Israël et la montée populiste en Europe

Jérusalem a défini des lignes directrices vis-à-vis de partis qui risquent de plus en plus de participer à des gouvernements

Heinz-Christian Strache, leader du FPÖ, lors du dernier meeting électoral le 13 octobre (photo credit: REUTERS)
Heinz-Christian Strache, leader du FPÖ, lors du dernier meeting électoral le 13 octobre
(photo credit: REUTERS)
Après les élections législatives autrichiennes du 15 octobre dernier, est évoquée la possibilité de la formation d’une coalition formée du parti conservateur ÖVP de Sebastian Kurz, qui a obtenu 31,5 % des voix, et du parti d’extrême droite FPÖ, un parti créé en 1956 par d’anciens nazis, de Heinz-Christian Strache, qui a récolté 26 % des suffrages, alors que le parti social-démocrate qui dirigeait le gouvernement sortant avec le ÖVP, est arrivé deuxième avec 26,9 % des voix. Face à une telle situation – susceptible de se présenter ailleurs puisque les formations nationalistes progressent dans l’ensemble de l’Europe – Israël doit définir le type de relations qu’il a l’intention d’entretenir avec les partis d’extrême droite si ceux-ci sont inclus dans des gouvernements.
Dans l’opposition ou au pouvoir
En 1999, le FPÖ alors dirigé par Jorg Haider, a participé au gouvernement formé par le parti social-démocrate SPÖ. Israël avait réagi en rappelant son ambassadeur et en réduisant l’ampleur de ses relations avec Vienne jusqu’à la chute de la coalition trois ans plus tard.
La situation est différente aujourd’hui. En 1999, Jérusalem pouvait se permettre de boycotter l’Autriche : il y avait peu de chance à ce moment-là qu’Israël soit amené à boycotter d’autres gouvernements auxquels participerait éventuellement l’extrême droite. Elle était en effet marginale dans la quasi-totalité des démocraties européennes, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. C’est une chose de ne pas avoir de contact avec les leaders de ces partis lorsqu’ils sont dans l’opposition, c’en est une autre lorsqu’ils sont ministres.
Israël suit une politique tacite, mais claire, qui classe les formations d’extrême droite européennes en trois catégories. La première est constituée de partis fascistes et néonazis, tels que le Jobbik en Hongrie, l’Aube dorée en Grèce et le NPD en Allemagne.
Il s’agit de partis avec lesquels Israël n’entretiendra aucune relation, même s’ils font partie d’un gouvernement. Dans la deuxième catégorie on trouve des partis tels que le FPÖ autrichien, qui ont un passé nazi ou fasciste, et encore des tendances antisémites et racistes. Le Front national en France, l’AfD en Allemagne ou le SD (Démocrates de Suède) répondent également à cette définition. Jusqu’à présent la politique officielle de Jérusalem était d’éviter tout contact avec les membres de ces formations au niveau diplomatique. Cela signifie que ni le Premier ministre, ni le ministre des Affaires étrangères ne rencontrent leurs dirigeants s’ils se rendent en Israël, de même que les ambassadeurs d’Israël dans les pays concernés. Par contre Jérusalem peut difficilement empêcher des ministres, députés ou politiciens de rencontrer à titre privé des membres de ces partis, comme ce fut le cas lors de la visite de l’autrichien Heinz-Christian Strache l’année dernière.
La troisième catégorie est composée de partis populistes qui comprennent quelques éléments racistes, comme le PVV de Geert Wilders aux Pays-Bas, l’UKIP au Royaume-Uni et le Vlaams Belang en Belgique. Ces mouvements, qui sont différents les uns des autres, n’ont pas de passé nazi ou fasciste. La politique israélienne est généralement de ne pas les boycotter, mais d’agir au cas par cas selon les situations spécifiques. Par exemple, Jérusalem a des relations plus ou moins poussées avec le PVV et l’UKIP. Cette stratégie a été élaborée avec le temps. Israël, en tant qu’Etat du peuple juif, a un statut particulier et son attitude vis-à-vis de ces formations est scrupuleusement examinée en Europe.
Le cas autrichien
Le fait que Strache ait multiplié les efforts pour s’éloigner du passé de son parti et ait exprimé des positions fortement pro-israéliennes a été interprété à Jérusalem comme une tentative d’obtenir un « sceau d’approbation » israélien pour acquérir ensuite une certaine légitimité ailleurs.
Un autre élément qui a guidé Israël dans l’établissement de cette ligne de conduite a été la position des communautés juives locales, lesquelles dans le cas de la deuxième catégorie ont fait pression contre des contacts avec l’extrême droite.
L’Etat juif ne devrait pas commenter les élections autrichiennes avant la formation d’une coalition, et même après cette date, ne devrait pas être le premier à se prononcer. Il pourrait plutôt attendre les réactions de pays comme l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
Ironiquement le candidat qui a remporté les élections autrichiennes, le jeune ministre des Affaires étrangères Sebastian Kurz est considéré comme pro-israélien et Jérusalem ne devrait pas avoir de problèmes avec lui, mais avec son éventuel partenaire de coalition. Même dans une telle hypothèse, il y a trois raisons pour lesquelles Israël ne devrait pas boycotter le gouvernement autrichien, comme ce fut le cas entre 1999 et 2003.
Premièrement parce que le succès de mouvements tels que le FPÖ est devenu un phénomène général sur l’ensemble du continent européen. Ensuite parce que Strache, contrairement à Haider en son temps, a des positions pro-israéliennes. Et enfin parce que son parti, au moins à un certain niveau, essaie de se modérer. 
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