Le dilemme du Hamas

Face à la construction par Israël d’une barrière contre ses tunnels, l’organisation terroriste doit choisir sa stratégie

L'édification de la future barrière entre la bande de Gaza et Israël (photo credit: REUTERS)
L'édification de la future barrière entre la bande de Gaza et Israël
(photo credit: REUTERS)
Début mai, le ministre de la Défense a clos l’appel d’offres en vue d’ériger une barrière de béton le long de la frontière avec Gaza, afin d’empêcher les tunnels du Hamas d’arriver en territoire israélien. Réagir, ou non : tel est le dilemme de l’organisation terroriste face à cette construction.
Plusieurs entreprises israéliennes de gros œuvre et d’ingénierie se sont mises sur les rangs pour décrocher le contrat, seulement par manque de savoir-faire ou d’outils adaptés à cet ambitieux projet, elles se sont finalement alliées à des sociétés chinoise, australienne, coréenne et française. L’appel d’offres a été émis par une unité conjointe du ministère de la Défense et de Tsahal dirigée par le général de brigade Eran Ophir, qui a pour mission de construire toutes les barrières et structures défensives le long des frontières du pays : la barrière de 200 km le long de la frontière du Sinaï avec l’Egypte, une autre de 90 km de long bordant la frontière avec la Syrie, plusieurs dizaines de kilomètres de protection à la frontière libanaise qui s’étireront de la Méditerranée jusqu’au mont Hermon, le fameux mur de 460 km érigé en Judée-Samarie, et une barrière de 30 km au nord d’Eilat le long de la frontière jordanienne, afin de défendre le nouvel aéroport international en phase finale de construction dans la vallée de Timna. Toutes ces barrières mesurent entre six et huit mètres de hauteur, et sont équipées de technologies de surveillance de pointe (caméras et détecteurs de mouvement).
Toutefois, la clôture de 65 km qui doit voir le jour à la frontière avec Gaza sera la plus perfectionnée et la plus chère de toutes. D’un coût estimé à trois milliards de shekels, sa construction se fera en plusieurs étapes, et devrait être achevée fin 2018 ou début 2019. Il s’agit d’un projet particulièrement complexe. La barrière inclura des plaques en béton armé renforcé par des barres de fer, insérées plusieurs dizaines de mètres en profondeur. Ce mur sera équipé de détecteurs produits par la société Elbit systems, basés sur les technologies utilisées pour surveiller l’activité sismique. Au-dessus du sol, une clôture barbelée de six à huit mètres équipée de caméras et de détecteurs. Bien que le système ait déjà passé une série d’essais, les véritables tests interviendront lorsque la barrière sera opérationnelle et qu’elle sera mise à l’épreuve des tentatives de l’organisation terroriste pour infiltrer le territoire israélien. Des centres d’observation, de contrôle et de commande seront installés tout le long de la barrière, au-dessus et en dessous de la surface, et reliés à un centre de commande situé à proximité.
Les travaux devraient s’accélérer cet été. Plus d’un millier d’ouvriers israéliens et étrangers – mais pas de Palestiniens de Judée-Samarie –, ingénieurs, techniciens et chefs d’équipe s’activeront sur le chantier. Tsahal assurera la sécurité de ce projet à haut risque : une telle concentration d’hommes et d’équipements lourds pourrait amener le Hamas à vouloir réagir. Mais qu’on ne s’y trompe pas : si réaction il y a, elle sera dûment calculée de la part de l’organisation terroriste.
Tsahal parle de quinze tunnels construits par le Hamas menant vers Israël et que l’armée a déjà frappés chaque fois qu’elle en a eu l’opportunité. Comme au cours des représailles ces derniers mois, après que des groupes islamistes rebelles aient tiré des missiles sur Israël. Une fois achevée, la barrière rendra la frontière entre Israël et la bande de Gaza parfaitement hermétique – faisant de la Méditerranée la seule voie d’accès possible vers le territoire israélien. Le pays espère ainsi mettre un terme aux tentatives d’infiltration du Hamas via ses tunnels, comme lors du dernier conflit à Gaza en 2014. Après la guerre, Tsahal avait annoncé avoir mis au jour 31 tunnels menant en territoire israélien et détruit la plupart d’entre eux. Les leaders du Hamas ont maintes fois déclaré considérer ces voies souterraines comme l’un de leurs deux outils stratégiques avec les roquettes, contre « l’ennemi sioniste ». Des officiels militaires israéliens admettent que le Hamas a déjà plus ou moins restauré ses capacités militaires depuis l’opération Bordure protectrice. Il s’emploie désormais à améliorer et à diversifier ses forces de frappe, en développant des commandos maritimes ainsi que l’usage de drones.
Entre le marteau et l’enclume
Le groupe islamiste est bien conscient qu’une fois terminée, la barrière de défense ruinera ses chances de s’infiltrer en territoire ennemi par voie terrestre, le privant d’une précieuse carte offensive. Dès lors, il se trouve donc confronté à un véritable dilemme : doit-il attaquer avant que la clôture ne soit terminée, et risquer une réponse de Tsahal qui pourrait mener à sa destitution, ou bien se résigner à la neutralisation de son outil stratégique ? Le Hamas pourrait notamment être tenté d’interrompre les travaux en envoyant des mortiers sur les ouvriers et les équipements. Mais faisant cela, il s’expose à de lourdes représailles israéliennes qui pourraient dégénérer en escalade majeure, et mener au quatrième conflit en sept ans dans la bande de Gaza. L’organisation islamiste le sait : une nouvelle guerre déboucherait certainement sur son éviction du pouvoir, comme le ministre de la Défense, Avigdor Liberman, l’a promis il y a quelques mois.
Ce dilemme arrive au pire moment pour le Hamas : il connaît des dissensions politiques et idéologiques internes, sans compter l’embargo imposé sur le Qatar par l’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe, qui pourrait remettre en question les généreux financements de l’émirat gazier dans l’enclave palestinienne. En février dernier, le groupe islamiste a désigné un nouveau Premier ministre dans la bande de Gaza en la personne de Yahya Sinwar, un commandant militaire du Hamas qui a passé vingt dans les geôles israéliennes. Son prédécesseur, Ismail Haniyeh, a été élu en mai pour remplacer Khaled Meshaal à la tête de l’organisation terroriste. Enfin, la plus haute instance du Hamas, le Conseil de la Shoura, a récemment annoncé une modification de la charte du groupe terroriste, stipulant que ce dernier acceptait le principe d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 comme solution transitoire. Aucun assouplissement cependant concernant Israël : il n’a aucunement renoncé à son idéologie de base, considérant toute la terre de Palestine (incluant l’Etat d’Israël) comme un territoire islamique, et jurant la destruction de l’Etat juif.
Israël et le Hamas connaissent un regain de tension ces derniers mois. En mars dernier, Mazen Fuqaha, personnalité de premier plan de la branche militaire de l’organisation terroriste, a été tué près de sa maison à Gaza City. L’élimination était l’œuvre de professionnels qui ont agi avec calme et détermination, tirant quatre balles à bout portant au moyen d’armes équipées de silencieux, et quittant les lieux sans laisser de traces. Au terme de ses investigations, le mouvement islamiste a condamné à mort et exécuté un Palestinien accusé d’avoir tué Fuqaha pour le compte d’Israël. L’Etat juif est resté silencieux sur cette affaire. Mais si le renseignement israélien est bien derrière cet assassinat, cela démontre une nouvelle approche plus agressive face aux membres du Hamas. Bien que le groupe terroriste ait juré de venger la mort de Fuqaha, il souhaite pour le moment éviter toute confrontation directe : s’il a restauré ses capacités militaires, il sait qu’elles sont loin de faire le poids face à Tsahal.
La fin de l’été 2017 marquera trois années consécutives de calme à la frontière avec Gaza, en dépit des alertes régulières du cabinet de sécurité  face à un nouveau round imminent avec le groupe terroriste. Il s’agit de la plus longue période de calme dans la région depuis 1968. Une réussite rendue possible grâce à la force de dissuasion d’Israël. Les activités clandestines du Hamas ont reçu un nouveau coup de projecteur cette semaine, après que l’UNRWA ait annoncé avoir découvert l’existence d’un tunnel construit par le Hamas sous deux de ses écoles adjacentes dans la bande de Gaza. Le porte-parole de l’agence onusienne Christopher Gunness a vivement condamné les agissements du groupe islamiste ainsi que sa violation de la neutralité de l’office onusien. De son côté, Israël a fait parvenir une lettre à l’ONU par l’intermédiaire de son ambassadeur Danny Danon, demandant à cette dernière de condamner le Hamas « de manière ferme et sans équivoque », et de le classer comme « organisation terroriste ». « Cette découverte confirme une fois encore la cruauté sans bornes du Hamas, qui n’hésite pas à mettre en danger des lieux où les enfants étudient, et à se servir des plus jeunes comme des boucliers humains », a écrit Danon. 
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