Le problème avec l’UNRWA

Créé en 1948, cet organisme des Nations unies a pour mission de venir en aide aux réfugiés palestiniens, mais beaucoup l’accusent de perpétuer la souffrance palestinienne.

Le problème avec l’UNRWA (photo credit: REUTERS)
Le problème avec l’UNRWA
(photo credit: REUTERS)

Comme beaucoup d’Israéliens ayant séjourné à l’étranger cet été, l’ex-députée de la Knesset Einat Wilf a vu à la télévision des images très dures venues de Gaza. « Sans cesse, on montrait Tsahal bombardant les écoles palestiniennes de l’UNRWA. C’était horrible. Mais aucun journaliste ne parlait jamais des liens qui existent entre l’UNRWA et le Hamas, personne n’expliquait que l’UNRWA n’a plus grand-chose à voir avec l’ONU aujourd’hui et que son seul objectif est de perpétuer le statut de réfugiés des Palestiniens. »

Wilf compte aujourd’hui parmi les dirigeants du JPPPI (Institut de planification d’une politique pour le peuple juif) et travaille également au WINEP (Washington Institute for Near East Policy, Institut de Washington pour une politique au Proche-Orient).
Quand elle était députée et membre de la commission des Affaires étrangères et de la Défense à la Knesset, elle a découvert avec effarement le fonctionnement réel de l’UNRWA.
« J’ai alors commencé à me demander pourquoi il n’y avait jamais de discussions publiques sur le rôle crucial joué par l’UNRWA dans la perpétuation de la crise israélo-palestinienne. Cette organisation perpétue le statut de réfugiés pour les Palestiniens depuis 64 ans : chaque enfant né à Gaza a ce statut. L’organisation est loin de procurer aux Palestiniens les moyens d’améliorer leur existence.
« La seule chose que les enfants apprennent dans ses écoles est le Droit au retour, ce qui prépare en fait la nouvelle génération de shahids (martyrs). Dans ces conditions, comment peut-on croire qu’il puisse y avoir un jour la paix ? Et pourquoi ne faisons-nous rien pour remédier à cette situation ? Personne ne veut se pencher sur le sujet, et certainement pas le ministre de la Défense. A mon avis, c’est une erreur, parce que l’UNRWA est en train de former la prochaine génération de Palestiniens qui nous tirera dessus. »

 

Gaza : 80 % de réfugiés ?

 

En 2010, Wilf décide donc de prendre les choses en main et obtient le feu vert du ministre de la Défense, à condition de s’abstenir de réclamer la fermeture de l’UNRWA. Elle se lance alors dans une campagne de publicité et rencontre personnellement les ambassadeurs de 25 pays donateurs de l’UNRWA.

L’agence reçoit plus d’un milliard de dollars de dons par an des Etats-Unis et d’Europe. A eux seuls, les Etats-Unis ont versé l’an dernier 250 millions de dollars et un total de 5 milliards de dollars au cours des cinq dernières années.
« C’est absurde », clame Wilf. « Tous ces pays répètent à qui veut les entendre qu’il faut parvenir à un accord avec les Palestiniens et, en même temps, ils financent une organisation qui agit pour qu’il n’y ait jamais de paix. Les Etats-Unis et l’Europe voient les implantations comme un obstacle à la paix, mais ils ne se rendent pas compte que l’UNRWA l’est tout autant. Depuis sa création, le nombre de réfugiés est passé de 650 000 à 5 millions. Il a été multiplié par sept ! »

80 % des habitants de Gaza jouissent du statut de réfugié alors qu’ils sont nés, tout comme leurs parents et parfois leurs grands-parents, à Gaza. Ils vivent dans un territoire palestinien et ont la nationalité palestinienne, « mais si vous leur demandez d’où ils viennent, ils vous répondront toujours « Ashkelon », parce que les écoles de l’UNRWA cultivent cette idéologie. Alors que, partout ailleurs dans le monde, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) met tout en œuvre pour aider les réfugiés dont elle s’occupe à se réinsérer et à vivre normalement.

« A sa création, l’UNRWA devait être un organisme provisoire, mais c’est tout le contraire et l’agence perpétue l’idée d’un retour en Palestine. Sans parler de ses liens avec le Hamas… »
Wilf réclame trois choses de l’UNRWA : modifier officiellement la définition de son rôle, qui doit devenir une aide aux personnes dans le besoin, et non la simple attribution du statut de réfugié, ne plus permettre que le statut de réfugié soit transmis d’une génération à l’autre et fusionner avec l’agence mondiale de l’ONU pour les réfugiés.
« Les pays donateurs m’ont poliment écoutée et, à ma grande stupéfaction, je me suis aperçue que l’Occident ne prend pas du tout au sérieux la question du droit au retour. Mais c’est une erreur, car, comme nous le savons tous trop bien, si on demande à un Palestinien né à Gaza, en Judée ou en Samarie – y compris au petit-fils de Mahmoud Abbas (le chef de l’Autorité palestinienne) – d’où il est originaire, il vous répondra qu’il est de Safed. »
« Les gens à travers le monde ne se rendent pas compte que c’est ce problème central qui entretient le conflit. Et ils ne réalisent pas que l’UNRWA joue un rôle crucial dans la perpétuation de ce phénomène. »

 

La Loi du retour pour monnaie d’échange

 

En mai dernier, bien avant le début de l’opération Bordure protectrice, une association de juristes juifs (ONG de l’ONU) a organisé un séminaire d’une journée intitulé L’UNRWA : fournisseur d’aide humanitaire ou perpétuateur du conflit ? James G. Lindsay, ancien conseiller juridique principal pour l’UNRWA, est le seul participant à avoir ouvertement critiqué l’organisation. « L’UNRWA n’a pris aucune mesure pour pouvoir repérer les terroristes parmi les membres de son personnel ou les bénéficiaires de ses services », a-t-il reconnu, « et aucun contrôle de sécurité n’est jamais effectué lors des recrutements. Son système scolaire est extrêmement problématique et n’est pas propre à amener la paix entre les peuples de la région. Il n’y a absolument aucune justification à ce gaspillage de millions de dollars d’aide financière fournie par les pays donateurs, qui sont versés à des gens qui n’ont pas besoin de ces services… », conclut-il, « et il y en a beaucoup. »

David Bedein, directeur de l’Israel Resource News Agency (agence de presse israélienne) et du Center for Near East Policy Research (Centre de recherche pour une politique au Proche-Orient), suit avec attention les activités de l’UNRWA depuis vingt ans. Il a écrit de nombreux articles, livres et rapports révélant, preuves à l’appui, comment cette agence est contrôlée par le Hamas. Il affirme que son travail ne plaît pas à tout le monde parce qu’il vit à Efrat, situé au-delà de la frontière d’avant 1967.

« Les gens de droite me considèrent beaucoup trop à gauche », explique-t-il avec un sourire, « et ceux de gauche pensent que je suis de droite. Mais je n’éprouve pas le besoin de choisir un camp. Je continue à observer de près ce que fait l’UNRWA. 75 % des habitants de Gaza, soit 1,2 million d’individus, jouissent du statut de réfugié. Mais les gens de Gaza ne veulent pas avoir le moindre lien avec Gaza, ils vous rient au nez quand vous essayez de leur parler de réinsertion sociale. Pourquoi ? Parce que la Loi du retour est leur seule monnaie d’échange. Ce n’est pas une plaisanterie, c’est vraiment ce qui se passe là-bas !
« Quand on parle aux Arabes de Gaza par Skype et qu’on leur demande pourquoi ils nous tirent dessus, leur réponse immédiate est toujours : “Pour pouvoir bénéficier du droit au retour”. Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point ils ont été heureux quand le kibboutz Nahal Oz a décidé d’évacuer ses membres. Dans leur esprit, cela les rapprochait de la réalisation de leur droit au retour… »

 

 

Notre merveilleuse langue

 

Selon Bedein, les 700 écoles de l’UNRWA, qui accueillent quelque 1,5 million d’enfants, constituent l’institution responsable de la situation actuelle.

« Depuis l’an 2000, l’UNRWA a inscrit le Droit au retour comme l’un des grands thèmes au programme de ses écoles. Les enfants apprennent jour après jour et pendant des années que la terre d’Israël appartient en fait aux seuls Palestiniens et à leurs descendants, sans limite de temps. »
Bedein a acheté des manuels scolaires de l’UNRWA et les a montrés à des experts de la langue arabe. « Il se révèle que, pour toutes les matières enseignées – littérature, grammaire, géographie ou mathématiques – le Droit au retour est mentionné d’une façon ou d’une autre. » Il ne manque pas d’exemples. Ainsi, en 2011, dans un exercice de grammaire tiré d’un manuel intitulé Notre merveilleuse langue, à l’usage des élèves de CM2, on peut lire : « Remplissez les blancs avec le nom approprié. _____ (nom du réfugié) rêve de revenir sur sa terre natale ». Dans un manuel d’expression écrite destiné aux classes de troisième et publié en 2011 lui aussi : « Je visitais la ville de Jaffa et, alors que je me promenais, je remarquai une maison de style arabe qui était vide. Je me pris à imaginer ce que pourrait me raconter cette maison sur son histoire si elle avait le pouvoir de parler. » L’élève devait alors composer une rédaction sur ce sujet.
« Et ça marche ! », commente Bedein. « Chaque enfant sait dès son plus jeune âge de quelle ville d’Israël il vient : Tel-Aviv, Jaffa, Beersheva… De cette façon, l’UNRWA, une organisation internationale placée sous l’égide de l’ONU et subventionnée à 100 % par des dons, éduque des générations de garçons et de filles qui grandissent avec la volonté farouche de détruire Israël et de conquérir son territoire. Si cela ne s’appelle pas attiser le feu du conflit, je ne sais pas ce que c’est… »

 

La tragédie du peuple palestinien

 

« Sur bien des plans, l’UNRWA est la tragédie du peuple palestinien » : tel est l’avis de Youval Sasson, ex-vice-procureur et actuel directeur du département « Sécurité nationale, défense et espace aérien » du cabinet d’avocats de Ramat Gan, Meitar Liquornik Geva Leshem Tal. « Il est tout à fait justifié de critiquer l’UNRWA, qui s’attache à perpétuer le statut de réfugiés pour les Palestiniens et le conflit pour toute une génération. L’UNRWA perpétue aussi la pauvreté. Voilà des dizaines d’années que les gens attendent sans rien faire dans les camps de réfugiés, au lieu de se lever et de chercher à améliorer leur niveau de vie. C’est une tragédie. A mon sens, cela nuit en outre aux droits d’autres peuples nécessiteux à travers le monde. En Syrie et en Afrique, les régimes au pouvoir maltraitent leur population en toute impunité, mais il se trouve que les projecteurs restent toujours braqués sur la détresse des Palestiniens. »

Reste donc à poser la vraie question : qui dirige l’UNRWA ?

« L’organisation a ses quartiers généraux internationaux à Tel-Aviv et en Europe, mais il est clair que les Palestiniens la gèrent en réalité, et elle se trouve, en fait, sous le contrôle du Hamas. Depuis des années, celui-ci construit à l’intérieur des écoles et des cliniques de l’UNRWA des bases de lancement de roquettes et des tunnels, et ces bâtiments ont tous servi d’entrepôts pour des explosifs. Ce ne sont pas des choses que l’on construit en un ou deux jours, et il est impossible que cela ait été fait sans que le personnel local de l’UNRWA et les responsables de la construction n’aient été au courant. »

 

La liste noire de l’UNRWA

 

Les relations entre le Hamas et l’UNRWA et la transformation de cette dernière en un substitut commode aux organisations terroristes constituent un sujet brûlant qui a pris toute son importance en 2006, avec le succès du Hamas à une écrasante majorité (25 sur 27 sièges) aux élections syndicales au sein de l’UNRWA, qui emploie 30 000 personnes, dont 10 000 à Gaza.

Durant des années, le lieutenant-colonel de réserve Jonathan D. Halevi, ex-agent des services secrets de Tsahal, désormais chercheur au Centre des affaires publiques de Jérusalem, étudie la progression du Hamas au sein de l’UNRWA. Il a publié des listes d’enseignants, d’éducateurs et d’administrateurs qui travaillent pour l’agence et militent également au Hamas ou au Djihad islamique. En voici un extrait : Suhail al-Hindi, président du syndicat des enseignants de l’UNRWA et haut responsable du Hamas ; Saïd Siyam, ministre de l’Intérieur du Hamas, proche collaborateur du leader du mouvement Khaled Mashaal et professeur dans les écoles de l’UNRWA pendant 23 ans, avant d’être tué en 2009 ; Awad al-Keek, professeur dans les écoles de l’UNRWA à Rafah et directeur de l’unité de fabrication d’armes du Djihad islamique à Gaza, tué en 2008.
Le gouvernement américain a tenté de demander à l’UNRWA de porter plus de soin au choix des candidats qu’elle recrute et a même suggéré à l’organisation de se servir pour cela d’une liste des membres actifs du Hamas compilée par Israël. L’UNRWA (du moins selon un rapport du Congrès américain de 2011) a refusé de se fier à une liste israélienne, mais a accepté de s’en remettre à une « liste noire » américaine.
Eyal Ofer, un étudiant qui consacre sa thèse de doctorat à l’économie palestinienne, affirme que la liste américaine comporte une multitude de noms de personnes vivant au Pakistan, aux Philippines ou en Arabie Saoudite ; en revanche, aucun habitant d’Israël ou de Gaza n’y figure. « Ainsi, ils peuvent dire sans mentir : “Nous avons vérifié toute la liste et aucune de ces personnes ne travaille pour nous”. Le Hamas contrôle tout ce qui se passe à l’UNRWA et l’agence ne se soucie pas de vérifier ce que ses employés font de leur temps libre », explique Ofer.

 

Dans les caisses du Hamas

 

« Comme Israël veille à ne pas laisser d’argent liquide rentrer à Gaza et qu’il en faut pour payer le trafic de contrebande qui permet d’introduire des marchandises à Gaza – toutes sortes de choses qui vont des armes à feu au Viagra –, il n’y en a jamais assez. La seule organisation autorisée à faire entrer des dollars dans la bande de Gaza est l’UNRWA, qui prétend avoir besoin de 13,5 millions de dollars en cash pour payer ses employés (alors que ces salaires pourraient très bien être réglés par virements bancaires, en shekels ou par cartes de paiement). Bien évidemment, cet argent liquide se retrouve très vite dans les caisses du Hamas, qui s’en sert pour financer l’industrie de contrebande et le terrorisme.

« Mais le monde fait comme si de rien n’était. Et dans cet exemple, Israël se comporte comme une femme battue qui ne veut surtout pas que les gens sachent ce qui se passe chez elle. L’argent transféré à Gaza n’est même pas mentionné dans les rapports mensuels de Tsahal. Les ministres de la Défense et des Affaires étrangères ont peur de soulever explicitement le problème, parce que cela reviendrait à s’attaquer à l’essence même du conflit. »
Yossi Kuperwasser, directeur général du ministère des Affaires stratégiques, renchérit : « L’UNRWA fait partie intégrante de la vie quotidienne à Gaza. La plupart de ses employés sont enseignants, et certains sont aussi affiliés au Hamas. Comment peut-on espérer une indépendance dans ces conditions ? Et nous voyons d’ailleurs les résultats : des roquettes sont tirées des bâtiments de l’UNRWA et l’on prêche le Droit au retour dans ses écoles. Nous avions les mains liées par un nœud gordien et le gouvernement israélien ne sait pas du tout comment aborder le problème. »
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