Le Cirque du Soleil plante son chapiteau en Israel

Accrochez-vous. Ces artistes vont voltiger au-dessus de vos têtes jusqu’à vous couper le souffle. Un spectacle prodigieux en plein Tel-Aviv…

Les artistes du Cirque du soleil en pleine action (photo credit: DR)
Les artistes du Cirque du soleil en pleine action
(photo credit: DR)
Rien de nouveau sous le soleil… Une triste rengaine qu’artistes de tous bords n’ont de cesse de démentir. Et dans le domaine des arts du spectacle, le Cirque du Soleil s’y applique avec une ardeur particulière. Depuis 1984, la compagnie canadienne fait montre d’un esprit d’innovation sans cesse renouvelé.
Le Cirque du Soleil est sans aucun doute le plus grand producteur au monde dans le domaine des arts vivants et compte non moins de vingt créations à son actif ; des spectacles aux noms aussi mystérieux qu’Alegria, Kooza, Varekai, Dralion, Ovo, Amaluna ou Zarkana, qui entraînent les spectateurs dans des mondes merveilleux. Chacune de ces créations raconte une histoire différente, au travers d’une époustouflante succession de séquences spectaculaires.
Dans une combinaison savamment orchestrée de danse, théâtre, gymnastique et funambulisme, avec ses costumes pittoresques, ses effets de lumières merveilleux et sa musique originale interprétée sur scène, chaque spectacle du Cirque du Soleil est d’une exquise fantaisie. Equipés de cordes, cerceaux, trapèzes, et autres accessoires en tout genre, les artistes volent et tourbillonnent au-dessus de leur public avec un incroyable naturel ; les acrobates se contorsionnent à l’excès pour atteindre des positions que l’on n’imaginerait pas humainement possibles. De véritables morceaux de bravoure artistiques interprétés au son d’une musique toujours envoûtante.
Avec 1 200 artistes hautement qualifiés venus de 23 pays différents, la compagnie canadienne tient en haleine, depuis des décennies, des publics du monde entier. Et cette fois, c’est à Tel-Aviv, dans la Nokia Arena, qu’elle émerveillera à nouveau son public. En prévision de ce passage en Terre promise, un petit groupe de journalistes israéliens a fait le déplacement en Russie pour assister au spectacle Quidam au Ice Palace, le palais des sports de 4 000 places de Saint-Pétersbourg. Au programme : rencontre avec les artistes et petite virée dans les coulisses de la magie.
Un hymne aux anonymes
En Israël, la compagnie a choisi de présenter Quidam. L’histoire de Zoé, une petite fille qui veut fuir un monde dans lequel elle se languit : car ses parents ne lui donnent pas l’attention qu’elle attend d’eux et restent de marbre face à son ennui. Mais à travers une série de rencontres avec de fascinants inconnus, Zoé va découvrir un univers merveilleux : celui du monde réel.
En latin, « quidam » signifie « passant anonyme ». En grec, « Zoé » veut dire « Vie »… Nos existences sont riches de rencontres avec ces individus sans visage qui composent la foule, tandis que chacun d’entre nous peut être pour l’autre, l’un de ces quidams susceptibles de l’encourager et de l’inspirer…
« Quidam est mon spectacle préféré », affirme Michael Smith, directeur artistique au Cirque du Soleil depuis 2005. « Non seulement on y trouve toute la magie du Cirque du Soleil, mais en plus, ce spectacle se fonde sur l’expérience humaine. Ce qu’il nous dit est simple : chaque fois que l’on donne, on reçoit également. J’ai vu ce spectacle une multitude de fois, mais à chaque représentation, je découvre quelque chose de nouveau. Chaque image est une métaphore, un symbole que l’on n’identifie pas forcément au premier coup… »
« Quidam amène Zoé à regarder à l’intérieur de son propre univers. C’est une exploration de ce qu’elle voit et de la façon dont ces images l’influencent. Nous sommes tous reliés les uns aux autres. Tout est là, prêt à être saisi, à condition que l’on soit réceptif », conclut Michael Smith.
Sur la scène comme dans la vie, quel que soit le point sur lequel on focalise son attention, une foule d’événements se déroulent en même temps tout autour de nous. Ainsi, pendant que vous regarderez Zoé, le jongleur ou les enfants qui sautent, des funambules ou des danseurs continueront à évoluer en arrière-plan… Quidam se veut une véritable allégorie de la vie.
Sans filet
A la vue de tous ces « quidams » qui accomplissent leurs terrifiantes prouesses aériennes sans filet, on a le souffle coupé. Mais le facteur risque est un acteur à part dans chacune des productions du Cirque du Soleil. « En fait, c’est ce que les gens viennent voir », explique Michael Smith. « Pour minimiser les risques, il y a deux secrets : la formation et l’entraînement. Sur place, nous avons une équipe médicale d’urgence et des kinésithérapeutes voyagent toujours avec nous. » Mais depuis les débuts du Cirque du Soleil, les accidents ont été très rares.
« Le plus dangereux pour les artistes, ce sont les flashs », explique-t-il. « Dès qu’un spectateur utilise un flash, les hôtesses se précipitent pour l’en empêcher. Les gens sont tentés de photographier les artistes lorsqu’ils les voient en position statique, surtout pendant les numéros les plus impressionnants comme Silk. »
Silk est un exercice de contorsion aérienne imaginé et interprété par Julie Cameron. Utilisant deux longues bandes de soie rouge suspendues au plafond, cette ancienne gymnaste écossaise de 25 ans, suspendue dans le vide, s’enveloppe dans les rubans et manœuvre son corps pour accomplir une multitude de figures aussi complexes que gracieuses.
« J’ai vu mon premier spectacle du Cirque quand j’avais 14 ans », raconte la jeune femme, aussi fine qu’une liane. « J’en avais 17 quand j’ai rejoint la compagnie, il y a déjà huit ans. » Pour cette chorégraphie qu’elle a entièrement créée, « il faut être souple et musclée », explique Julie Cameron, avant de confier un petit secret de fabrique, à ceux qui se sentent capables de l’imiter : « Comme cela brûle beaucoup le dos et les cuisses, j’utilise de la résine mélangée à un peu d’eau, afin d’assécher la sueur. »
Professionnelle accomplie, Julie Cameron affirme n’éprouver aucune crainte lorsqu’elle s’entortille dans la soie rouge, très loin au-dessus du sol. « Parfois, je me sens même plus en sécurité dans mon ruban avec la tête en bas que quand je traverse la rue… »
Une pointe d’humour
Autre moment fort de Quidam, l’apparition de Toto le clown. Mais vous l’aurez deviné, Toto n’a rien d’un clown ordinaire.
Originaire de Buenos Aires, Guillermo Castineiras a rejoint l’équipe de Quidam en 2004, après avoir suivi une formation classique de comédien et de clown. L’objectif de son numéro : révéler l’humour inhérent à n’importe quel être humain. Toto choisit quatre personnes au hasard dans le public, et sans un mot, leur fait jouer une scène mélodramatique. Fou rire garanti.
La sélection de ces spectateurs anonymes n’est pas aussi aléatoire qu’elle n’y paraît. « Je les choisis en fonction des ondes qu’ils dégagent », explique Guillermo. « C’est tout un art, que j’ai appris. En regardant une personne, je sais tout de suite si elle sera timide ou si elle jouera le jeu. C’est la chose la plus importante que j’ai apprise dans mon métier : sentir la personnalité d’un individu. »
Guillermo a aussi appris à « ressentir » le public dans son ensemble. « Chaque public est différent et cela nous oblige à être attentif. Les spectateurs sont différents pas seulement d’un pays à l’autre, mais aussi d’une ville à l’autre. Dans les grandes villes, par exemple, c’est plus difficile. Une grande ville est plus dynamique, de sorte que le public attend davantage du spectacle. Dans les petites villes, les gens sont plus spontanés. Le public des matinées est également différent de celui des soirées… »
Quant au métier de clown, détrompez-vous, il n’est pas de tout repos : « Quand on est clown, il faut être extrêmement présent sur scène. On aura tout le temps de penser au reste après le spectacle. Plus on est soi-même, mieux c’est. On voit parfois des clowns qui sont vraiment ridicules. Je vais vous confier un secret : en ce qui me concerne, je déteste les clowns. »
Le voir pour le croire
Le spectacle Quidam existe depuis maintenant 20 ans. « Mais à chaque représentation, chaque artiste apporte quelque chose de lui-même », explique Jessica Lebœuf, la chargée de publicité. « Les musiciens et les chanteurs peuvent eux aussi improviser. Parfois, un chanteur ajoute par exemple le nom d’un ami ou d’un membre de sa famille qui se trouve dans le public. Ces petites modifications insufflent à chaque fois quelque chose de frais, pour le public comme pour les artistes. »
Le Cirque du Soleil enchaîne les voyages et présente au moins 300 spectacles par an. « Nous avons 19 camions remplis d’équipement et de costumes, 22 techniciens à plein temps et 80 machinistes employés sur place », explique Jessica Lebœuf. En tout, la compagnie emploie 5 000 personnes et 1 200 artistes.
Une belle équipe dont les membres sont originaires de 23 pays différents. La langue de communication est donc l’anglais, « … avec aussi beaucoup de gestes », admet Jessica Lebœuf. Comme la musique est omniprésente dans les spectacles du Cirque du Soleil, les chansons ont été écrites dans un langage imaginaire, juste assez familier pour être identifiable, mais pas tout à fait.
Si la compagnie parcourt le monde, les bureaux du Cirque du Soleil se trouvent à Montréal, dans un gigantesque bâtiment de Saint-Michel qui regroupe l’administration, la comptabilité et les ressources humaines. Il abrite aussi trois immenses salles d’entraînement, où les artistes répètent et apprennent de nouveaux numéros. Un étage entier est dédié à la création des chaussures et des costumes, y compris les collants.
Pour Quidam, par exemple, on compte 2 500 pièces de costumes, chacune étant confectionnée à la main, sur mesure pour chacun des artistes. Il existe 200 tenues différentes, et chaque personnage peut en revêtir jusqu’à sept dans le même spectacle. « La seule chose que nous achetons, ce sont nos baskets », plaisante Jessica Lebœuf.
A Saint-Pétersbourg, tout est bien qui finit bien, sur scène comme dans le stade bondé d’initiés : Zoé se réconcilie avec ses parents, et le public salue la prestation par des tonnerres d’applaudissements. Extraordinaire, brillant, époustouflant. Aucun terme ne suffit à décrire cette incroyable performance. Si ce n’est l’expression : il faut le voir pour le croire…
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