Psychodrame à l’Unesco

La présidence de l’instance onusienne a échappé de peu au Qatar

Siège de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) à Paris (photo credit: REUTERS)
Siège de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) à Paris
(photo credit: REUTERS)
Voilà deux ans que la succession d’Iréna Bokova, dont le second mandat à la tête de l’Unesco arrivait à expiration à l’automne 2017, faisait l’objet de négociations en coulisse. En vertu d’un accord tacite, la nouvelle direction devait revenir au bloc arabe et c’est Hamad Bin Abdulaziz al Kawari, candidat du Qatar, qui caracolait en tête des prévisions. Certes, le centre Wiesenthal pointait son antisémitisme, mais ce genre d’accusation n’a jamais empêché personne d’être élu au sein des instances internationales.
Le Qatari, ancien ambassadeur de son pays à Paris, a publié en juillet sur le site Internet L’Opinion une tribune libre dans laquelle il déclarait notamment : « Je considère que l’Unesco est le meilleur rempart contre le terrorisme, qui est actuellement notre ennemi public numéro un et celui de l’humanité. » Petit problème : l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats du Golfe et l’Egypte ont suspendu en mai dernier leurs relations diplomatiques avec le Qatar, qu’ils accusent justement de financer et fomenter le terrorisme au Moyen-Orient et dans le monde. Le bloc arabe a donc rebondi et avancé la candidature de l’Egyptienne Mouchira Khattab, diplomate chevronnée qui bénéficiait de surcroît du soutien de l’Union africaine.
Le Qatar, toutefois, était bien décidé à ne pas se laisser faire et bientôt, l’Egypte l’a accusé ouvertement de dépenser des fortunes pour acheter des voix, notamment parmi les pays africains. Les Qataris ne s’en sont pas émus outre mesure : ils ont l’habitude. Ils avaient déjà vertueusement repoussé de telles allégations lorsque la tenue de la Coupe du monde de football 2022 leur avait été attribuée par la FIFA en 2010.
La candidature de la Française Audrey Azoulay, déposée en mars à quelques jours de la clôture des listes et soutenue par un François Hollande en fin de mandat, est venue troubler cette confrontation arabo-arabe. La droite s’est insurgée. « Une telle candidature est une insulte aux pays arabes, qui n’ont jamais obtenu un tel poste à l’Unesco, et envers lesquels des engagements moraux avaient été pris pour que ce poste revienne à un des leurs », s’est indignée une sénatrice républicaine. Le Quai d’Orsay était dans l’embarras. « Nous appelons le président Macron à reconsidérer cette candidature. C’est la relation étroite de la France avec le monde arabe que François Hollande a mis en péril en faisant ce cadeau à Mme Azoulay », a déclaré l’écrivain égyptien Mohammed Salmawy, secrétaire général de l’Union des écrivains d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine.
Al Kawari menait dès le premier tour du scrutin ; derrière lui, la lutte s’annonçait serrée entre la Française et l’Egyptienne. Conformément au règlement de l’Unesco, un scrutin séparé a départagé les deux candidates pour désigner celle qui affronterait le Qatari – qui disposait toujours d’une confortable avance – lors du vote définitif. Par une de ces étranges coïncidences qui font le bonheur des amateurs de théories conspirationnistes, le président Trump a alors annoncé que son pays quitterait l’organisation en décembre 2018 pour protester contre son attitude envers Israël. Le lendemain, Audrey Azoulay l’emportait sur Mouchira Khattab, recevant notamment le soutien de l’Egypte (!). Elle a été élue par 30 voix contre 28 pour le candidat du Qatar. Une victoire qui, semble-t-il, ne passionne pas les Français… Prix de consolation, le Qatar a été réélu au conseil des droits de l’homme.
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