Terreur et conspiration à Buenos Aires

Depuis 1994, d’obscures manigances politiques et d’ahurissantes inepties ont entaché les enquêtes sur l’attentat contre le centre communautaire juif

La grande marche de Buenos Aires (photo credit: REUTERS)
La grande marche de Buenos Aires
(photo credit: REUTERS)
Ma première rencontre avec Damian Pachter a lieu au centre commercial Malha à Jérusalem. Tout juste quelques semaines après qu’il ait volontairement quitté d’Argentine, son pays natal, par crainte pour sa vie.
Il a encore l’air un peu tendu. Il n’est peut-être pas tout à fait remis du traumatisme qu’il vient de subir, de devoir brusquement quitter tout ce qu’il possédait : son travail de journaliste, son appartement à Once, le vieux quartier juif de Buenos Aires, et sa mère qui l’aime plus que tout au monde.
Maintenant, c’est lui qui essaye de me convaincre de me rendre à Buenos Aires pour participer, moins d’une semaine plus tard, à une énorme marche silencieuse, prévue à travers les rues de la capitale. « Vous devez y aller », m’exhorte-t-il. « Vous ne le regretterez pas. »
La marche, organisée par un groupe d’avocats du bureau du procureur d’Etat, doit marquer le 30e jour depuis que le procureur spécial Alberto Nisman a été retrouvé mort dans sa salle de bains, avec une balle dans la tête. Sur le sol, à côté de lui, un pistolet de calibre 22 avec une seule balle tirée. Les portes de son appartement dans la tour huppée du Parc sont verrouillées de l’intérieur. Nisman se serait effondré contre la porte de la salle de bains, également verrouillée de l’intérieur. Tout semble faire croire à un suicide. Mais beaucoup sont convaincus qu’il s’agit d’un meurtre.
L’attentat
A peine quatre jours plus tôt, Nisman avait accusé la présidente argentine, Cristina Fernandez de Kirchner, son ministre des Affaires étrangères Hector Timerman et d’autres proches du gouvernement de crime élaboré. Nisman affirme qu’ils ont conclu un accord avec l’Iran : en échange de relations économiques favorables, le gouvernement Kirchner abandonnerait les poursuites contre des personnalités de premier plan du gouvernement iranien, mises en cause dans l’attentat contre l’Association mutuelle israélite argentine (AMIA) – le centre communautaire juif de Buenos Aires.
Le 18 juillet 1994, un terroriste avait lancé un véhicule Renault Trafic bourré de centaines de kilos d’explosifs contre le bâtiment de la rue Pasteur, à quelques pâtés de maisons de l’appartement de Pachter. Bilan : 85 morts et des centaines de blessés, dans ce qui reste la pire attaque terroriste en Amérique du Sud. Depuis, toutes les institutions juives à Buenos Aires – écoles, synagogues, centres culturels – sont protégées par des barricades.
Nisman a affirmé, sur la foi d’écoutes téléphoniques, que Kirchner, Timerman et d’autres avaient conclu un accord secret en janvier 2013, pour couvrir l’implication iranienne dans l’attentat. Le 18 janvier, il est retrouvé mort, quelques heures avant qu’il ne présente les preuves de ses allégations devant un groupe de membres de l’opposition au Congrès.
Meurtre ou suicide ?
Pachter, journaliste du Buenos Aires Herald, qui couvre l’affaire AMIA, est le premier à signaler l’assassinat de Nisman. Sur la base de renseignements reçus d’un informateur, Pachter tweete que Nisman a été retrouvé avec une balle dans la tête, dans son appartement. Il reçoit plus tard la confirmation de la mort de Nisman, qu’il diffuse sur son compte Twitter.
Dans les jours qui suivent, Pachter sent de plus en plus que sa vie est menacée. Son rapport aurait, semble-t-il, perturbé les efforts des assassins de Nisman – si tant est qu’il ait été assassiné – dans le maquillage du meurtre en suicide.
Au cours d’un journal télévisé, quelques jours après la disparition de Nisman, l’un des intervenants accuse Pachter d’être un agent du Mossad, ce qui expliquerait pourquoi il a été le premier au courant. Conscient que son lien avec Israël va être mis en exergue, le journaliste devance les accusations. Il annonce à la radio que sa mère et lui ont déménagé en Israël quand il était petit et que, comme tous les Israéliens, il a servi dans Tsahal, sans pour autant être un espion. Mais les rumeurs continuent.
Un étrange communiqué de presse va éveiller les soupçons de Pachter. L’agence de presse officielle du gouvernement, Télam, lui attribue un message Twitter qu’il nie avoir écrit. Le journaliste considère cette annonce comme « une sorte de message codé ».
Moins d’une semaine après la mort de Nisman, quelqu’un l’avertit qu’il est suivi et demande à le rencontrer en dehors de Buenos Aires.
Pachter arrive en avance au lieu de rendez-vous – un café ouvert toute la nuit. Au bout de plusieurs heures d’attente, il remarque un homme étrange portant des lunettes de soleil, bien qu’il ne fasse pas encore jour. L’homme s’assoit derrière lui.
Lorsque son informateur arrive, il explique à Pachter que l’homme assis derrière lui est un agent des renseignements, puis photographie l’agent avec son smartphone. L’homme suspect se lève et s’en va, mais Pachter comprend qu’il doit quitter l’Argentine immédiatement.
Le vendredi 23 janvier, cinq jours seulement après la mort de Nisman, Pachter s’envole pour l’Uruguay, puis pour l’Espagne et enfin pour Israël.
Le gouvernement argentin tweete les détails de son vol depuis le compte officiel du palais présidentiel, ce qui prouve – du moins selon Pachter – que ses craintes sont fondées.
Un roman d’espionnage
« Si je pouvais, je retournerais couvrir la marche », me confie Pachter, avec un soupir. « Mes amis de Buenos Aires m’affirment que cela va être énorme. Mais je ne peux pas y retourner. Je ne sais pas si je pourrai jamais y retourner. Vous devez y aller si vous le pouvez. Vous pourrez loger chez moi. »
Etant né aux Etats-Unis et vivant aujourd’hui en Israël, j’ai toujours considéré la protection des droits de l’homme comme une donnée de base. Il ne me vient donc pas immédiatement à l’idée qu’habiter l’appartement de Pachter à Buenos Aires puisse présenter un risque quelconque. Cela me semble simplement une option pratique et économique.
J’ai l’impression que Pachter exagère les dangers auxquels il a été exposé. Peut-être son informateur craignait-il que le journaliste panique et révèle son identité. Aussi lui a-t-il fait peur pour qu’il quitte le pays.
Et même si sa vie était en danger, cela ne signifie pas que je cours un risque en restant simplement dans son appartement.
D’ailleurs, je désire depuis longtemps en savoir plus sur la communauté juive argentine, qui compte entre 200 000 et 250 000 membres, une des plus importantes du monde. Avec ceux éligibles à la citoyenneté automatique en vertu de la Loi du retour, ces chiffres doubleraient probablement.
L’affaire AMIA implique, bien sûr, la communauté juive. Nisman lui-même était juif. Mais elle touche égalementla nébuleuse souterraine et obscure d’agents de renseignement, de terroristes, de politiciens véreux et de juges corrompus. Les enjeux sont de taille : les élections d’octobre en Argentine, les relations entre Israël et l’Argentine et entre le pays et sa propre communauté juive, ainsi que la découverte des connexions terroristes de Téhéran à l’échelle mondiale. Si elle n’était pas réelle, l’histoire ferait sans doute un bon roman d’espionnage.
Mais quelques jours avant mon vol qui doit atterrir à Buenos Aires le 16 février, l’avant-veille de la marche en l’honneur de Nisman, je me mets à douter. Quand un ami originaire du Brésil voisin entend parler de mes projets, il m’appelle à la prudence. « L’Amérique du Sud est un continent un peu à part. Les gens là-bas ont une notion différente de la loi, de l’ordre et de la justice », me met-il en garde.
Une honte nationale
L’enquête sur l’affaire AMIA est un cas particulier. Elle dure depuis plus de vingt ans et a traversé plus de trois mandats présidentiels. Les enquêtes sur l’attentat traînent en longueur, mais pas une seule personne n’a été traduite en justice. Corruption, intérêts politiques clandestins et ahurissantes inepties ont entaché les investigations.
Le juge d’instruction initial, l’ancien chef des services de renseignement argentins, certains des procureurs, des policiers et l’ancien chef d’une organisation affiliée à l’AMIA ont tous été accusés de malversations.
En 2004, les conclusions d’une enquête de plusieurs années qui a amassé une énorme somme de preuves accablantes sur des agents de police et de renseignement locaux, ainsi que des responsables iraniens affiliés au Hezbollah, sont rejetées, après qu’un juge sur l’affaire ait été accusé d’avoir payé un pot-de-vin à un témoin clé de l’accusation. L’argent du pot-de-vin provient du secrétariat du renseignement.
Nous ne savons même pas avec certitude si Ibrahim Hussein Berro, un terroriste libanais du Hezbollah, est bien celui qui a conduit le Renault Trafic dans le bâtiment de l’AMIA. Aucune autopsie ni aucun véritable test d’ADN n’ont été effectués sur les restes humains retrouvés sur place. Un témoin aurait vu la police jeter dans une poubelle la tête, trouvée à proximité des lieux, de l’auteur présumé de l’attentat.
En 2004, le président Nestor Kirchner, le mari de l’actuelle présidente, qualifie l’enquête bâclée de « honte nationale ». Cette même année, il nomme Nisman à la tête d’une commission d’investigation chargée de résoudre l’affaire de l’attentat contre l’AMIA.
Nisman était l’un des procureurs de l’Etat impliqués dans l’enquête précédente, mais il n’avait jamais été directement mis en cause pour irrégularité. En 2015, le budget annuel pour l’équipe de Nisman, forte de 45 personnes, atteint 31 millions de pesos, soit environ 3,1 millions de dollars, selon le magazine argentin Anfibia. Nisman reçoit un salaire mensuel d’environ 10 000 dollars, soit environ 4 000 dollars de plus que le salaire moyen versé à ses pairs.
La piste iranienne
En 2006, l’équipe de Nisman fournit de lourdes preuves de l’implication dans l’attentat à l’encontre de responsables iraniens de haut rang, dont le président d’alors Ali Akbar Hashemi Rafsanjani et l’actuel ministre de la Défense Ahmad Vahidi.
Au fil des ans, Nisman continue à poursuivre la piste iranienne. Mais certains le soupçonnent d’avoir reçu des informations du Mossad et de la CIA via le secrétaire en chef du renseignement, Antonio « Jaime » Stiuso. Si peu doutent de l’implication du Hezbollah et de l’Iran dans l’attentat, il existe cependant une piste locale, que Nisman n’a apparemment pas décidé de poursuivre.
C’est Santiago O’Donnell, un journaliste argentin, qui me révèle toutes ces informations. « Après 10 ans de recherches, une couverture médiatique favorable et une équipe d’investigation grassement rémunérée », souligne O’Donnell, « Nisman avait réuni peu de preuves de l’implication de Téhéran et du Hezbollah, et n’avait mené aucune véritable enquête sur les connexions locales. »
Il faut dire que l’Argentine possède une longue histoire de crimes horribles restés non résolus. Sous le règne de la junte militaire, entre 1976 et 1983, des milliers d’Argentins ont disparu, dans le cadre d’une chasse aux sorcières contre des opposants politiques pour la plupart de gauche. On les appelle les desaparecidos, les « disparus ». De nombreux coupables restent impunis, et le sort de la plupart des victimes demeure inconnu à ce jour. Un grand nombre d’entre eux ont été drogués, déshabillés et jetés en plein vol depuis des avions dans le Rio de la Plata ou dans l’Atlantique, lors des fameux vuelos de la muerte (vols de la mort).
En raison, d’une part, de leur fâcheuse tendance à frayer avec le radicalisme, d’autre part à cause d’un antisémitisme profondément ancré et fortement influencé par l’église catholique dominante, un nombre disproportionnellement élevé de desaparecidos étaient juifs. L’Argentine n’est plus un pays dans lequel les adversaires politiques du gouvernement « disparaissent », mais ils peuvent « se suicider ». Et c’est précisément vers cette Argentine-là je me dirige.
Un pays pas comme les autres
Pendant mon séjour à Buenos Aires, de nombreux incidents viennent me rappeler que je ne suis pas dans un pays occidental normal. Le jour de la grande marche, la présidente Kirchner réquisitionne pratiquement la totalité des stations de radio et de télévision. Dans un effort évident d’éclipser la couverture médiatique de la manifestation, qui fait la une des journaux, Kirchner se sert de son pouvoir pour forcer toutes les stations gérées par l’Etat à diffuser son discours depuis la centrale nucléaire Atucha II.
« Les Argentins ne doivent pas laisser leur pays être entraîné dans des conflits qui ne sont pas les nôtres », déclare Kirchner, assise sur une scène, entourée des membres de son gouvernement, devant un parterre de milliers de personnes. La foule, tout comme les responsables gouvernementaux, applaudit régulièrement et opine du chef. « Nos ennemis préfèrent une Argentine sans centrale nucléaire, une Argentine sans développement scientifique, une Argentine avec des bas salaires et une main-d’œuvre bon marché », ajoute-t-elle dans son style typiquement populiste.
Au cours de ses deux mandats présidentiels, Kirchner a puisé dans la méfiance profonde (voire la haine) envers « l’impérialisme occidental », en particulier dans sa version américaine, l’inspiration de son stratagème populiste pour attirer de larges franges de la société argentine. Comme les autres Sud-Américains, les Argentins en veulent aux Etats-Unis pour le soutien qu’ils ont apporté aux divers dictateurs dans les années 1970. Un document classifié publié récemment montre, par exemple, que l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger a soutenu le coup d’Etat de Jorge Rafael Videla, le premier de trois dictateurs militaires, pendant la guerre sale qui a secoué l’Argentine.
Les Argentins se sont également indignés de l’ingérence économique néolibérale américaine qui, selon eux a conduit à crise de la dette de 2001. Et, en raison de l’alliance unique entre Israël et les Etats-Unis, l’Etat hébreu est souvent mis dans le même sac que le reste des « impérialistes occidentaux ».
La théorie du complot
Horacio Verbitsky, aujourd’hui chroniqueur au quotidien Pagina 12 et à la tête de la plus grande organisation de défense des droits de l’homme argentine, est un juif avec un passé terroriste (c’était un membre éminent de la junte anti-Montoneros dans les années 1970 et au début des années 1980).
Il est considéré comme la tête pensante du gouvernement Kirchner. De ce fait, il alimente toutes sortes de rumeurs de théories du complot, prises très au sérieux en Argentine car elles s’avèrent souvent fondées.
En réponse à une question sur les relations entre Jérusalem et Buenos Aires, Verbitsky affirme qu’Israël a du mal à traiter avec le gouvernement Kirchner, car celui-ci est trop indépendant. Ce qui semble vouloir dire que Kirchner refuse de céder aux pressions israéliennes.
Verbitsky s’interroge sur le silence relatif de l’Etat hébreu par rapport à l’attentat contre son ambassade, à Buenos Aires, en 1992, qui a fait 29 morts, alors qu’il ne cesse de s’étendre sur l’attentat contre l’AMIA.
C’est faux, bien entendu : Israël continue à exiger de l’Argentine qu’elle traduise en justice les auteurs du crime et envoie une délégation sur le site de l’attentat chaque année le 17 mars. Mais cela contribue à raviver les vieilles rumeurs de conspiration selon lesquelles Israël serait lui-même derrière l’attentat de son ambassade.
Il cite également un commentaire de l’ambassadeur israélien Itzhak Aviran, en janvier 2014, selon lequel « la grande majorité des responsables [des attentats] ne sont plus de ce monde, nous nous en sommes occupés ». Selon Verbitsky, si Israël a bien exécuté les responsables de l’attentat, pourquoi les Israéliens continuent-ils à mettre la pression sur l’Argentine pour les amener en justice ?
Etrangement, après mes échanges avec Verbitsky, Kirchner répète exactement les mêmes accusations contre Israël dans un long discours de quatre heures, peu après mon départ du pays. Preuve, s’il en faut, de l’influence de Verbitsky sur Kirchner.
Elle laisse entendre également que la mort de Nisman bénéficie, en quelque sorte, à Israël dans son opposition aux pourparlers nucléaires entre les Etats-Unis et l’Iran.
« Les Etats-Unis sont en train de négocier un accord nucléaire avec l’Iran, malgré une forte opposition du Parti républicain et d’Israël », déclare Kirchner dans un discours au Congrès, au cours duquel elle a fait allusion à la mort de Nisman qui ferait partie, selon elle, d’une conspiration du Moyen-Orient sur le sol argentin. « Est-ce que personne ne voit le lien ? »
Yo soy Nisman
Quelques heures avant la marche, mercredi 18 février, j'ai rendez-vous avec Monica, la mère de Pachter, dans son appartement.
Je lui demande si elle va participer à la marche. « On m’a conseillé de ne pas y aller », répond-elle. « Trop de gens savent qui je suis. »
La manifestation est une impressionnante démonstration de force. Sous une pluie battante, environ 400 000 personnes sont descendues dans les rues de Buenos Aires, selon les estimations de la police. Une marée de parapluies s’étale du bâtiment du Congrès à la Plaza del Mayo, où se trouvait le bureau de Nisman.
C’est une marche silencieuse, ponctuée çà et là d’applaudissements ou d’appels « Alberto Nisman ? » auxquels fait écho un chaleureux « Presente » (Présent). « Yo soy Nisman » (Je suis Nisman) ou « Justicia » (Justice), peut-on lire sur les pancartes.
Le refrain de l’hymne national argentin : « Vivons couronnés de gloire ou jurons de mourir glorieusement » revient à plusieurs reprises.
La marche va-t-elle changer quelque chose ? Les Argentins sont plutôt pessimistes, mais, à en juger par la taille de la manifestation, beaucoup n’ont pas encore perdu tout espoir.
De nouvelles révélations sont apparues au cours des dernières semaines. Un rapport médico-légal indépendant, commandé par l’ex-épouse de Nisman, Sandra Arroyo Salgado, un haut magistrat qui a elle-même traité des affaires très médiatisées contre des agents de renseignement, conclut que Nisman ne s’est pas suicidé, mais a été assassiné. Salgado représente ses deux filles, ainsi que la mère et la sœur de Nisman.
Lors d’une conférence de presse, elle a déclaré qu’aucune trace de poudre n’a été trouvée sur la main de Nisman, preuve qu’il n’a pas tiré le coup de feu mortel. Le rapport médico-légal indique également que le corps de Nisman a été déplacé après sa mort et qu’il n’y a que des traces minimes d’alcool et de tranquillisants dans son estomac, pas assez pour conduire à un suicide irréfléchi.
Vivian Fein, le procureur d’Etat chargé d’enquêter sur la mort de Nisman, qui a longtemps soutenu la thèse du suicide, n’a pas pour autant terminé son enquête. Et même s’il s’avère que Nisman a bien été assassiné, il y a peu d’espoir de voir ses assassins traduits en justice. Et une chance encore plus mince que les auteurs de l’attentat de l’AMIA soient jugés un jour.
Tant que ces crimes ne sont pas élucidés, ils servent de testament à une maladie beaucoup plus profonde qui ronge la société argentine. Ses symptômes ? De loufoques théories du complot, un monde souterrain et obscur de politiciens corrompus, des agents de renseignement qui multiplient les intrigues et un flot d’inepties.
Cette Argentine-là restera un lieu peu accueillant, non seulement pour ceux qui ignorent ses mœurs, mais aussi pour ceux qui y sont nés et y ont grandi, surtout s’ils sont juifs.