Appartement témoin… d’une vie de famille

Une mère qui meurt, un domicile qui reste. Avec Rue Mandar, Idit Cebula filme les émois d’une famille loufoque qui chasse le deuil par le rocambolesque.

JFR22 521 2 (photo credit: Dr)
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Un enterrement juif. Autour du corps de la mère, quelques hommes en kippas etles rares membres des trois générations qui composent cette famille ashkénaze.L’occasion pour la fratrie orpheline écartelée de se recomposer, le temps dudeuil. Emma (Sandrine Kiberlain), la benjamine partie s’exiler sous le soleild’Israël, débarque à la dernière minute pour assister aux funérailles, auxcôtés de son frère (Richard Berry) et de sa soeur (Emmanuelle Devos). « Tu aspris un vol au Low Cost ». A prononcer holocauste. Le ton est donné.
La réalisatrice Idit Cebula raconte l’histoire d’une famille pas tout à faitcomme les autres, mais qui ressemble tant à celles qu’on peut connaître. Lefilm est juif, assurément. Pétri d’humour et de tendresse. De cette façontypiquement d’Europe de l’Est de savoir se jouer des drames par le seconddegré.
Tout se passe autour de la rue Mandar. Là, précisément où la réalisatrice IditCebula a vécu les 20 premières années de sa vie.
L’appartement de la défunte n’est autre que la matrice, ce qui lie et désunit,ce que la mère a transmis. « Les seuls éléments biographiques, c’est qu’ils’agit d’une famille de trois enfants, issus de parents juifs ashkénazes. Lereste est romancé », pointe Cebula. Mais si ce n’est pas son parcours qu’elleraconte, la réalisatrice, qui a perdu sa mère il y a 4 ans, s’en inspire avecdrôlerie et émotion. Quelques scènes cocasses sont directement extraites de sonpassé. « J’ai vécu les funérailles de ma mère comme dans le film »,raconte-t-elle lors de la projection organisée par l’Institut français RomainGary, à la cinémathèque de Jérusalem, ce vendredi 15 mars. « Ma grande soeur afait un malaise, il a fallu l’allonger, les pieds en l’air, et ma belle-soeurest allée décrocher un sacpoubelle, qu’elle a vidé de son contenu par terre,pour le mettre sur la tête de ma soeur.
Je me disais que j’appartenais à une famille de dingues. Même devant lecorbillard de ma mère, j’étais au spectacle. » Une famille de dingues, dit-elle.Celle qu’elle a choisi de mettre en scène ne l’est pas moins. On retrouveRosemonde, campée par Emmanuelle Devos, une psy en permanence sur le fil, aubord de l’hystérie, pour devoir assumer en parallèle la perte de sa mère et laséparation d’avec son fils, parti étudier à New York. Charles, sous les traitsde Richard Berry, indépendant qui travaille de chez lui, a du mal à exprimer sadouleur. A défaut de dévoiler son intérieur, il décide de refaire celui de samaison, sous les yeux de sa femme médusée par cet accès d’autorité.
Emma cumule les piges de traductions et les rencontres sans lendemain sous lesoleil d’Israël. Une vie un brin bohème qu’elle aime et qui lui ressemble.
Quand tout ce petit monde se retrouve, c’est l’ébullition. Coups de gueule etcoups de coeur, ça parle en même temps, vide son sac et se réconcilie. Lafamille, quoi. A ceci près que celle-ci trimbale peut-être encore plus que lesautres l’angoisse de la séparation.
Pour traîner, en trame de fond, les souvenirs de souffrances et les marquesindélébiles laissés par la Shoah.
Comédie sur le deuil qui rappelle les films chorals de Danièle Thompson, RueMandar suscite l’émotion, sur toute la gamme, en mode mineur ou majeur. Lesourire s’esquisse entre deux larmes. Un film tout en intensité superbementservi par un jeu d’acteurs qu’on ne peut que saluer. Pour les amateurs de cesambiances burlesques où les scènes de famille se dégustent comme autant detranches d’une vie qui, quoi qu’il arrive, reste guidée par l’amour et lafantaisie.