’une solution serait trouvée : les Nations unies apporteraient leur aide, les nouveaux venus se fondraient au sein des populations locales… Aucun effort n’a été mis en œuvre pour régler le problème à sa source quand c’était encore possible. Et aujourd’hui la véritable marée humaine des demandeurs d’asile menace le mode de vie traditionnel du Vieux Continent.
C’est de l’Afrique et du Moyen-Orient que viennent les migrants. Deux régions du monde dévastées par les conflits et les catastrophes naturelles. Le manque de développement économique provoque famine, misère, maladies et chômage… L’Europe qui connaît, elle, l’abondance, et se sent vaguement coupable du fait de son passé colonial, a fait mine de ne rien voir, laissant entrer au cours du dernier demi-siècle des millions de demandeurs d’asile. Beaucoup d’entre eux sont arrivés illégalement, à la recherche de travail et d’une vie meilleure. De fait, la baisse de la natalité en Europe – avec un taux de fécondité à 1,6 quand il faut au moins 2,11 pour assurer la croissance de la population – entraînait un besoin accru de main-d’œuvre pour développer l’économie.
Aujourd’hui on estime à trente millions le chiffre des réfugiés. Une majorité de musulmans qui peinent à s’intégrer, cherchent à préserver leur identité culturelle et religieuse et même à l’imposer au reste de la population. Bien évidemment tous ne trouvent pas du travail ; une minorité se tourne même vers la drogue et la criminalité. Les partis d’extrême droite, farouchement opposés à cet afflux, progressent, comme en témoigne leur succès aux élections parlementaires en France, en Suède, sans parler de la Grèce et de la Hongrie. Une progression qui ira en s’amplifiant tant que les partis traditionnels, de gauche ou de droite, ne se seront pas décidés à affronter le problème.
Quelques pays comme le Danemark ont voté des lois pour restreindre l’immigration, mais c’est une toute petite minorité. Les dirigeants européens sont bien conscients de la menace que posent les migrants, même s’ils hésitent à le dire ouvertement. Ils commencent à comprendre que renverser Kadhafi a été une erreur. Le dictateur libyen, qui avait renoncé à son programme nucléaire et adopté une politique pro-occidentale, verrouillait ses côtes devant les réfugiés venant d’Afrique, leur coupant la route de l’Europe.
Sauver le monde
Les puissances coloniales ont dominé l’Afrique pendant près d’un siècle. Les liens linguistiques et culturels sont encore forts, même si aujourd’hui, ces puissances se désintéressent de leurs anciennes colonies, se contentant de leur assurer un peu d’aide financière et d’assurance technique. Pendant ce temps, conflits et situations humanitaires catastrophiques au Moyen-Orient et en Afrique précipitent un nombre de plus en plus élevé de migrants vers l’Europe ; ils sont convaincus qu’aucun pays n’osera les renvoyer chez eux. Les camps de réfugiés établis en Jordanie, en Turquie et au Liban sont surpeuplés, les populations locales s’insurgent et l’arrivée de nouveaux réfugiés risquerait de déstabiliser les régimes.
La corruption règne ; les conflits tribaux et les guerres prennent de l’ampleur, alimentés par la montée de l’islam radical qui fomente des troubles au Kenya, au Soudan, au Nigeria, en Côte d’Ivoire et au Mali. Au Moyen-Orient, l’Etat islamique s’emploie à détruire les Etats-nations, créés, comme la Syrie et l’Irak, par les grandes puissances européennes après la Première Guerre mondiale et la chute de l’Empire ottoman. Pendant ce temps le vieil antagonisme entre islam chiite et sunnite prend de l’ampleur ; l’Iran poursuit son objectif avoué, dominer tout le Moyen-Orient en dépit de la forte résistance des pays sunnites conduits par l’Egypte, l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe.
La vérité était là, aveuglante : une situation aussi explosive et une misère aussi dramatique ne pourraient être contenues indéfiniment. L’Europe allait se retrouver en première ligne. Le Vieux Continent a commencé à se désengager du Moyen-Orient après le fiasco de Suez en 1956, laissant la place aux Etats-Unis. Aujourd’hui, l’Amérique, sous l’impulsion d’Obama, abandonne le terrain à l’Iran, tournant le dos à ses alliés les plus fidèles. L’Europe en paye le prix : poussés par le désespoir, ce sont des millions de migrants qui frappent à sa porte.
Comment trouver une solution à un problème que l’on refuse de voir ? La chancelière allemande Angela Merkel, faisant preuve d’une louable empathie, a accepté d’accueillir 800 000 réfugiés tandis qu’au sud de l’Europe on construit des murs pour les empêcher d’entrer. Ni la sympathie, ni les murs ne résoudront le problème ; laisser venir les migrants en plus grand nombre n’aboutirait qu’à amplifier l’exode des populations du Moyen-Orient et de l’Afrique. Ce qu’il faut, ce sont des décisions énergiques, mais l’Europe est-elle prête à les envisager ? C’est à la source qu’il faut agir. Au Moyen-Orient. Envoyer des troupes en Syrie même pour créer, en coopération avec la Turquie, des zones sécurisées où les gens pourront reconstruire leur vie. En même temps, l’Europe doit prendre l’initiative en Afrique. Une plus grande coopération, des programmes de développement à grande échelle pour donner du travail et de l’espoir aux populations.
Impossible ? C’est pourtant la survie de l’Europe qui est en jeu…
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