Unis contre le terrorisme

Ils sont arabes, secouristes et bénévoles. Leur credo : sauver des vies

Des volontaires de tous horizons (photo credit: UNITED HATZALAH‏)
Des volontaires de tous horizons
(photo credit: UNITED HATZALAH‏)
Jérusalem est une ville magique. Celle des pires violences, et des plus belles histoires. Chaque jour, dans ses rues, se produisent des petits miracles dont personne ne parle. Des miracles de coexistence. Ainsi fait-on par exemple très peu de bruit autour de ces bénévoles arabes des équipes médicales d’urgence qui, aux côtés de leurs collègues juifs, courent sauver des vies sous les yeux de foules souvent hostiles.
On les a vus à l’œuvre pendant la dernière vague de terreur qui a touché la capitale. Ramsey Batesh, Khaled Rishek, Marwan Masarwa et Morad Alyan comptent parmi les quelque 300 Arabes israéliens qui, au sein de l’organisation Ihoud Hatzalah, mettent leurs existences en suspens pour se précipiter au secours de blessés sur les scènes d’attaques terroristes, sans se demander quelle est l’origine de ceux qu’ils soignent. Ramsey Batesh ne compte plus les vies sauvées, sans parler des enfants juifs qu’il a mis au monde. Il travaille en étroite collaboration avec ses collègues, pour beaucoup des ultraorthodoxes, et a le sentiment d’appartenir à une grande famille. Dans ce contexte, la religion a peu d’importance, assure-t-il.
Sa vocation est née il y a plusieurs années. Il est alors témoin d’une agression en sortant de chez lui. « Je ne savais pas quoi faire, comment venir en aide à cette personne. J’ai compris que je devais apprendre à réagir dans ce genre de situation. Je me suis donc inscrit à des cours de secourisme. Sauver des vies, cela fait partie de moi, j’ai le sentiment d’être venu au monde pour cela. » Après cinq années en tant que secouriste bénévole au sein de l’organisation, Batesh s’est vu attribuer une « ambucycle ». « Dans le secteur arabe, les ambulances mettent beaucoup de temps à arriver parce qu’elles doivent attendre une escorte des forces de l’ordre, ce qui leur fait souvent perdre de précieuses minutes.
Comme j’habite cette zone, je peux y aller seul et j’arrive dans les trois minutes. En me voyant arriver, les gens me laissent passer. Ils ont de plus en plus de respect pour les services de secours et sont conscients de l’aide que nous apportons. »
Ramsey Batesh arrive donc souvent le premier sur les lieux de l’urgence, partout dans Jérusalem. En décembre 2015, il porte les premiers secours à un policier victime d’un accident de voiture, en chemin pour se rendre sur le site d’un attentat.
Traité d’égal à égal
« J’ai rejoint Ihoud Hatzalah il y a quelques années et c’est devenu ma deuxième famille », confie Khaled Rishek. « Je suis invité à des mariages et à des fêtes. Cela me réchauffe le cœur. Grâce à cette volonté commune de sauver des vies, nous sommes désormais amis. » Le bénévole déplore qu’il y ait si peu de secouristes bien formés parmi la population arabe de Jérusalem. Il estime qu’avoir rejoint un organisme comme Ihoud Hatzalah est la meilleure façon de montrer l’exemple à son entourage et de faire des émules.
Marwan Masarwa a longtemps été le seul secouriste de Taybeh. Il regrette lui aussi le manque de services d’urgence dans sa ville. Lorsqu’il y a quelques années, il a entendu parler de Ihoud Hatzalah, il a commencé à œuvrer pour que l’organisation ouvre une antenne à Taybeh et fournisse à la localité des services de premiers secours dignes de ce nom. Le 12 avril dernier, une nouvelle branche de Ihoud Hatzalah a donc été inaugurée. Elle comptera bientôt 18 secouristes expérimentés qui opéreront comme bénévoles pour les localités arabes de Taybeh, Tira et Kalansuwa et dans les villes juives des environs. Un secteur qui recouvre une population de 100 000 habitants.
Aucun de ces trois secouristes bénévoles n’a jamais eu l’impression d’être traité différemment sous prétexte de son origine ethnique. Ramsey Batesh ajoute qu’il est également respecté chez lui pour son rôle à Ihoud Hatzalah et pour le fait de sauver des vies. « Je suis ici depuis cinq ans et je n’ai jamais été ostracisé. J’adore ma mission et je suis très heureux de faire partie de cette famille. Et ma propre famille est très fière que je travaille là et que je puisse sauver des vies dans ma communauté. »
Khaled Rishek, qui vient d’Abou Tor, renchérit : « C’est quelque chose de très spécial d’être arabe et de voir qu’on est accepté au sein d’un groupe juif. » Comme il habite et travaille tout près de la Vieille Ville, il compte souvent parmi les premiers secouristes à arriver sur place lors d’attaques terroristes. « Psychologiquement, c’est très difficile de se retrouver sur les lieux d’un attentat. Parfois, sur place, on entend des slogans du genre “Mort aux Arabes !”. Quand j’y suis confronté, j’ignore les insultes et je fais simplement mon travail, qui consiste donner les premiers soins. En général, quand j’arrive sur place, tout le monde m’accepte, je suis traité d’égal à égal, on sait que je suis là pour aider… »
Morad Alyan dirige la branche Jérusalem-Est de Ihoud Hatzalah, dont les membres sont tous des Arabes musulmans. Il explique que l’organisation compte un total 300 bénévoles arabes dans le pays, déployés principalement à Jérusalem, Kafr Kassim, Saint-Jean d’Acre et Taïbé, ainsi qu’en Galilée. En 2013, Alyan a remporté le prix international Victor J. Goldberg pour l’éducation à la paix au Proche-Orient, conjointement avec le fondateur de Ihoud Hatzalah Eli Beer. La volonté de l’organisation d’associer Juifs et Arabes dans ses rangs était ainsi récompensée. « S’il y a le mot ihoud (unité) dans Ihoud Hatzalah, c’est parce que nous sommes tous unis lorsqu’il s’agit de sauver des vies », conclut Beer.
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