Les carrefours de la honte

La mendicité forcée des enfants palestiniens

Extrait du film qui montre des enfants exploités par des Palestiniens (photo credit: DR)
Extrait du film qui montre des enfants exploités par des Palestiniens
(photo credit: DR)

Une histoire que l’on dirait tirée d’une autre époque. Des images que l’on voudrait croire extraites d’un film, et non de la réalité. Cela se passe aujourd’hui dans le Wadi Ara, Nahal Iron en hébreu, une vallée longue d’une vingtaine de kilomètres traversée par la grande route qui relie le nord du pays au lac de Tibériade. Située tout entière à l’intérieur des frontières dites de 1967, on y trouve des localités majoritairement peuplées d’Arabes israéliens qui manifestent régulièrement leur solidarité avec l’Autorité palestinienne, mais n’ont aucune envie d’en faire partie. La police israélienne n’y est guère la bienvenue.

Le mur de sécurité qui sépare la vallée des Territoires palestiniens est à moins d’un kilomètre. La première chaîne de la télévision israélienne a diffusé le 11 novembre des extraits d’un documentaire entièrement tourné dans le Wadi. Intitulé Frata – Agorot ou petites pièces de monnaie – il a été réalisé par une équipe d’Arabes israéliens. Le producteur, Badran Badran, lui-même originaire de l’endroit, a suivi pendant plusieurs années ce qui se passe dans les carrefours du Wadi.
Lorsque le feu vire au rouge, des gamins apeurés, âgés de six ans à peine, se faufilent entre les voitures à l’arrêt et viennent frapper à la vitre des conducteurs. « Saadni », « aide-moi » disent-ils en tendant la main. Il leur faut faire vite afin de regagner le trottoir à temps, car les voitures démarrent en trombe quand le feu passe au vert. Tout au long de la journée et jusqu’à la tombée de la nuit, dans l’écrasante chaleur de l’été, sous la pluie et parfois la neige de l’hiver, ces enfants défient la mort. Parfois la portière s’ouvre et ils sont happés à l’intérieur du véhicule par des prédateurs sexuels, explique le producteur de ce documentaire qui vous prend à la gorge.
Qui viendrait à leur aide ? Ce ne sont pas des enfants de l’endroit. Ils sont originaires des Territoires palestiniens si proches. Ils n’y rentrent pas chaque jour. Souvent ils passent la nuit dans une conduite d’eau désaffectée où ils sont protégés des éléments. Il y a là des matelas, des couvertures. Et quelqu’un pour veiller. Ou plutôt les encadrer. Parce que ce n’est pas de gaîté de cœur que ces gamins renoncent à se rendre à l’école pour se livrer quotidiennement à ce périlleux exercice. Et ils ne « travaillent » pas pour leur compte, mais pour le profit de leurs patrons. Des Arabes des Territoires palestiniens. L’un d’eux, filmé en caméra cachée, se vante devant le producteur : « Chacun de mes gosses me rapporte 400 shekels (environ 160 euros) par jour, et j’en ai plusieurs », dit-il avec satisfaction. Une partie de cette somme, moins du quart, va à la famille de l’enfant. Le « patron », lui, se charge de faire passer le mur ou la barrière de séparation à ses petits travailleurs. Parfois, un « grand » les accompagne pour s’assurer qu’ils font bien leur travail et les forcer à se lancer à travers les voitures s’il le faut.
La presse occidentale ne parle pas de ce genre de choses. Il est vrai qu’il est difficile de blâmer Israël. 
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