Le développement des transports dessine la Jérusalem de demain

A quoi ressemblera la Jérusalem de demain ? Une ville sans pollution et un paradis pour les piétons. Tel est le rêve que nous promet le JTMT avec l’arrivée des nouvelles lignes de tramway

Simulation de la future ligne de tramway dans Emek Refaim (photo credit: JTMT)
Simulation de la future ligne de tramway dans Emek Refaim
(photo credit: JTMT)
En 2025, peut-être même avant, Jérusalem sera méconnaissable. D’importantes rénovations auront métamorphosé la capitale, dans tous les domaines de la vie urbaine. En plus des nombreux gratte-ciel qui vont pousser comme des champignons, fruits d’une politique explicite donnant la priorité aux constructions de logements à forte densité, un bouleversement majeur affectera la circulation et le transport. Les Hiérosolomytains vivront – du moins aux yeux des planificateurs et décideurs de tout poil – à l’image des habitants des métropoles occidentales : ils emprunteront massivement les transports en commun, essentiellement le tramway, et réserveront leurs véhicules particuliers aux voyages en dehors de la ville.
Presque comme dans le métro parisien
L’élaboration du plan directeur des transports de la capitale a commencé en 1968, un an après la réunification de Jérusalem, au lendemain de la guerre des Six Jours. Alors forte de 200 000 habitants, la population compte aujourd’hui déjà presque 900 000 âmes. Et devrait atteindre un million d’ici quelques années. Une ville de cette taille (la plus grande du pays) exige et mérite une solution sérieusement planifiée sous tous ses aspects, le transport constituant une priorité.
Le JTMT (Jerusalem Transport Management Team – Tsevet tokhnit av latahboura Yerouchalayim) est chargé de développer un système de transport basé sur les données fournies par les enquêtes de terrain, ainsi que sur l’expérience d’autres grandes villes, notamment européennes. De ces conclusions, le tram apparaît comme la solution optimale. Il est vrai que dans d’autres métropoles, le transport souterrain tient également une large place, mais tous les acteurs sont tombés d’accord dès le départ : à Jérusalem, les usagers des transports en commun ne doivent pas être « pénalisés » ! Ils auront donc le droit – et l’agrément – de se déplacer en surface afin de profiter de la vue. Si un tunnel est envisagé, il servira aux voitures particulières, comme celui qui relie la route n° 1 (près de la porte de Damas) avec la place Tsahal, en face de la porte de Jaffa. Alors que les rails du tram longent les murs de la Vieille Ville.
Au bout du compte, Jérusalem possédera neuf lignes de tramway, qui s’entrecroiseront pour connecter toute la ville, de Neveh Yaacov et Ramot à Guilo, du mont Scopus à Malha, du centre hospitalo-universitaire Hadassah-Ein Kerem à la Vieille Ville, en passant par le mont des Oliviers. Toutes les lignes se rejoindront aux abords du centre-ville, avec des correspondances, comme dans le métro parisien, le paysage et la lumière en plus. « Le but est d’offrir une alternative attrayante aux propriétaires de véhicules privés », explique le directeur du JTMT, Nadav Meroz. Le gouvernement a donc approuvé un budget de 25 milliards de shekels pour financer ce vaste projet, l’un des plus importants de la capitale. Et il ne manque pas de faire des envieux. « Si Jérusalem occupe la première place », note Meroz, « plusieurs autres grandes villes – Tel-Aviv en tête – aimeraient voir l’initiative de la capitale tomber à l’eau et atterrir comme un fruit mûr entre leurs mains. »
Rouge, bleue et verte
Aujourd’hui, cinq ans après le lancement de la première ligne (la rouge), les chiffres font la preuve de son succès auprès des habitants et des touristes. Selon les données du JTMT, 15 % des usagers ont renoncé à l’utilisation de leurs véhicules privés, ce qui constitue déjà une victoire. La ligne rouge – première ligne de tramway installée dans le pays – relie Pisgat Zeev au centre-ville, pour aboutir, à terme, à Kiryat Yovel, Kiryat Menahem, Ir Ganim et Bayit Vegan. Ces derniers arrêts sont en cours de construction et pour l’heure, la ligne se termine au mont Herzl. La ligne rouge aura également deux prolongations vers les campus de l’Université hébraïque, l’une vers Guivat Ram et l’autre vers le mont Scopus. Au total, la ligne dessert des quartiers habités par quelque 110 000 habitants, sans compter la ligne supplémentaire vers le Centre hospitalo-universitaire Hadassah, qui répond aux besoins de dizaines de milliers d’usagers locaux et extérieurs, et transporte un total de 250 000 personnes sur un parcours de 13,8 kilomètres et 23 stations. Au cours de ses deux premières années de fonctionnement, le nombre de personnes transportées quotidiennement est passé de 100 000 à 140 000. Aujourd’hui, plus de 150 000 passagers – juifs, musulmans et chrétiens, religieux et laïques – l’utilisent chaque jour, même en période de tensions sécuritaires.
Les deux lignes suivantes seront la bleue et la verte. La ligne verte reliera le campus du mont Scopus à Malha, Talpiot et Guilo, en passant par le centre-ville, sur un trajet de 18 km. Elle desservira 33 stations, à une fréquence de 7,5 minutes dans chaque direction aux heures de pointe, et pourra transporter jusqu’à 160 000 passagers par jour. La ligne bleue connectera Ramot et Guilo via le centre-ville. Un parcours de 20 km, avec 31 stations, et un train toutes les trois minutes aux heures de pointe, pour 200 000 passagers attendus quotidiennement.
Faire évoluer les mentalités
Toutes ces belles prévisions sont basées sur une hypothèse de poids : les Hiérosolomytains auront recours aux transports en commun et éviteront d’utiliser leur voiture dans le centre-ville. De grands parkings sont en outre envisagés le long des lignes, ainsi qu’un réseau d’autobus express, en périphérie, afin de permettre aux automobilistes de se garer gratuitement et d’utiliser les transports en commun. Trois de ces « parcs relais » sont déjà en service : au Mont Herzl (500 places), à Pisgat Zeev (300 places) et à Guivat Hatakhmochet (700 places). Toutefois, toujours selon les chiffres du JTMT, si les habitants de Jérusalem possèdent aujourd’hui quelque 150 000 voitures, d’ici 2020, on s’attend à près de 320 000 véhicules privés en circulation dans la capitale, ce qui risque de diminuer les chances de leur voir préférer les déplacements en transports en commun. « A moins qu’un véritable changement de mentalité ne s’opère chez les habitants », remarque Arik Cohen, principal architecte du projet, « et qu’ils finissent par comprendre que l’on ne devrait plus avoir recours aux voitures privées pour circuler à l’intérieur de la ville. Nous croyons fermement que le changement se fera, même si cela prendra du temps. »
Selon Cohen et Meroz, le projet offre plus que de simples moyens transports alternatifs. Une meilleure qualité de vie, moins de pollution et la modernisation générale de Jérusalem sous-tendent ce plan révolutionnaire. Si l’on se base sur les données des pays occidentaux, on s’attend également à une augmentation d’environ 25 % des bénéfices des entreprises situées le long du trajet du tramway. C’est ce qui est arrivé, à plus petite échelle, le long de la rue de Jaffa, bien que la plupart des commerces offrent là surtout des marchandises à bas prix. Parallèlement, quelques-unes des enseignes les plus prestigieuses – restaurants ou magasins de souvenirs – continuent à baisser le rideau et l’on ne trouve quasiment aucune des grandes chaînes le long de cette artère. Le résultat reste donc pour l’instant mitigé.
Le bénéfice le plus important est incontestablement l’amélioration de la qualité de l’air. Cette année, pour la première fois depuis sa mise en service, la surveillance de la pollution atmosphérique le long de la rue de Jaffa a été interrompue, suite aux informations indiquant sa moindre pertinence, avec les taux d’émissions de monoxyde de carbone qui ont chuté de 500 unités à moins de 100 depuis 2012. Acquis supplémentaire : l’augmentation du nombre de piétons depuis le début du fonctionnement de la ligne rouge sur cet axe principal. Onze rues transversales ont en effet été transformées en zones piétonnières. « Les résultats parlent d’eux-mêmes », explique Cohen. « Entre 2011 et 2012, nous avons noté une hausse moyenne de 11 % du nombre de personnes qui arpentent les rues de la ville. Avec la baisse de la pollution, de nouvelles plantations d’arbres, le ravalement et la restauration des façades des bâtiments, les biens immobiliers prennent de la valeur et l’on voit fleurir de plus en plus de terrasses de café », se réjouit l’équipe du JTMT.
Pas rose pour tout le monde
Malgré ces perspectives prometteuses, personne ne peut offrir de solution miracle pour la période « d’entre deux », durant les lourds travaux de voirie nécessaires à la concrétisation de ces projets. En dépit de nombreuses tentatives, toutes les parties concernées savent que les mois et les années de chantier sonneront le glas pour beaucoup. Ce sont les magasins situés en bordure du trajet qui risquent d’être le plus touchés, bon nombre d’entre eux se voyant forcés de mettre la clé sous la porte. D’où l’opposition farouche des commerçants et restaurateurs au projet de la ligne bleue, qui doit traverser la Mochava Germanite en passant par Emek Refaïm. « Notre équipe étudie avec la municipalité toute forme de solution permettant de minimiser les dégâts », affirme Meroz. « Il faut toutefois s’attendre à des moments difficiles. »
Quant à savoir si le travail sera effectué d’un seul tenant ou tronçon par tronçon, afin de faciliter la vie quotidienne, ni Meroz ni Cohen ne peuvent fournir de réponse définitive pour l’instant. Diverses propositions sont à l’étude. Parmi elles : embaucher un grand nombre de travailleurs étrangers avec un permis spécial du gouvernement, afin de raccourcir considérablement la période des travaux. Rien n’indique cependant, pour l’heure, la prochaine mise en œuvre de cette solution. Il faudra donc être patient. 
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