Une Grande-Bretagne bipolaire

Alors que les relations entre Londres et Jérusalem sont au plus haut, un incident mineur a été monté en épingle pour tenter de les envenimer

Priti Patel, ancienne secrétaire d'état au développement international (photo credit: REUTERS)
Priti Patel, ancienne secrétaire d'état au développement international
(photo credit: REUTERS)
Il n’est pas exagéré d’affirmer que, dans bien des domaines, les relations entre Israël et le Royaume-Uni n’ont jamais été aussi bonnes. Lors de la commémoration du centenaire de la déclaration Balfour le 2 novembre, la Première ministre Theresa May s’est exprimée d’une façon très positive envers l’Etat hébreu et s’est dite fière que son pays ait joué un rôle prépondérant dans le processus de sa création. Elle a ajouté que l’antisionisme était la version moderne de l’antisémitisme.
De nombreux membres de son gouvernement conservateur affichent ouvertement leur soutien à Israël, et pas seulement Priti Patel, la secrétaire d’Etat au Développement international qui a récemment démissionné. Néanmoins les circonstances qui ont forcé celle-ci à quitter le gouvernement le 8 novembre après les révélations de la presse sur ses rencontres avec plusieurs hommes politiques israéliens, dont Benjamin Netanyahou, semblent indiquer une nature bipolaire dans les relations israélo-britanniques.
D’un côté, les deux pays collaborent étroitement dans le domaine du renseignement, Londres a acheté pour des centaines de millions d’euros de systèmes militaires, et la coordination entre les Forces armées britanniques et Tsahal a atteint des sommets inégalés. Mais de l’autre, un séjour banal de 13 jours a été dénoncé de la manière la plus abjecte, comme si Priti Patel ne s’était pas rendue chez un allié partageant les mêmes valeurs et intérêts, mais dans un pays avec lequel le Royaume-Uni est en désaccord.
On peut légitimement se demander si, dans le cas où la secrétaire d’Etat avait secrètement rencontré des ministres néerlandais, on en aurait fait grand cas. Les entretiens de Patel ont été présentés comme « secrets », comme si elle avait cherché à dissimuler un plan clandestin, voire dangereux. Or, rien n’est plus éloigné de la réalité. Les rencontres étaient notoires au moment où elles ont eu lieu, même si Patel et Lord Stuart Polak, un politicien juif membre du parti conservateur très actif dans son soutien à Israël, ont eu tort de ne pas en parler à l’avance au Foreign Office.
Personne n’a cherché à cacher que la secrétaire d’Etat avait participé à ces entretiens. Le président du parti Yesh Atid, Yaïr Lapid, ainsi que le ministre israélien de la Sécurité intérieure, Guilad Erdan, ont tweeté des photos les montrant en train de discuter publiquement avec elle. Le jour même où Netanyahou a rencontré Patel, Michael Oren, vice-ministre auprès du Premier ministre, en a fait part à l’adjoint de l’ambassadeur du Royaume-Uni en Israël ainsi qu’au ministre anglais pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Alistair Burt. En outre, puisque cela fait trois mois que le Foreign Office est au courant de ces entretiens, pourquoi rien n’a-t-il été entrepris jusqu’à aujourd’hui s’ils étaient si problématiques ? Pourquoi « le scandale » a-t-il été rendu public précisément le jour où Netanyahou se trouvait à Londres pour rencontrer son homologue Theresa May, et célébrer le centenaire de la déclaration Balfour ?
Quid de l’honnêteté journalistique ?
La presse britannique, dans une tentative tendancieuse de dramatiser ce qui n’est finalement qu’une atteinte au protocole, a présenté une partie du séjour comme une tentative de transférer à l’armée israélienne des fonds que les contribuables britanniques ont accumulés à la sueur de leur front. La réalité est que Priti Patel étudiait la possibilité que son pays puisse contribuer à financer une partie des coûts de fonctionnement d’un hôpital israélien de campagne qui soigne sur le plateau du Golan des réfugiés syriens blessés. Les quotidiens The Guardian et The Independant ont tous deux écrit, au moins au début de l’affaire, que l’argent serait envoyé à l’armée israélienne. Le Times de Londres a même prétendu que la secrétaire d’Etat avait voulu financer avec une partie du budget britannique pour l’aide internationale un programme de Tsahal destiné « à soigner des djihadistes syriens, y compris des combattants d’al-Qaïda ». Nous sommes conscients que les journaux doivent rapporter de l’argent à leurs actionnaires et que le sensationnalisme fait vendre. Nous comprenons aussi que tout ce qui a trait à Israël suscite de vives émotions en Angleterre. Mais qu’en est-il de la déontologie journalistique ?
L’attitude du Royaume-Uni envers Israël est appréciable. Theresa May est sans nul doute l’un des dirigeants européens les plus favorables à l’Etat juif, malgré les problèmes politiques internes auxquels elle est confrontée. Mais la façon dont la secrétaire d’Etat a été traitée n’est pas uniquement l’effet collatéral d’un gouvernement en crise. Le « scandale Patel » est un pénible rappel de l’atmosphère empoisonnée de sentiment anti-israélien, tant dans la société britannique qu’au Foreign Office. Apparemment cela n’est pas un hasard si cette piqûre de rappel est apparue au moment même où la Grande-Bretagne et Israël célébraient ensemble la déclaration Balfour, le premier succès diplomatique du peuple juif vers l’indépendance nationale.
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